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Clio – Déjà Venise

En 2016, Clio faisait ses premiers pas discographiques sur la pointe des pieds, avec un album homonyme aux couleurs acoustiques appuyées qui lui seyaient plutôt bien. La voici de retour avec un second opus, Déjà Venise, dans une veine cédant davantage à l’air du temps, plus électro pop. Passée la surprise de cet instrumentarium fait de claviers et de boîtes à rythmes, accepté le renoncement à la chaleur des instruments en bois, on se fait à cet environnement qui finalement colle bien à la trentenaire et à ses sujets d’élection.

Les morceaux recèlent toujours des mélodies redoutables d’efficacité, mais Clio brille surtout par sa plume, par son sens accru de l’observation et sa capacité à dire beaucoup et fort bien en peu de mots. Au centre de cet album, les relations sentimentales – plus exactement les relations de couple – et ce qu’elles engendrent comme questionnements et remises en question : T’as vu interroge le doute, Déjà Venise évoque le déni de l’usure de la relation, Amoureuse relate le besoin « d’encre pour ses cartouches » en rapport avec la thématique de l’ennui, thématique qui atteint son paroxysme avec Sur les horodateurs. Car Clio c’est aussi une façon de dire, presque anodine, mais les mots tombent tel un couperet : « Je passe nos balades à regarder l’heure sur les horodateurs. » Cruelle, croyez-vous ? En chanson assurément. Mais dans son histoire d’amour, Clio serait Romy Schneider… (Romy S.)

David Desreumaux


  • Clio
  • Déjà Venise
  • un plan simple – 2019
  • Chronique parue dans le numéro 13 de la revue Hexagone.

Bastoon & Babouschka – La vie rêvée de Josiane

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Babouschka c’est Isabelle Sempéré : aux textes, à la voix modulable et à l’énergie. Bastoon c’est Sébastien Garniaux : à la guitare, au banjo, à la grosse caisse, aux chœurs et au cœur aussi puisque dans le titre Je t’aime elle lui écrit : « Tu sentiras ma fierté d’être tienne / Dans la sueur de nos mains jointes sur une scène ».

Dans ce troisième album des Rennais Bastoon & Babouschka, duo sur la scène et dans la vie, les chansons vont du drôle à l’émouvant, du général à l’intime sans oublier l’engagement. Comme dans la vie, celle de Josiane en l’occurrence. Du drôle avec la description de la soirée de Josiane aux 40 ans de sa copine, du drôle piquant quand elle se rêve en CRS. De l’émouvant avec un message à une mère partie (Marguerite). De l’intime avec Mon ange et Je t’aime. De l’engagement avec Je suis un . Et Oups, un titre insolite : 2’12, de la senza et un soupçon de guitare électrique pour neufs mots seulement (« Je suis désolée / Je suis désolée bébé /… / J’ai voté pour un banquier ». En moins d’une minute, Hamburger, sous l’apparence d’une forme légère, apparaît comme une critique de la société de consommation et le constat de notre déshumanisation.

Citons encore Ma petite boîte à musique, au contenu représentatif de cet album très agréable, riche et éclectique qui navigue entre acoustique et électrique, en embarquant de multiples couleurs musicales. Pour certains titres, le duo est enrichi musicalement par trois musiciens.

Michel Gallas


  • Bastoon & Babouschka
  • La vie rêvée de Josiane
  • Compagnie fil en bulle – 2019

 

Nicolas Jules – Les falaises

Nicolas Jules est un « groupe de rock tout seul dans [sa] chambre d’hôtel » (Le crayon). C’est lui qui le dit et le powête a toujours raison. Si bien que si l’on retrouve notamment les collaborations des amis Roland Bourbon et Nicolas Moro dans ce nouvel album, Nicolas Jules a néanmoins maçonné l’ouvrage en animal solitaire (voix, guitare, basse, batteries & claviers) qui n’en finit pas de nous étonner, de détonner, de parfaire son travail de défrichage à l’intention de nos trop tendres oreilles sans chercher à les flatter mais à rendre compte, son pour son, du monde (son monde ?) tel qu’il le perçoit. Sourd, lourd, abrutissant parfois. Dans un paysage musical dont la tendance est au lissage esthétique, Nicolas Jules poursuit son œuvre magistrale entamée il y a vingt-cinq ans déjà. Sans concession, sans rien céder à l’industrie et ses dérives, il continue de ficeler des albums aussi sombres que lumineux, au verbe acéré, au désespoir enthousiasmant, travaillés mais jamais polis ainsi qu’il le martèle dans Ratures, fleur quasi baudelairienne de près de douze minutes : « Et je me répète pour que ça rentre / Je ne vise pas le cœur (3x) / Je vise la tête / Je n’écris bien que ce qui fait mal / J’aiguise mes ratures / La barre tombée du T / Qui raye la beauté / Merde aux objets polis / Les ratures, les entailles pour s’accrocher / Les ratures, les entailles pour ne pas tomber. » Pour ne pas tomber… de ces onze falaises, miroirs des vertiges (et vestiges) de l’amour. Onze chansons au bord du gouffre, « pleines de mots sales », au propre comme au figuré. Magnifiques.

David Desreumaux


Nicolas Jules

Les falaises

ursule – 2019

Chronique parue dans le numéro 13 de la revue Hexagone.  

Francesca Solleville – Les treize coups de minuit

Formée au chant classique par Marya Freund, Francesca Solleville donne une nouvelle direction à sa carrière en 1959, celle de la chanson. Pour la première fois, elle chante (devant) Louis Aragon, à la Mutualité à Paris. Elle y rencontre dans le même temps Léo Ferré qui lui confiera ses chansons dès le lendemain. C’est le début d’un parcours où engagements poétique et politique ne se sont jamais démentis. En treize titres réorchestrés et réenregistrés pour l’occasion, Les treize coups de minuit retracent soixante ans d’une exigence sans faille. Treize coups. Treize œuvres de poètes. Treize merveilles choisies par l’interprète dans un élan du cœur, parmi celles qu’elle a le plus souvent interprétées en scène.

La voix de Francesca n’est certes plus vraiment celle d’hier, c’est entendu. Mais là où elle a perdu en projection, elle gagne en sensibilité, en émotion, si bien que les textes nous parviennent chargés de saveurs inédites. Qu’il s’agisse de Je suis ainsi (véritable biographie !), Elle et lui ou encore L’affiche rouge, la chanteuse donne le sentiment de mettre sa vie en jeu à chacune de ses interprétations. Guillevic, Leprest, Aragon mais aussi Ferré, Ferrat, Genet, Brel et Paul Fort notamment sont au tableau de chant. Tout comme Bella ciao que Francesca n’avait jamais enregistrée auparavant. Sur des arrangements de Michel Précastelli et Nathalie Fortin qui ont favorisé avec bonheur une sobriété instrumentale, Les treize coups de minuit composent un florilège nécessaire.

David Desreumaux


Francesca Solleville
Les treize coups de minuit
EPM – 2019

Chronique parue dans le numéro 12 de la revue Hexagone.


 

Baptiste W. Hamon – Soleil, soleil bleu

Lorsqu’en 2016 Baptiste W. Hamon sort son premier album, cela fait quelque temps déjà que cet ingénieur de formation, aujourd’hui trentenaire, a raccroché les crampons pour se jeter dans L’insouciance de la vie de saltimbanque. Trop à l’étroit dans son bureau de La Défense, Baptiste Hamon a l’âme ailleurs, dans les plaines du far west, comme l’aurait chanté Yves Montand. Sauf que ses idoles à lui, Baptiste, s’appellent Townes Van Zandt, Hank Williams ou encore Johnny Cash. Pas étonnant alors que ce premier opus campe furieusement en terre country folk et se rassasie de grands espaces.

Baptiste W. Hamon aurait très bien pu répéter la recette – d’aucuns mènent carrière sans jamais changer un iota de ce qui les a faits. Lui a décidé d’aller là où on ne l’attendait pas exactement. Ce nouvel album, Soleil, soleil bleu, sans trahir la cause du folk-rock américain, décline sa géographie, prend la contre-allée et inhale d’autres contrées musicales teintées de pop (Je brûle) et d’électro à doses soutenables (Bloody Mary).

L’americana forme toujours l’ADN de Baptiste mais ici, peut-être plus que précédemment, transparaît sa culture chanson française. Du titre éponyme (clin d’œil à Pink moon de Nick Drake) nous parvient presque le timbre d’Yves Simon. Hervé, douloureuse et superbe, s’offre l’apparition de Christophe Miossec. Je brûle, J’aimerais tant que tu reviennes ou Comme on est bien, mélancoliques, rappellent le goût d’Hamon pour la poésie de Jacques Bertin, alors que l’album se clôt sur un hommage aux victimes du Bataclan (Le visage des anges). Finalement très français, ce folkeux !

David Desreumaux


Baptiste W. Hamon
Soleil, soleil bleu
BMG – 2019

Chronique parue dans le numéro 12 de la revue Hexagone.