6.7 C
Paris
samedi, avril 20, 2024

Buy now

- publicité -spot_img
Accueil Blog Page 126

En mars au Limonaire

0

Bien que réputé dans le tout Paris pour la douce musique et les belles paroles qu’il fait couler dans nos cages à miel, le Limonaire l’est tout aussi pour ses mets concoctés par la Lolo des lieux.

Revue en détail de la carte.

D’entrée de jeu, en amuse-gueule, tu pourras commencer par goûter un Nicolas Jules, le 2, suivi d’un Patrice Mercier, le 3. Pense à ne pas t’empiffrer dès le départ, parce que, avec ces deux-là, tu risques fort de t’étouffer (de rire).

Tu peux continuer sur ta lancée, paisible, avec un bon p’tit Jehan le 9 et le 10 (les deux, tant qu’à faire) et Adèle Mol & Nelson Poblete le 11 et le 12. Tu sens que ça commence à chauffer, là.

Arrivé à ce stade, vu que t’es chaud (ou chaude, si t’es une nana, mais ça ne se dit pas trop, enfin, si, mais dans un autre contexte), tu peux attaquer le plat principal : Melissmell le 16, Niko le 17 et Alain Sourigues le 18. Là, t’es bien.

S’il te reste de la place, tu finiras, comme d’habitude, par fromage & dessert, avec From & Ziel le 23 et le 24 et Grise Cornac & Bastien Moh, le 25 et le 26. Si t’es pas repu de chez repu avec tout ça…

Aller, je te la file en intégralité, la carte, tu l’as bien méritée. Note aussi les Soirées Boris Vian du mardi où ça ne devrait pas manquait de swing ! Un mois de mars excellent de bout en bout au Limo !

 


Mardi 1er : Garance
Mercredi 2 : Nicolas Jules
Jeudi 3 : Patrice Mercier
Vendredi 4 et Samedi 5 : Mèche & Romain Lemire
Dimanche 6 : Le petit bal, avec Le grand orchestre du Limonaire (à partir de 15 h)


Lundi 7 : La Goguette des Z’énervés
Mardi 8 : Soirée Boris Vian
Avec Sarah Olivier (chant), Virginie Peyral (piano), Malo Mazurïe (trompette), Sylvain Dubrez (contrebasse), Nicolas Grupp (batterie)
Venez revivre l’époque du Tabou et du Club St Germain, venez sourire en écoutant les mots que Boris Vian savait si bien manier à travers un concert haut en verbe et musique!

Mercredi 9 et Jeudi 10 : Jehan
Vendredi 11 et Samedi 12 : Adèle Mol & Nelson Poblete
Dimanche 13 : Carte blanche à Wladimir Anselme (à partir de 20 h)


Lundi 14 : La Goguette des Z’énervés
Mardi 15 : Soirée Boris Vian
Mercredi 16 : Melissmell
Jeudi 17 : Niko
Vendredi 18 : Alain Sourigues
Samedi 19 : Soirée Pouss’ Chanson
Dimanche 20 : Cinéma muet & piano parlant


Lundi 21 : La Goguette des Z’énervés
Mardi 22 : Soirée Boris Vian
Mercredi 23 & Jeudi 24 :  From&Ziel
Vendredi 25 & Samedi 26 : Grise Cornac & Bastien Moh
Dimanche 27 :  Le cabaret soupe de Roch Havet  et Cie (à partir de 19 h)


Lundi 28 : La Goguette des Z’énervés
Mardi 29 : Soirée Boris Vian
Mercredi 30 : Patrick Ingueneau
Jeudi 31 : Sabine Drabowitch

 

Détours de chant : Madame Raymonde et Monsieur Yanowski

Viens,  on attaque la deuxième semaine de Détours de chant. Lundi : journée de repos, le festival fait relâche. Mardi : tu sais que mon choix c’est de t’évoquer les concerts qui m’ont plu pour te donner envie d’aller les voir. Alors mardi ma plume fait relâche. Te jette pas sur la programmation pour débusquer le spectacle non chroniqué ; quatre ont eu lieu ce jour : tu ne trouveras pas. Mercredi et jeudi, c’est le tour des personnages Madame Raymonde et Monsieur Yanowski. Encore deux spectacles marquants, en marge des concerts « habituels » de chansons. Je te l’avais dit en annonçant le programme du festival :  de l’éclectisme et de la qualité.

Mercredi 3 février – Madame Raymonde dans Lady Raymonde à l’Espace Croix Baragnon (Toulouse)

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Mme Raymonde c’est Denis d’Archangelo. Je l’ai découvert(e) tardivement, il y trois ans, dans une carte blanche à Juliette qui avait invité uniquement des femmes dont … Mme Raymonde. Celle ci n’apparait pas habituellement dans les festivals de chanson. Peut être que les premiers réflexes sont : surement un spectacle ringard, du comique primaire, à la limite du spectacle de travesti, Que nenni ! J’ai apprécié ce soir là une belle performance. Un personnage auquel on croit de suite. Un superbe spectacle de chanson … et de théâtre. On rit, on est ému, on est surpris, on est impressionné. Des moments amusants, certains hilarants et d’autres très émouvants. Dans ce spectacle Lady Raymonde, elle (il) interprète des chansons réalistes avec gouaille ou mélo, quelques titres forts et poignants, des chansons drôles aussi, ainsi que des extraits de comédies musicales. Entre les chansons, elle nous conte son histoire de chanteuse parisienne qui part aux Etats Unis. Mme Raymonde démarre avec une gouaille parisienne Moi je cherche un emploi créée par Arletty. L’air de rien, elle nous annonce le contenu du répertoire à venir : « Nous vous  présentons  une belle collection de chansons : chansons populaires, françaises pour la plupart, très colorées, sur des thèmes variés qui touchent à l’humain, au divin, nous n’avons peur de rien ! » Et pour preuve de ses dires, elle nous offre une superbe version de Le temps de finir la bouteille de Leprest. Dans le répertoire choisi, on trouve des pépites. Comme l’inénarrable Gardien du phare de Joinville de Georgius ou Grand-maman c’est New-York de Trénet. Lady Raymonde nous raconte l’arrivée en bateau,  la statue de la Liberté Ellis Island, « Nouillorque » et Broadway, le rêve américain ! Mais elle nous parle aussi de la difficulté à trouver la célébrité, de ses petits boulots, de ses galères et déconvenues.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Moments d’émotion notamment avec Les bleus de Serge Gainsbourg créée en son temps par Zizi Jeanmaire. (Mes bleus sont mes seuls bijoux Que j’ai payé un prix fou Tu m’as tellement roué de coups Me voilà millionnaire de partout). Qualité de l’interprétation. Symbiose, accordéon, voix, ambiance. De Gainsbourg aussi, un titre plus léger, Raccrochez c’est une horreur ce qui nous donne un petit moment complice et théâtral avec l’accordéoniste … au piano. Madame Raymonde interprète en anglais des titres de Lou Reed, Dolly Parton ou Mort Shuman ! Je n’avais jamais entendu L’histoire de Ben-Hur, la chanson originale créée par Berthe Sylva. Denis d’Archangelo en fait une scène d’anthologie, comme on dit au cinéma, un sketch « énooorrme » comme on dit maintenant. Il démarre en mode chanson réaliste en exagérant la voix, puis s’interrompt pour décrire, faire des digressions, énoncer des anachronismes, inventer des explications délirantes. Plus de vingt minutes jubilatoires et désopilantes. Dans un autre genre, La Belle Abbesse, du répertoire de Juliette, ouvre et referme ce voyage. En rappel Madame Raymonde laissera la scène à son accordéoniste Le Zèbre (Sébastien Mesnil) pour une agréable et réjouissante À Madagascar chantée par Bourvil (et inconnue par moi). Puis elle réapparaît en robe rouge, chante en Anglais le retour à Paris (Ah Paree !). Elle remercie Juliette, que Madame Raymonde a sollicitée pour « se faire mettre … en scène ».  Avant de partir, ils nous offrent un final “claquetté“ des plus gracieux, sans parole ni musique.

Un acteur qui a rencontré le personnage de sa vie. Et quel sacré personnage. Des qualités d’improvisation et de réactivité pour tourner à son avantage les quelques aléas du « direct ». Un humour imprévisible, parfois absurde, qui fait mouche. Les textes sont incarnés, habités par un superbe interprète, un chanteur hors pair. Et le duo avec son accordéoniste parfois pianiste et toujours complice apporte encore un plus. Un spectacle total d’une heure quarante cinq environ. Un régal. Un public toulousain conquis. Hexagonaute de la région parisienne, je serai toi, j’irai voir Mme Raymonde, par exemple le 21 ou/et 22 avril au théâtre Antoine Vitez à Ivry  !


Jeudi 4 février – Yanowski La passe interdite au Bijou

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

On m’a longtemps vanté Yanowski dans Le Cirque des mirages qui l’a fait connaitre. Je l’ai vu l’été dernier au festival d’Avignon pour la tournée … des quinze ans ! La première chanson étant dans la pénombre, j’avais posé mon appareil photo à côté de moi. Puis après le rappel je me suis aperçu que je n’avais pas pris de cliché tellement j’avais été impressionné et embarqué notamment par Yanowski. En fait Yanowski, je l’ai  découvert l’été d’avant, à Avignon aussi, pour La passe interdite créée cette année-là. Scotché par ce personnage singulier, cette voix particulière, et ces histoires surprenantes, abasourdi et sonné, je me souviens ne pas avoir voulu enchaîner avec un autre spectacle (comme c’est pourtant l’habitude au festival d’Avignon) pour rester immergé par les émotions du concert. Ce soir au Bijou, j’ai retrouvé les mêmes émotions, le même dépaysement. Dès le premier titre, La passe interdite, nous sommes immédiatement immergés dans l’ailleurs, happés par la présence physique et la gestuelle de Yanowski. Nous voilà embarqués, sans préliminaire, dans un autre univers, loin de notre quotidien, loin des concerts standard. Un univers d’histoires curieuses et fascinantes, souvent imprégnées de fantastique et non dénuées d’humour.

Nous passons des troquets enfumés de Buenos Aires et du tango argentin aux cabarets slaves. En Russie, un homme est confronté à l’image de son miroir, à son double qui, finalement, va prendre sa place (L’homme au miroir). A Prague, dans un cabaret de curiosités un homme va acheter une étrange femme poupée mécanique. Nous rencontrons un vieux gitan et sa musique endiablée dans Les violons du diable (« Il y avait au coeur de Yérévan Dans une taverne tzigane Un violoniste fabuleux un vieux gitan Qui jouait une musique effroyable Un air à faire prier le diable »). Et aussi un Senor Samuel (« Dans le port de Rosario Accompagné de trois putains D’une crapule et d’un travelo Qui sème l’angoisse et la peur Dans les tripots des bas-quartiers ») qui rêvait de « jouer Mozart ». Nous pénétrons dans une auberge slave dans laquelle les mourants festoient (L’auberge des adieux). Nous visualisons une femme russe (Petrouchka) qui s’interrompt au début ou en plein ébat physique lors d’une chanson éroticomique et épique.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Le tour de chant prend encore un autre relief avec C’est fragile la vie d’un homme (« Ça ne tient qu’à un rien Ça ne tient qu’à l’amour Et puis ça vous retient De dire à tous ceux là Qu’on aime sans mot dire Qu’on voudrait les étreindre du bout des larmes. ») Des chansons et des histoires qui évoquent l’amour, la folie et la passion. Qui laissent une large place à l’imaginaire et à  la démesure.  Des chansons et des histoires habitées magistralement par Yanowski. Immense, en redingote et chapeau, maquillé, avec un regard sombre et pénétrant, il en impose. Et impose son personnage intrigant, exalté, hors-norme et attachant. Une interprétation intense et passionnée. Une gestuelle théâtrale et appuyée. Une voix forte et envoûtante. Une présence magnétique. Une vraie performance. Deux musiciens impeccables au service des histoires, de l’atmosphère et du spectacle : Hugues Borsarello violoniste et Samuel Parent au piano presque de dos au public. Un spectacle émouvant, fort, captivant, prenant. Le public est sous le charme. C’est pour moi, l’un des deux plus grands moments de ce festival avec Jehan & Suarez. Bien après le concert, pour indiquer l’adresse de son hôtel à celui qui allait le ramener, Yanowski précisait « C’est l’hôtel dans le quartier de la gare, près d’un lieu Table Dance. » Avec un petit sourire, il ajouta « Avec ce que je chante, ils ne pouvaient pas me mettre ailleurs ! »

Hexagonaute parisien, Yanowski va fêter la sortie son album La Passe Interdite au Café de la Danse le lundi 4 avril. Hexagonaute de tous les pays, l’album sorti depuis le 19 février est donc disponible.

Bagarre et Odezenne ont déchainé l’Espace Michel Berger

Photo Ophélie Grall
Photo Ophélie Grall

Se rendre en concert un vendredi soir pour décompresser de sa semaine fait toujours du bien. Encore plus quand il s’agit de groupes comme Bagarre et Odezenne. On n’a pas besoin d’en écouter beaucoup pour savoir que c’est la musique qu’il nous faut ! Seul petit bémol, ce n’est pas vraiment par hasard qu’on atterrit dans cette salle située dans le Val-d’Oise (Sannois). Fort heureusement, l’Espace Michel Berger (EMB pour les intimes) bénéficie d’une bonne programmation comme c’est le cas ce vendredi 19 février ainsi que d’une salle spacieuse et agréable. Un petit effort donc avant le réconfort.

C’est Bagarre qui a ouvert les festivités à 21h pétantes. Une intro instrumentale qui nous plonge directement dans leur univers grâce à une rythmique soutenue. Difficile de rapprocher ce groupe de ce qu’on connaît déjà. Ils nous décrassent les tympans de tout ce qu’on connaît déjà. À la fois électro, musique de club, combiné à de l’expérimental et à de la chanson française, un style qui fonctionne excellemment bien en concert. Artistes, ils le sont, mais plus encore, des faiseurs de musique. Excepté le batteur qui reste assigné à sa place, les quatre autres membres s’échangent les instruments et le rôle de chanteur. On aura le loisir d’entendre leurs quatre voix, ce qui crée une diversité. Chacun de leurs titres pourraient être des tubes à part entière, rien n’est à jeter. On passe de l’électro énervé de Claque-Le au slow de Macadam, en passant par le rap de Ris pas. Leurs paroles qui se veulent répétitives permettent à tout public – ceux qui les connaissent comme ceux qui les voient pour la première fois – de se les approprier. Un brin provocant, contestataire, violent, aimant…

Photo Ophélie Grall
Photo Ophélie Grall

Les spots se font psychédéliques, bougeant dans tous les sens, s’éteignant et se rallumant successivement. L’énergie que le gang dégage est bestiale, un poil agressive n’ayant qu’un seul but : nous faire transpirer. Si vous avez vu le clip de Le gouffre, cela vous donne un aperçu de ce qui peut se passer sur scène. Thom Loup, chanteur de ce morceau, se laisse porter par la musique, presque en transe. « Le gouffre qui t’appelle / Tu descends en rappel / Sentant l’odeur du souffre / Pour moi t’es la plus belle. » A notre tour, nous nous laissons happer par lui et ce refrain à la limite de l’absurde qui pourtant prend sens dès qu’on écoute les couplets.

La bête voit rouge, morceau final de ce set, évoque lui aussi quelque chose de puissant. Le début du morceau se fait calme pour monter progressivement jusqu’à ce hurlement : « La bête est amoureuse / L’amour est lamentable / Il faut qu’on la tue / Quand je suis amoureux,  je suis nu ». Un moment de répit durant lequel le chanteur halète de façon érotique. « Je t’aime », répète-t-il, en pointant du doigt plusieurs d’entre nous, « je t’aime, je t’aime, je t’aime ».

Bagarre c’est ça : un cri violent d’amour et de vie. Ils n’aiment pas les clubs, mais nous les seuls que nous aimons, c’est eux, avec eux. Sur scène, on ne s’en lasse pas. Où qu’ils passent, ils communiquent leur énergie, chauffe la salle. Ce soir, la salle ne fut pas aussi endiablée que lors de leur passage au Badaboum, mais quand le set s’arrête, on se sent frustrée. On en demande encore « Le gouffre ! » réclame certains, mais aucun rappel ne viendra. Heureusement, Odezenne arrive pour satisfaire notre appétit. Je vous mets au défi de rester insensible à ce qu’ils dégagent.

Photo Ophélie Grall
Photo Ophélie Grall

Odezenne – comprenez O2 Zen et pas Haut-de-Seine comme je le croyais il y a peu – c’est plus « j’roule mes oinjs » plutôt que « ce soir j’irai mourir au club ». Deux univers qu’on pourrait croire totalement à l’opposé, mais ils ont cela en commun de paraître incongru aux yeux des gens qui ne les connaissent et paradoxalement de nous servir du son qui fonctionne. Quand je dis que je vais voir un groupe entre rap et électro, tous les sourcils se froncent, comme si ces deux mots et encore plus combiner était un gros mot. Certes les gros mots Odezenne, mais ce serait tout de même dommage de passer à côté de ce groupe sous prétexte qu’on a quelques mauvais a priori. Laissez le politiquement correct aux vestiaires et gardez l’esprit ouvert, car je vous assure, qu’ils le méritent.

Odezenne c’est trois amis d’enfance : Au chant, Alix et Jaco, à la guitare ainsi qu’aux platines Mattia. Sur scène, ils sont également accompagnés d’un batteur. Des ampoules à filament suspendues encadrent la scène, donnant cette petite touche de raffinement qu’on retrouve dans la partie instrumentale. À peine apparaissent-ils sur scène que le public les acclame. « Vas-y Jaco, envoie la sauce » lance une personne dans la fosse, donnant rapidement l’idée de la température. Sans précipitation, le son monte progressivement pour atteindre des sommets dès le second titre « Chewing-gum ». Jaco et Alix s’échangent les paroles sans interruption, venant superposer leur voix pour donner à certains mots plus de poids. L’un et l’autre arpentent la scène, occupant l’espace comme des chiens en cage avec cette envie, cette hargne de déverser leur verve déchainée. Pourtant, pas d’agressivité chez Alix et Jaco, davantage de respect, partageant une belle complicité avec leur public. Les adolescents extériorisent leurs propres maux comme on les a déjà vu faire avec Fauve, en reprenant en cœur leurs paroles, démontrant cette soif de s’en sortir et d’être ensemble.

Photo Ophélie Grall
Photo Ophélie Grall

Odezenne peint une société pas vraiment belle, voire carrément sale, et aborde divers sujets dont l’amour et l’alcool/drogue reviennent fréquemment. Malgré l’argot, langue dans laquelle parle Alix et Jaco, il y a quelque chose de savant, jouant avec les mots. Saxophone en un bel exemple avec ses allitérations à répétitions : « Saxophone, phonographe, graff de fou, foule de gens / Molécule autonome, déambule bulle de 16 / Mini-jupe uppercut : super cul / Cul-de-sac, sac à puces, Pue ce chemin / Main au cul, cul de jatte, claque de pute plutôt p’tite, titiller » Le sens se fait énigmatique pour ne laisser qu’une impression comme des images superposées les unes aux autres. Le rythme des titres se fait tantôt dansant, tantôt planant, presque mélancolique. La musique d’Odezenne est organique, elle parle au corps, à l’esprit. On ne la comprend pas toujours pourtant quelque chose se passe. Rien ne se ressemble, Odezenne mixe les genres, pioche dans l’ancien pour refaire du neuf, entre pop, rock, électro, trip house, tout y passe. C’est ce qui fait leur richesse. Quand on les écoute, on passe par un panel d’émotions aussi large. « Voler dans les airs, je vais je vais je vais / Pourrir dans la terre, je veux je veux je veux » (Un corps à prendre). Leur musique nous fait l’effet d’un oinj et nous font oublier nos préjugés grâce à leur justesse.

logo-EMB-2015On restera suspendue pendant 1h30 à leurs lèvres, à sauter sur Dedans, Chewing-gum et hurler notre trop plein d’amour sur le chant révolutionnaire Je veux te baiser. Nous n’étions pas à l’Olympia, mais on aurait presque pu s’y croire au vu de la synergie entre le groupe et public. Il termine leur concert sur cette phrase « Restez vivants », ça tombe bien car c’est ce qu’on a fait toute la soirée et nous comptons bien l’être encore demain !

A Lyon, la sélection des concerts de mars

1
Photo David Desreumaux
Benoît Dorémus – Photo David Desreumaux

Le mois de mars est particulièrement riche en concert et la chanson française et francophone occupe ce mois-ci de nombreuses scènes à Lyon et dans le Rhône.

Deux festivals ont choisi ce même mois pour s’installer dans les salles de l’agglomération. J’ai déjà présenté ici les Chants de Mars dont Benjamin Petit et Christine Azoulay ont raconté ici-même l’histoire et présenté les grands rendez-vous. Parmi ceux-ci les concerts de Miossec et de GiedRé sont complets depuis longtemps. D’autres dates devraient suivre rapidement mais il restera toujours de belles découvertes à faire dans cette programmation très éclectique. J’ai noté par exemple la soirée d’ouverture, gratuite, avec Hildebrandt et les 24 heures du mot d’A Thou Bout d’Chant, le concert de Dreyfus (Max Lavegie) au théâtre Sous le Caillou, Evelyne Gallet au bar De l’autre côté du Pont, Omar et mon accordéon en première partie de Zoufris Maracas (j’ai rencontré Omar pour Hexagone), Vincent Gaffet et -Vous- à Agend’arts ou encore Philibert pour un concert gratuit à la maison des jeunes du Vieux Lyon.

Photo François-Rosentiel
Vous – Photo François-Rosentiel

Si les Chants de Mars mettent à contribution de nombreuses scènes dans toute l’agglomération lyonnaise, Quand les Souris Dansent est un événement croix-roussien par excellence et affirme clairement son orientation sous l’intitulé de « Libres, égaux, fraternels, divers & Solidaires ». Il se déroule donc à la Croix-Rousse, ce quartier de Lyon où la densité d’artistes de la chanson est une des plus élevée en France. On aura l’occasion d’y revenir avec Christophe Cerri qui en est un des plus actifs animateurs. On peut déjà signaler toutefois la joyeuse journée d’ouverture le samedi 5 mars sur l’esplanade du Gros Caillou à partir de midi. Zim, rencontré pour Hexagone, sera au Bal des Fringants le 11 mars et, pour la soirée la plus importante, on annonce la présence du groupe Barrio Populo à la salle de la Ficelle.

En dehors de ces 2 festivals, les rendez-vous sont nombreux. Et pour débuter le mois, on peut retrouver Claudine Lebègue les 4 et 5 mars dans la salle du Zèbre, un lieu de solidarité à la programmation aussi aléatoire qu’éclectique, mais toujours aussi sympathique au sommet des Pentes de la Croix-Rousse. Le public de Claudine est nombreux et fidèle, il est donc recommandé de réserver de toute urgence, s’il reste encore des places.

Photo David Desreumaux
Virage à droite – Photo David Desreumaux

Nicolas Bacchus qui s’installe de mieux en mieux dans l’espace lyonnais sera présent deux soirées à la salle des Rancy en co-plateau avec Manu Galure et le lendemain avec le désopilant Virage à Droite qui démontre qu’on peut rire beaucoup avec de virulentes chansons très réactionnaires. Et pour contrebalancer cette poussée à droite, on peut aller écouter la révolte qui gronde à la salle Edouard Herriot, le 11 mars, car Serge Utgé-Royo et son trio viennent y chanter No Pasaran (Réservation : 06 23 23 39 06). En ces temps difficiles, ce vent de fronde est bien revigorant.

Stéphane Balmino enregistre en public son prochain album du 24 au 26 mars à la salle Léo Ferré. Les places (tarif unique de 15 euros) sont à réserver par mail auprès de Samedi 14. Une campagne de financement participatif a été mise en place pour financer cet album.

La croix-roussienne Noémie Lamour est annoncée à La Mouche, à Saint Genis Laval, une salle qui sera certainement de plus en plus présente dans notre sélection mensuelle, compte tenu de la qualité des artistes qu’elle sélectionne. Noémie est rarement programmée à Lyon et c’est une belle occasion que nous donne La Mouche de la retrouver dans l’agglomération.

Photo Léo Roullet-Marchand
Zim – Photo Léo Roullet-Marchand

Les jurassiens de L’Homme S’entête seront de passage dans l’agglomération pour 2 soirées, les 18 et 19 mars, dont un spectacle à la Boîte à Gants, un café-théâtre de la Croix-Rousse. Les rennais du trio Triwap qui étaient sur le plateau de France 2 début février, sont quant à eux à découvrir au Toboggan de Décines le mercredi 9 mars.

Et pour ceux qui, comme moi, n’ont jamais eu l’occasion de voir sur scène le toujours jeune Eddy Mitchell, c’est peut-être la dernière l’occasion de le faire pour son Big Band qui sera à Lyon, à l’Amphitheatre, Salle 3000 le 12 mars, sa date unique en région, juste avant ses concerts au Palais des Sports de Paris.

Agend’arts, de son côté, fête ses 20 ans « hors les murs » les 26 et 27 mars à la salle de la Ficelle. Beaucoup d’artistes seront certainement à ce rendez-vous, et le public fidèle de la salle ne ratera pas ces joyeuses soirées. Dès le 4 mars, le mois aura débuté avec les lyonnais de Triskaa. Suivront le surprenant rockeur Pierrem Thinet et son groupe Alias Blob et bien sûr Vincent Gaffet et ses amis de -Vous – pour 2 soirées à réserver d’urgence, les 19 et 20 mars.

A Thou Bout d’Chant a bien sûr une programmation toujours aussi riche. J’ai rencontré pour Hexagone Claire Sabbagh qui ouvre le mois de mars pour un beau retour sur la scène lyonnaise avant Benoît Dorémus, Enzo Enzo, les lyonnais de Sur les mains et le Danny Bukton Trio.

Et pour finir le mois en beauté les amis Bobin, Gaillard et Boissery proposent à nouveau leur spectacle de reprises de Renaud le 31 mars à A Thou Bout d’Chant.


 

Presque Oui : « J’ai envie de scène, d’écriture, de collaborations »

Après avoir été bluffée et touchée par le dernier album de Thibaud Defever alias « Presque Oui », puis après l’avoir vu sur scène il y a quelques mois en trio à l’Européen, j’avais envie de mieux connaitre l’artiste. Il était en concert au Forum Léo Ferré dimanche 21 février, et j’ai profité de cette occasion pour en découvrir un peu plus sur son – ou plutôt – sur ses projets. Guitariste de grand talent associé a une interprétation dont la sincérité se ressent, Presque Oui fait partie de ces artistes qui offrent de précieux moments suspendus et ne cessent de surprendre tant par la qualité que par la diversité.

Presque Oui
Photo Marie-Hélène Blanchet

Hexagone : Quand et comment as-tu commencé la musique ?
Presque Oui :
 
J’ai d’abord joué de la guitare en carton, quand j’avais 7-8 ans. Comme j’étais très intéressé par la guitare, même virtuelle, ma mère a sorti une guitare qu’elle avait dans le grenier. J’ai tout de suite été fasciné par cet instrument. Une cousine m’a montré quelques accords, et à partir de là, j’ai été envoûté par l’instrument. Après 2-3 ans de « tâtonnement » je suis rentré dans une école de musique. J’ai fait beaucoup de classique, pendant 10-15ans, je suis rentré au conservatoire à 20 ans, tout en faisant partie en parallèle de groupes de rock.

Hexagone : Quand as-tu su que tu voulais en faire un métier ?
Presque Oui : Non, je ne sais toujours pas si je veux faire de la musique d’ailleurs ! J’en fais, mais je pense que c’est assez agréable de pouvoir se dire « Je ne sais toujours pas ce que je ferai quand je serai grand ». Et je me le dis vraiment. Je ne fonctionne pas comme ça. Je ne me dis pas « Tiens, j’ai envie de faire ça », parce que la question du désir et de l’envie, c’est compliqué pour moi. C’est trop vaste, je n’arrive pas à cerner ça. Donc je constate que je me laisse emmener vers certaines choses et que je fais certaines choses, et là, je suis content. Maintenant, je vis de la musique depuis presque 10 ans, et je suis presque sûr que je n’ai pas envie de faire autre chose.

Hexagone : Pourquoi ce nom, « Presque Oui » ?
Presque Oui : À la base, « Presque Oui », c’est une chanson chantée par Mireille et Jean Sablon. Une vielle chanson de 1933. On reprenait cette chanson au tout début du duo « Presque Oui », avec Marie-Hélène Picard. Moi, je l’accompagnais, et on chantait cette chanson. Quand on a cherché un nom de groupe, on s’est dit que « Presque Oui », c’était ouvert, ça dit quelque chose. C’est dans l’hésitation, la subtilité. On s’est bien retrouvés là-dedans. Après, on a abandonné complètement les reprises, mais on a gardé ce nom-là, et ça nous a presque guidés dans l’écriture. Dans beaucoup de chansons, on a abordé les thèmes de façon pas frontale. Il peut y avoir des chansons dans le dernier album qui sont dures, qui sont émouvantes, comme Un baiser, sur l’accident de voiture. Mais en même temps, on essaie toujours de trouver une pudeur dans la tristesse, ou une lumière quelque part. J’aime bien la subtilité et l’ambivalence que trimballe le nom « Presque Oui ».

Presque Oui
Photo Marie-Hélène Blanchet

Hexagone : Ton dernier album est sorti en avril 2015. Comment a-t-il été reçu par le public ? Avec presque un an de recul, quel regard portes-tu sur l’évolution du projet ?
Presque Oui : Il a été plutôt bien reçu. Je pense que c’est un tournant dans le parcours de « Presque Oui ». Déjà par la formule sur scène, en trio avec la présence de la batterie. Ça a marqué l’arrivée de quelque chose de très différent. Ça a été bien accueilli, bien qu’il y ait des gens qui l’ont moins bien accueilli ou qui ont un peu lâché avec cet album-là, parce qu’il y a beaucoup moins de touches d’humour que dans les précédents. Pour l’instant, on n’a pas eu énormément de concerts avec ce spectacle. Ça peut encore se développer. Je trouve que c’est un beau trio, mais je me suis lancé dans plusieurs projets différents. Il y a aussi « Presque Nous », le spectacle jeune public « Icibalao » et un autre duo qui s’appelle « Luna Soon » qui va se jouer plus à partir de l’an prochain. Donc j’ai diversifié mes activités, ce qui fait que je me fais aussi de la concurrence à moi-même. Mais je suis très content de varier les plaisirs. J’ai peut-être aussi envie d’être moins dans une place « le chanteur, ses chansons », où c’est toujours tout pour lui. J’ai envie d’être polymorphe, de pouvoir me fondre dans un environnement. D’autant plus que je ne trouve pas ça toujours facile de porter la solitude sur scène. Même quand on est en trio, c’est moi qui chante, ce sont mes chansons, mon projet. Il y a des moments où on a besoin de respirer avec ça. Il y a des moments où on se sent apte à porter ça, et des moments où on a besoin de respirer. Je ne sais pas si c’est un moment comme ça, mais en tout cas, si je me suis diversifié autant c’est qu’il y avait ce besoin-là. Je pense aussi que le spectacle n’a pas été beaucoup vu. C’est aussi le problème des « éternelles découvertes ». On est nombreux dans ce cas-là. On a eu un moment fort, moi avec » Presque Oui », il y a eu le Festival de Montauban, Le Pont des artistes, Télérama et après, si ça ne mène pas encore plus haut, ça stagne, et finalement tu restes dans une sorte de statut un peu bâtard. On continue à te proposer des premières parties pour te faire découvrir, alors que ça fait 20 ans que tu fais le truc. On te dit que tu ne seras pas payé, mais que ça va te faire ta promo. À un moment ça va… Donc maintenant, on ne fait plus ça. On a d’une part une grosse reconnaissance dans un certain milieu, dans le milieu professionnel, et on a un public. Et d’autre part, il y a ce manque de reconnaissance médiatique qui fait qu’il y a quelque chose qui plafonne un peu. Je ne suis pas malheureux, c’est juste une constatation. Tu sors un spectacle de « Presque Oui », puis un deuxième, un troisième, un quatrième, et finalement, à un moment donné, beaucoup de programmateurs se tournent vers d’autres gens. Il y a tellement de choses, et de nouveautés qui sortent.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Hexagone : Peux-tu nous présenter ces autres projets ?
Presque Oui : « Presque Nous » c’est un très beau spectacle, avec Sophie Forte. C’est une petite comédie musicale. Elle veut être dans le « nous » et, lui dans le « presque ». Ils sont là, ils essaient de s’ajuster. Et tout ça en chansons, avec 50 % de chansons de Sophie, et 50 % de mes chansons. Quelques-unes des chansons sont sur le dernier album de « Presque Oui », mais il y a aussi des inédites. Il n’y a quasiment que des duos. Je trouve le spectacle très ludique parce qu’il y a toujours ce ping-pong entre les deux personnages. Et ça, ça me fait du bien. Je trouve ça très agréable de jouer en sachant que les responsabilités sont partagées. Après, ce que je dis là, je pense que c’est très cyclique. Il y a des moments où je me dis « C’est évident, c’est ça que je veux faire principalement ». C’est la solitude de l’artiste sur scène, être dans une complicité avec les gens. Et puis, il y a un moment où ça m’abandonne, et je suis pris par un autre projet. Mais c’est normal je pense. Si on est entier dans un projet, on se laisse aspirer par le moment présent.

Autre projet ,« Icibalao », qui se joue beaucoup un peu partout en France. C’est un spectacle jeune public avec Pierre Marescaux au trombone et Romain Delebarre à la batterie. C’est un spectacle qui a été créé il y a un an, au Théâtre Antoine Vitez d’Ivry. C’est une histoire coécrite avec Sophie Forte, mise en scène par Sophie Forte et Eric Bouvron. C’est l’histoire de Nina, une petite fille qui n’a peur de rien, et de Thibaud, qui a peur de tout. Elle l’emmène toujours dans des histoires pas possibles. Et c’est comme ça que Thibaud apprend a repousser sa peur, et pourquoi Nina n’a peur de rien. Tous les retours qu’on a eus montrent que le spectacle interpelle, et qu’il pousse les enfants à se poser des questions. Avec ce spectacle, j’ai découvert la joie de la narration, d’être dans une position de conteur, et d’emmener les enfants à la découverte des chansons, et au-delà des chansons, de l’histoire et des chansons, qui sont finalement sur un pied d’égalité.

Et un dernier spectacle, « Luna Soon », qui existe depuis un bout de temps, mais qui a surtout été joué chez des gens, avec Laetitia Gallego qui est chanteuse. C’est des reprises de chansons anglo-saxonnes et espagnoles. De Paco Ibanez à Lou Reed, en passant par Jim Morrison et Lhasa. Je suis très fier de ce spectacle. On va partir en résidence en novembre, et après on aura le spectacle tout frais, avec une belle mise en scène de Victor Duclos qui est aussi chanteur lyrique et danseur. Dans ce projet-là, je suis essentiellement accompagnateur. Je chante un peu, mais je suis surtout guitariste.

Presque Oui
Photo Marie-Hélène Blanchet

Hexagone : La scène, qu’est ce que ça représente pour toi ?
Presque Oui : C’est un terrain de jeux, ouvert. D’abord on joue avec les gens avec qui on est sur scène, et si on joue bien, les gens se sentent invités dans la bulle. C’est un moment de liberté, et de grande intensité, qui oblige à être complètement là, et à être dans l’instant présent après lequel on court. Là, tu n’as pas le choix. Il y a aussi l’idée de transmission. On écrit des textes, on reprend des chansons, et on va exister, grâce au regard de l’autre, grâce au public qui va être là pour regarder. Une fois qu’on est monté sur scène, la vie n’est plus la même, on sait qu’il y a ça, et ça change tout.

Hexagone : Est-ce que tu as un souvenir de scène qui t’a spécialement marqué ?
Presque Oui : J’en ai plein, vraiment. Hier soir, avec Sophie Forte, on a joué chez quelqu’un, il y avait 35 personnes. Et c’était un moment de grâce comme il peut y en avoir beaucoup heureusement. Des moments de plénitude sur scène. J’ai un très bon souvenir de la deuxième création du trio « Presque Oui ». Après l’Européen, on a refait une résidence en octobre, avec un concert dans la foulée, et là on était vraiment bien. On a joué devant 400 personnes, c’était super. Et là, je me suis dit « Là, on le tient le spectacle ».

Hexagone : Sur cette tournée, vous êtes toujours en trio ?
Presque Oui : Normalement oui, mais il m’arrive de temps en temps de faire une date en solo, mais c’est rare. Qu’est ce que c’est agréable d’avoir moins à porter d’un coup. Quand tu es en guitare-voix, tu fais tout. Et là, rien que la batterie, ça permet d’aérer la guitare, ça donne envie de bouger. La contrebasse, elle, apporte du moelleux. Je suis très content de ce trio. J’espère que ça va se diffuser un peu plus.

Hexagone : Est-ce qu’une de tes chansons à une importance, une place particulière pour toi?
Presque Oui : Il y en a une que j’aime beaucoup dans l’album Peau neuve, qui s’appelle Lumière. Cette chanson, je la réutilise de manière un peu déviée dans le spectacle jeune public. C’est une chanson d’épanouissement : « Laisse moi goûter la lumière, laisse-moi grandir au-dehors… » Il y a des chansons qui ont presque une vertu thérapeutique quand je les chante. Celles-là, j’y suis toujours attaché parce qu’elles sont toujours dans le présent. Il y a la chanson Peau neuve aussi. C’est venu d’un ami qui était en dépression, et j’avais noté tout ce qu’il me disait de ses sensations morales, mais surtout physique, et j’en ai fait cette chanson à laquelle je suis très attaché. Dans le dernier album, Aimons nous est une chanson que j’aime beaucoup. Parce que là, j’ai assumé un propos plus général, plus vague, plus allusif. Ce n’est pas du tout une histoire, c’est de la poésie mise en musique. Et je suis content d’avoir réussi à faire ça, parce qu’au début, avec Isabelle Haas avec qui j’écris mes chansons, on était toujours dans une écriture narrative. Des chansons comme Aimons-nous et Peau neuve m’ont tiré de cette veine narrative de chronique du quotidien. Elles m’ont permis d’aller vers un univers moins rigolo, mais plus méditatif, et finalement qui correspond peut-être à ma volonté de chanter des choses très musicales par lesquelles on peut se laisser bercer.

Presque Oui
Photo Marie-Hélène Blanchet

Hexagone : Selon les titres et les albums « Presque Oui » peut être drôle ou dur, sombre ou lumineux. Tu recherches constamment cet équilibre, ou il vient naturellement ?
Presque Oui : Sur Le baiser par exemple, quand on a bossé les arrangements, le violoncelle fait juste des petites basses, et à la guitare au début j’étais dans le grave du manche. C’est assez sombre dans la couleur de la guitare. Frédéric Cretel qui m’aidait à faire les arrangements, m’a conseillé de mettre un capo, de transposer, et du coup on est arrivé dans quelque chose de très cristallin, très doux, très aérien, avec un propos très dur. Je pense que ça résume un peu le souci que je peux avoir avec « Presque Oui » en général. Il faut qu’il y ait toujours quelque chose qui éclaire, qu’il y ait un équilibre. J’aime ce mélange dans une même chanson, où il peut y avoir une émotion forte, une notion d’une fin de vie, en même temps que l’adultère et le quotidien. J’aime bien ces chansons qui réunissent différentes émotions, et qui du coup, peuvent être surprenantes. Maintenant, je n’arrive plus vraiment à écrire de chansons « sketchisantes » comme il y avait dans les précédents albums. Dans l’album d’avant, je me suis « forcé » à mettre des chansons drôles, mais je n’aurais peut-être pas dû. C’est moins mon truc maintenant de faire du rigolo. Au risque de perdre des gens qui écoutaient « Presque Oui » parce qu’ils aimaient ça. Mais aujourd’hui, ce n’est plus ce que j’ai envie de faire.

Hexagone : Comment se passe l’écriture ? Qu’est ce qui te donne envie d’écrire ?
Presque Oui : En fait, c’est des petits bouts, des envies, des inspirations. Je les laisse reposer un petit peu, et à un moment quand il y a plein de petits bouts, je me rends compte que ça peut commencer à devenir quelque chose.

Hexagone : Donc, tu décides de faire un album quand tu te rends compte que tu as assez de textes pour en sortir un nouveau ?
Presque Oui : Pour De toute évidence, j’avais une trentaine de chansons, donc j’avais vraiment l’embarras du choix. Et là, j’ai presque de quoi en faire un prochain.

Hexagone : Si tu as de quoi le faire, un projet de nouvel album est en cours ?
Presque Oui : Non. Je suis en train de me questionner sur ce que c’est de sortir un album maintenant. Est-ce que j’ai envie de continuer à sortir des albums ? Est-ce que je n’aurais pas plus envie de sortir un spectacle sans avoir l’obligation de chanter les dernières chansons ou les chansons les plus connues ? De sortir de cette logique, de cette économie, de ce format du disque. Je me pose encore vraiment la question du support enregistré. Peut-être que ça pourrait être plutôt sous forme de vidéos enregistrées en live. Je suis un peu fatigué de la fausse attente que ça crée, d’événement qui n’est pas un événement parce que tu es noyé au milieu du système. En tant qu’auditeur, je ne me projette pas dans le fait que les gens fassent des disques, mais plutôt d’aller les voir sur scène.

Hexagone : Où en es tu aujourd’hui dans ta carrière d’artiste ? Quelles sont tes envies ?
Presque Oui : J’ai envie de scène, d’écriture, de collaborations avec différentes personnes, de varier les plaisirs, d’être dans le théâtre aussi, d’accompagner musicalement des textes.

Hexagone : Peux-tu citer quelques artistes que tu conseilles d’aller découvrir ?
Presque Oui : Chloé Lacan, Lily Lucas, K!, Eskelina, Tony Melvil…



Claire Sabbagh, retour sur scène

1

Claire Sabbagh est une artiste lyonnaise qui s’est fait connaître par un premier EP en 2010. Il a fallu attendre 2015 pour qu’elle sorte son premier album. Entre temps, il s’est passé beaucoup de choses dans sa vie qu’elle raconte ici pour Hexagone. En mars, elle sera deux fois sur une scène lyonnaise à commencer par une sortie de résidence à A Thou Bout d’Chant, puis, à l’occasion d’un concert dans le cadre du festival des Chants de Mars. Deux de ses programmateurs avaient présenté récemment ce festival pour Hexagone. Comme je l’avais signalé, certains concerts risquaient d’être très vite complets. C’est ce qui s’est déjà produit pour Miossec et GiedRé. Ca ne va pas tarder certainement pour d’autres dates. Un conseil : lyonnaises et lyonnais, réservez !

Photo Diego Quagliotti
Photo Diego Quagliotti

Hexagone : Ton premier EP, Photo de famille, date de 2010. Que s’est-il passé pour toi sur le plan musical avant cette date ?
Claire Sabbagh   J’ai commencé par une licence de musicologie à Montréal et au retour je suis partie 2 ans à Lille passer mon Diplôme Universitaire de Musicien Intervenant. La bas, j’ai rencontré Remo Gary lors d’une formation à l’écriture de chansons. Cela a éveillé mon goût pour l’écriture et à mon retour à Lyon j’ai commencé à composer mes premières chansons : Photo de famille, Toutes ces p’tites choses… De retour à Lyon en 2006, j’ai suivi des cours à l’ENM de Villeurbanne avec Pierre Delorme et c’est là que j’ai vraiment découvert les trésors de la chanson française car, à part Goldman et Anne Sylvestre qui tournaient en boucle pendant nos voyages en famille, j’écoutais jusque-là plutôt de la musique anglo-saxonne. Mes parents sont très musiciens et dans chaque réunion de famille on chantait les Beattles, Queen, The Mamas & The Papas…. J’ai exercé pendant 5 ans dans les écoles à Grigny puis, parallèlement, j’ai commencé mon projet musical avec Pauline Koutnouyan . On a fait nos premières scènes ensemble à A Thou Bout d’Chant et dans des tremplins.

Hexagone : Sur quoi a débouché ce premier EP ?
Claire : Les retombées n’ont pas été énormes mais j’avais vraiment envie de faire ce travail de studio que j’aime beaucoup. Au même moment j’ai eu mon premier enfant et aujourd’hui j’en ai trois. Pendant toute cette période j’ai travaillé dans les écoles et j’animais des ateliers de musique pour des personnes avec un handicap mental et cela m’a beaucoup enrichie. En 2011, à la naissance de mon deuxième enfant je me suis rendue compte que je manquais de temps pour me consacrer à la composition et je me suis mise en congé parental pour développer davantage mon projet de scène.

Photo Diego Quagliotti
Photo Diego Quagliotti

Hexagone : Tu as donc sorti l’an passé un premier album.
Claire : Oui c’est En suspension, un album de 9 titres. Pour l’enregistrement je me suis entourée de plusieurs musiciens comme Clélia Bressat-Blum pour certains arrangements et les percussions, Guillaume Faure des Gadjo Loco, le groupe Nouk’s et bien sûr Pauline Koutnouyan. 2015 a été une année sur le fil, « en suspension », où j’ai eu la chance de rencontrer quelques mois avant ma sortie d’album Mikael Cointepas et Marie Daviet avec qui je joue depuis un an maintenant. Cette nouvelle formule trio me correspond bien et me permet d’aller vers de nouvelles sonorités : Mikael à la batterie et Marie aux claviers, à la guitare et aux choeurs.

Hexagone : Tu écris de nouvelles chansons en ce moment ?
Claire : Oui. Je cherche aussi des auteurs qui pourraient m’écrire des textes car je me sens plus à l’aise en musique qu’à l’écriture. J’ai rencontré Pol de Groeve et Zaia Evain qui m’ont proposé des textes, des gens passionnés qui adorent écrire. Et j’aime travailler en équipe.

Hexagone : Tu étais bien entourée aussi pour ton premier clip.
Claire : Pour mon dernier clip, j’avais toute une équipe de professionnels et amis qui m’ont entourée : un réalisateur-monteur vidéo, une metteur en scène, un danseur professionnel. Le travail de mise en scène m’a passionné et je me suis prise au jeu, un vrai moment de plaisir

Photo Stéphane Trentesaux
Stéphane Trentesaux

Hexagone : Tu as deux concerts prévus à Lyon en mars.
Claire : J’ai un concert de fin de résidence à A Thou Bout d’Chant le 3 mars. On va travailler avec le groupe en condition de scène pour travailler les nouvelles compositions et améliorer les enchaînements du tour de chant. Ça a du sens que ça se passe à A Thou Bout d’Chant puisque c’est là que j’ai commencé. Le second rendez-vous est à la péniche Fargo dans le cadre du festival des Chants de Mars, un samedi midi pour une formule brunch/concert. Après je serai en formule duo avec Marie en Savoie en mai et on va sans doute jouer aux Trois Baudets à Paris avant l’été. Mais je dois m’occuper de ça toute seule et j’aurais besoin de quelqu’un qui m’accompagne dans mon développement pour que je puisse me concentrer sur la scène et la compo.

Hexagone : Tu fais partie aussi du Cri de la Poule.
Claire : C’est un collectif d’artistes lyonnaises qui œuvre pour la création d’artistes féminines. On organise tous les ans un festival qui se déroule à Lyon à la salle Léo Ferré. On se retrouve régulièrement, on partage nos compétences, nos réseaux. Plein de poules en émulation, le monde entier devrait  voir ça !


Concert de fin de résidence à A thou Bout d’Chant le jeudi 3 mars à 20h30

Concert à la péniche Fargo dans le cadre du festival des Chants de Mars le 19 mars à 11h30.


Nord, un chant sincère et évocateur

2
Photo Déborah Galopin
Photo Déborah Galopin

On avait précédemment rencontré NORD lors de son passage au Badaboum le 24 septembre pour la release party de son premier EP. On l’a retrouvé ce mercredi 17 février en première partie sur la scène des Trois Baudets.

Habituellement accompagné de ses musiciens, Xavier Feugray se retrouve seul entouré de ses instruments: une charmante guitare semi-hollow, un clavier et un ordinateur qui l’assiste. La salle demeure silencieuse, dans l’expectative de savoir ce que l’artiste va nous servir. Un bonsoir timide est lancé par NORD ne mettant personne réellement en confiance. Malgré la maladie qui a envahi ses cordes vocales – une vilaine grippe – cela ne l’empêche pas de faire monter sa voix. Si on l’a déjà entendu monter plus haut et qu’à certains moments on le sent frustré de ne pas pouvoir exprimer pleinement ses tessitures, la personne qui le voit pour la première fois n’y verra que du feu. Dès le premier morceau, les frissons sont là. Ses sentiments, il les extériorise sur scène. Il alterne entre un micro classique et un micro à reverb mettant sa voix en écho, donnant à ses paroles plus de profondeur.

Il faut en revanche, un peu de temps pour que le public se laisse embarquer dans l’univers de NORD, mais une fois qu’il y est, c’est pour ne plus en partir. Une fois la timidité rompue avec un « super ambiance, c’est vachement bien », le public se fait plus expressif. NORD fait rire la salle lorsqu’il fait son auto-promotion et à son tour rit, lorsqu’elle s’apprête à l’applaudir un peu trop tôt sur le titre Drunk.

Il nous a livré de nouveaux morceaux, où il est principalement question d’amour, d’amours qui finissent mal en général. Les paroles pas toujours joyeuses se mêlent comme il le faut à l’électro de NORD. Les beats de L’amour s’en va ne sont pas sans rappeler les sonorités de Stromae, superposé à des paroles comprenant répétitions et allitérations. « L’amour c’est comme une allergie […] Des sentiments, il y en a tant, il y en a trop, c’est dérangeant, quand ça se repend, comme du sirop, c’est écœurant. »

Photo Déborah Galopin
Photo Déborah Galopin

Il y a toujours dans la musique de Nord une sorte d’ambivalence entre bien-être et souffrance. Mémorable en est un bel exemple avec sa rythmique dansante et grave à la fois. Ses paroles évoquent l’intensité de l’instant, des sentiments, du bonheur, dans un contexte de fête où l’alcool modifie les ressentis et la réalité. « C’est une soirée sans limites arrosée d’éventualités / Comme un parfum d’interdit dans cet appart’ mal éclairé / Tu es attirée par le vide, je tiens de plus en plus à toi. » Accompagné de ce vers « C’est le plus beau jour de ma vie » répété à l’infini, comme pour s’en convaincre, pour s’en rappeler, évoquant un moment succinct qui au petit matin nous échappe. C’est cela qui fait la force de l’artiste; toujours dans la poésie, dans la puissance des sentiments pas toujours beaux, mais touché d’une sincérité troublante dans laquelle on se reconnaît parfois. Sur un autre de ces nouveaux titres, dont cette fois l’instrumental se fait plus langoureux et mélancolique, il nous prouve encore une fois qu’on peut dire les choses simplement et efficacement : « Je ne sais plus qui je suis quand je te regarde, mais que vois-je après tout quand tu me regardes ? Des sentiments qui s’en foutent ». NORD termine sur un titre plus pop et léger, Elle voudrait.

Le set s’est révélé assez court, mais suffisant pour nous donner un bon aperçu de son univers à la fois dansant et sensible. Alors que la salle ne pipait mot lors de son arrivée, il a relevé le challenge de conquérir un public qui ne le connaissait pas en l’espace de sept titres et de surcroît malade. Pour l’avoir vu deux fois sur scène, NORD assure le show en toutes circonstances. Si la configuration de la salle ne nous permettait pas de danser, nous sommes restés assis pour boire ses paroles et mieux les apprécier. On l’attend avec impatience lors de sa prochaine date parisienne, le 17 mai, mais d’ici là, on pourra se mettre à niveau en écoutant en boucle son nouvel EP dont la sortie est prévue le 7 avril.

Lilimarche voulait aller danser

1

Elle était là. Face à moi. Elle arborait ses piliers d’hérésie avec une crâne arrogance et semblait vouloir me défier comme un vieil amant reproche à sa consentante l’éloignement de ses venues adultérines. Elle était là, droite et fière. Et moche. Moche de ses figures géométriques à faire rire un dadaïste. Moi, flegmatique et n’en ayant franchement rien à carrer, je la considérais à peine, la laissant à ses légitimes complexes. Les Trois Baudets. Salle aussi déplaisante que son personnel est agréable. Je jetai négligemment ma doudoune sur un de ses sièges chiches en faux velours rouge. Ce soir Lilimarche sur Paris et monte les Trois Baudets pensai-je.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Lilimarche, c’est pas son vrai nom, il faut que je te le dise. Pour de vrai, elle s’appelle Leslie Bourdin comme Jean-Jacques mais elle est plus jeune quand même. Toujours au chapitre biographie, Jean-Jacques, je sais pas si c’est son père mais RMC.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Lorsque je l’ai découverte en début d’année dernière, à La Scène du Canal, Lilimarche assurait la première partie de Marie Cherrier, qui elle, assurait le service après-vente d’Alain Soral. Leslie était en duo avec son guitariste et défendait son EP précédent, Au bar de l’hôtel, paru en 2014. Un premier jet plutôt très agréable. Belle présence, jolie musicalité, sans m’envoyer un uppercut dans la mâchoire, j’avais tout de même été séduit par son univers, sa fraicheur et sa spontanéité.

Hier, Lilimarche faisait la sortie de son nouvel EP, rempli de nouvelles chansons parce que c’est le principe. Y en a plein sur l’EP. Au moins pile 4. C’est aussi le principe de l’Ep sinon ça s’appelle un album. Chansons comme des Polaroïds dit la réclame qui accompagne l’objet. Remarque, c’est aussi le titre de cet opus. Chansons Polaroïds. Le projet Lilimarche est le monde parallèle de la musicienne Leslie Bourdin, musicienne pas pourrie pour un sou que tu as pu croiser aux côtés de Grand Corps Malade, Raphaël, Louis Bertignac, pour peu que tu y étais aussi. Collaborations venant récompenser des années de conservatoire qui lui ont valu prix de piano et de solfège. Classe. Tout récemment, Renaud a choisi sa musique à elle pour claquer sur son texte Ta batterie que l’on retrouve sur le dernier album de Grand Corps Malade. Si la prestation vocale du chanteur énervant y est sépulcrale, le texte néanmoins est touchant et les notes de Leslie bien posées.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Les Trois Baudets, en ce 22 février, donc. Lilimarche passait en 3ème position sur la scène. Avant elle se sont succédés Aurore de saint Baudel, une version très jeune et pas encore aboutie de Cléa Vincent, puis VPN Deluxe, comme les patates. Beaucoup de bruit pour peu de texte. Ensuite, vint le moment de cette release party annoncée. Lilimarche et ses Chansons Polaroïds. Trois sur scène. Guitare, batterie et Lilimarche au clavier. Et parfois pas. Juste à la voix. Une voix très agréable qui flirte parfois avec le timbre d’Enzo Enzo. C’est juste pour dire. Je compare pas. Une voix claire, propre. L’univers musical est très pop, léger, et parfois carrément dansant. Dans ses textes, Lilimarche ne cherche pas à révolutionner la poésie mais les histoires fonctionnent, on y voit parfois une habileté à jouer sur les sons, sur les allitérations. Pas de grandes descriptions ni de loghorrées, On est plutôt dans l’épure, dans l’évocation comme sur cette histoire de Camille : « Dans une valse lente / Elle se soulève / Elle vacille et tangue / Elle danse avec sa peine / Elle retient dans ses bras / Un petit oreiller, / Et se mèlent à ses pas / Quelques plumes tombées. / Au milieu de la foule / Comme un oiseau perdu / Elle danse et devient saoule, / Et ça sans avoir bu / Si vous cherchez Camille / Suivez les plumes tombées / Dehors ils sont cinq mille / À vouloir l’enfermer / Dans ses yeux tout l’or du monde / Quand sa voix ne tremble pas / Souvent j’ai eu peur qu’elle tombe / Mais elle est plus forte que ça. »

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

On peut lire dans l’univers de Lilimarche toute la génération pop depuis les années 80. Je ne citerai pas de noms, c’est inutile. Le name dropping, c’est le boulot de Delerm, pas le mien. Sache juste que Lilimarche est une jeune artiste à suivre assurément. Un pied dans la pop, l’autre dans la chanson, artiste résolument musicale, elle livre des chansons fraiches comme un Mister Freeze qui contribuent à faire tomber les frontières entre modernité et tradition. Le tout servi avec le sourire. Que demander de mieux ?


Sendak : « La scène m’a aidé à m’accepter dans mes forces et mes faiblesses »

1

J’ai fait la connaissance de Sendak, chanteur/musicien/auteur/compositeur qui prépare son premier EP, Ocelot, sur les recommandations d’un ami. J’ai d’abord écouté son SoundClound, mais ce sont ses sessions acoustiques qui m’ont frappée. La sensibilité avec laquelle il chante m’a sauté aux yeux. Il enjolive les mots et leur donne une chaleur, une profondeur. Se lançant tout juste dans une campagne de financement participatif, j’ai voulu en savoir plus sur cet artiste. Il m’a ouvert les portes de son univers, me révélant toute sa richesse mais aussi ses faiblesses. Preuve qu’un artiste est celui qui réceptionne l’humanité, la retransmet selon son angle de vue pour en révéler toute sa beauté et sa complexité. Pas toujours des plus démonstratifs au premier abord, mais généreux avant tout. À défaut d’avoir le privilège de rencontrer Sendak de visu, nous avons conversé pendant près de deux heures autour de ses créations. Un échange des plus intéressants qu’Hexagone vous invite à découvrir.

Photo Sendak
Photo Sendak

Hexagone : L’aventure commence tout juste pour toi puisque tu viens de créer un projet Ulule pour t’aider à financer ton premier EP. Comment est né Sendak ?
Sendak : Sendak n’est pas mon premier projet. Quand j’étais étudiant, un ami également compositeur/auteur et moi jouions en duo sous le nom de Stitch. On croisait nos styles pour faire des concerts. Ça ressemblait pas mal à ce que le chanteur Vianney propose aujourd’hui. Même si on le faisait avant tout par plaisir, on y a consacré pas mal de temps. Au total, on a dû faire une dizaine de dates. Deux ans après, j’ai voulu prendre mon indépendance. Il y a un peu plus de trois ans, j’ai voulu me reconnecter à la musique en faisant des concerts dans Lille avec l’envie de confronter ma musique à un autre public. À l’époque, je jouais beaucoup de chansons que j’avais écrites lorsque j’étais étudiant. C’est en voyant le film Max et les Maximonstres de Spike Jonze que j’ai eu une révélation sur la direction que je  devais prendre. C’est à ce moment que Sendak est né.

Hexagone : Tu compares ton duo Stitch à Vianney, j’imagine que tu fais référence non seulement au style mais aussi à la technique de boucle qui fait sa marque de fabrique. Dans la session acoustique Sans toi c’est également ce que tu utilises, non ?
Sendak : Oui, c’est le même principe. D’ailleurs je crois qu’il utilise la même pédale. À l’époque de Stitch, cette technologie n’était pas encore très populaire. Du coup, on jouait beaucoup avec des secondes guitares et des secondes voix. C’est quand j’ai voulu partir en solo que j’ai découvert la loopstation. Les possibilités sont devenues infinies ! Aujourd’hui, j’arrive à intégrer cet outil dès la composition. Un peu à la manière de Camille sur l’album Le Fil. C’est une influence majeure.

Hexagone : Max et les Maximonstres a été une révélation pour toi. Peux-tu nous raconter ton coup de foudre ? Quelle révélation as-tu eue ?
Sendak : Le coup de foudre s’est opéré dès l’instant où j’ai vu la bande-annonce. Quelques images d’un petit garçon en costume de loup, dans les bras d’un monstre couvert de fourrure en animatronic. Il y avait cette phrase immensément poétique : « I’ll eat you up I love you so, » (Je t’aime tellement que je te mangerais), le tout sur Wake Up d’Arcade Fire. C’était incroyable. Tous les codes artistiques de cette bande d’annonce me parlaient. Lorsque je suis allé le voir au cinéma, j’ai été très ému, car l’histoire reflétait toute une partie de ma personnalité. Dès que je suis rentré, j’ai immédiatement écrit la chanson Les Monstres. En creusant un peu sur l’histoire qui avait inspiré le film, je me suis aperçu qu’il s’agissait d’un livre pour enfant : Where the wild things are, écrit et dessiné par Maurice Sendak. Quand il m’a fallu trouver un pseudonyme, ça m’a paru évident de reprendre son nom comme référence.

Hexagone : Tu parles de Monstre comme un morceau majeur de ton EP, pourtant tu ne l’as pas mis en ligne. Pourquoi ne pas l’avoir mis en avant justement ?
Sendak : Monstre est effectivement une chanson clé. En concert, c’est définitivement celle qui marque tout le monde. Elle est douce et longue. J’en ai plusieurs versions acoustiques et live, mais je voudrais d’abord réaliser une version studio, peaufinée et arrangée. J’attends qu’elle soit parfaite avant de la publier.

Photo Sendak
Photo Sendak

Hexagone : Ton EP se nomme Ocelot. Il fait référence à un petit félin d’Amérique du Sud. Le monde animal est quelque chose qui t’inspire ? Est-ce lié justement à Max et les Maximonstres ?
Sendak : Non, ce n’est pas lié au film. Par contre, les félins m’ont toujours fasciné. Ocelot est également un autre de mes titres. Le texte est arrivé comme par magie dans mon esprit et s’est fait l’analogie de mon histoire d’amour. Il évoque un chat sauvage ou plutôt qui se la joue « sauvage ». Pourtant dès l’instant où il rencontre la bonne personne, il se plaît à se laisser domestiquer. C’était la première fois que je travaillais quelque chose au potentiel plus rythmé et pop. Au fur et à mesure, la chanson s’est imposée comme évidente à mettre en avant. Et puis le mot « Ocelot » en tant que tel me plaît énormément. J’aime sa sonorité légère et poétique. J’ai donc voulu que ce soit le titre de l’EP.

Hexagone : Crées-tu principalement sous le coup de l’impulsion, de l’inspiration ?
Sendak : Oui, cela arrive souvent. D’un mot ou d’une phrase que j’entends peut découler tout un texte. J’improvise un enchaînement d’accords sur la guitare, chante quelques mots en yaourt qui viennent les appuyer, et progressivement le socle de la chanson se crée. Ensuite, je travaille beaucoup pour l’étoffer grâce notamment à la loopstation. Cela me permet d’ajouter des sonorités basses, des secondes voix, ou des mélodies de guitare et des percussions.

Hexagone : Dans tes chansons, on ressent une très grande sensibilité. D’où te vient-elle ?
Sendak : La première réponse qui me vient, c’est mon éducation. J’ai été élevé par des parents musiciens, simples et généreux, chaleureux. Paradoxalement, je suis aussi quelqu’un de très timide, presque émotif anonyme, à un tel point que je me suis construit un personnage pour me sentir accepté et intégré. Je le faisais sans réellement m’en rendre compte. Suite à certains événements, ce personnage a dû laisser place au vrai moi, ce qui a été très difficile. J’ai vécu presque enfermé dans mon studio d’étudiant. Je n’osais même plus sortir de peur d’être jugé. C’est un sentiment difficile à décrire… Je suis parvenu à surmonter cette mauvaise période grâce à ma famille, mes amis et une sublime rencontre amoureuse. J’en parle dans la chanson Une vie démente. C’est tout cet aspect personnel qui a construit Sendak.

Hexagone : Sur scène, avec la timidité comment ça se passe ? Fais-tu toujours appel à ce personnage ?
Sendak : Justement la scène était un moyen de me confronter à cette timidité et surtout de révéler le « vrai » moi, comme une sorte d’aveu. Percevoir le message et la sensibilité d’un musicien sans voir le visage ou la gestuelle est plus difficile. Au début, c’était très difficile, même si je ne jouais que devant mes amis mais au fil des concerts, des rencontres, des retours positifs et constructifs, j’ai pris de plus en plus de plaisir à jouer, et à échanger avec les personnes que j’avais en face de moi. Qu’elles soient deux ou plus d’une centaine, l’exercice était le même. La scène m’a guéri de beaucoup de choses et aidé à m’accepter dans mes forces et mes faiblesses.

Photo Sendak
Photo Sendak

Hexagone : Ton atout est ta voix claire et haute, presque féminine. Est-ce que tu as beaucoup travaillé tes cordes vocales pour arriver jusqu’à ce résultat ?
Sendak : J’ai pris des cours de chant dans l’idée de gagner en technique et d’être à l’aise justement avec cette voix plutôt haut perchée. Au début, elle me frustrait beaucoup et je voulais absolument la modifier. Quand une personne m’entendait parler puis chanter, elle me disait systématiquement qu’elle ne s’attendait pas à cette tessiture. À force de surprendre les gens, je me suis dit qu’il valait mieux en jouer plutôt que d’essayer de la changer. Elle a toujours été là, mais aujourd’hui je l’assume. Les cours m’ont appris à la maîtriser, sans pour autant la corriger ou la lisser.

Hexagone : Dans une session acoustique, tu chantes Les filles de vingt ans, élevant les jeunes femmes au rang d’étranges créatures. Les femmes sont-elles une source d’inspiration pour toi ?
Sendak : Oh que oui. C’est la seule chanson que j’ai gardée parmi toutes celles que j’ai écrites quand j’étais étudiant. Les filles de vingt ans parle de la frustration d’un jeune homme qui ne comprend rien aux femmes, alors il se sert de ses mots pour se venger. J’ai beaucoup écrit sur ce sentiment. Au final, cette chanson à la première personne est celle qui reflète le mieux ce personnage qui déguise sa fascination et son incompréhension en ayant recours à la rhétorique. Aujourd’hui, j’ai souvent un sourire en coin quand je la joue, car j’ai depuis pris du recul. Je crois que les femmes, ou exactement les relations entre hommes et femmes seront toujours mon sujet favori. C’est très inspirant.

Hexagone : Comment perçois-tu les femmes par rapport à la société actuelle ?
Sendak : Les femmes me paraissent plus fortes que les hommes, car elles affrontent des choses par lesquelles nous ne sommes pas touchés. Je ne sais pas comment nous parviendrons à les gérer à leur place. Par exemple, le harcèlement de rue est quelque chose dont je n’avais absolument pas conscience avant que des campagnes publicitaires ne commencent à être relayées sur les réseaux sociaux. J’en ai parlé avec mes amies et ma copine. C’est à ce moment que je me suis rendu compte à quel point c’est omniprésent et paradoxalement, cela reste relativement absent des débats. Depuis quelque temps, je m’intéresse également à un autre sujet : la façon dont les femmes doivent assumer financièrement et médicalement leur corps au quotidien. Il y a un livre notamment qui m’a révélé énormément de choses : Le Choeur des femmes de Martin Winckler. Je pense que tous les hommes devraient le lire. Il relate l’histoire d’un gynécologue qui reçoit beaucoup de femmes plus ou moins détruites par les pratiques gynécologiques actuelles et les conventions. Ce livre apporte un regard sincère et juste sur la façon dont une femme peut percevoir la société actuelle, la sexualité et la façon dont elle est à son tour perçue. Aujourd’hui, toutes ces choses ont nourri d’une nouvelle façon mon écriture. Ça me donne envie de raconter d’autres histoires que la mienne.

Photo Sendak
Photo Sendak

Hexagone : Lauréat du Tour de Chauffe 2015, tu as partagé l’affiche avec Zaza Fournier à La Ferme d’en Haut de Villeneuve-d’Ascq. Ça t’a fait quoi ?
Sendak : C’était génial ! Dans un premier temps parce que je jouais devant son public et qu’il a été extrêmement réceptif et chaleureux. J’ai vu tout son concert qui était vraiment excellent.  Ensuite, parce que j’ai croisé des artistes qui me plaisent, dont notamment le pianiste Majiker qui a participé à l’album de Camille, Le Fil. Je ne lui ai malheureusement pas parlé, car je suis toujours très intimidé quand je vois des personnes que j’admire. Je ne sais pas quoi leur dire, alors je me contente de me taire. Idem avec Zaza Fournier, on s’est juste dit bonjour, mais j’étais tellement timide que je n’ai pas réussi à enclencher la conversation. J’avais peur d’être ridicule et j’étais préoccupé par ma première partie à venir. J’ai eu le même cas avec Ben Mazué que j’ai vu dans une toute petite salle aux alentours de Lille. J’aurais pu aller le voir après le concert et lui témoigner toute l’admiration que j’ai pour lui. Je n’ai pas osé. On ne se refait pas !

Hexagone : As-tu une anecdote de scène à nous raconter ?
Sendak : Je me rappelle avoir fait un concert à Tournai en Belgique, où je partageais la soirée avec Manu Gabriele. Ça se passait dans un bar. La scène se situait dans une arrière-salle, elle était essentiellement consacrée à du gros son de type hard rock, métal, etc. Du coup, je ne me sentais pas du tout à ma place. J’ai quand même joué, devant pas grand monde, mais avec une bonne sono, c’était cool. Quand j’ai fini mon set, je suis allé boire un verre au bar et le patron m’a révélé que le batteur de son groupe de Speed Metal avait adoré. Il était resté jusqu’au bout. J’étais vraiment content d’être parvenu à toucher quelqu’un dont, à priori, ce n’était pas du tout l’univers musical. Ça m’a vraiment fait prendre conscience qu’on ne peut pas classer la musique qu’on aime dans des catégories.

Hexagone : Tu as fait un cover d’Alain Souchon pour en produire une version particulièrement émouvante. Est-ce un artiste qui fait partie de tes influences musicales ?
Sendak : Souchon représente tout ce que j’aime dans la chanson française : la sensibilité, la délicatesse. Il a une manière bien à lui de raconter des moments à la fois personnels et universels. Ce n’est pas pour autant que j’aime tout, mais mes parents m’ont élevé avec ses chansons et quelques autres artistes comme Cabrel, Goldman, Voulzy, Berger, etc. Aujourd’hui, elles sont toujours présentes.

Photo Sendak
Photo Sendak

Hexagone : Pourquoi t’es-tu tourné vers l’autoproduction ?
Sendak : C’était la solution la plus simple à gérer d’un point de vue temps et liberté. De plus, je ne pense pas être à un stade assez avancé pour prétendre pouvoir être produit par un label. Aujourd’hui, il est difficile de se faire repérer quand on démarre et plus encore de vivre de sa musique. Autoproduire cet EP, c’est par contre la meilleure carte de visite que je puisse donner pour espérer ensuite aller plus loin. J’ai l’impression que ça fonctionne de plus en plus de cette façon.

Hexagone : Après le financement de ton EP, c’est quoi la prochaine étape ?
Sendak : La prochaine étape sera de refaire des concerts – ça me manque beaucoup – avec l’ambition de démarcher des salles plutôt que des bars et de dépasser le cadre régional. D’abord en faire quelques-uns à Paris mais aussi ailleurs en France. Avec l’EP, je pourrai également présenter une candidature plus sérieuse à des tremplins et des festivals. L’idée qui me trotte en tête depuis un petit moment c’est la réalisation d’un clip. J’ai également très envie de tourner plusieurs sessions acoustiques. Tout cela devrait se préciser au fur et à mesure.



Les 10 finalistes du prix Adami Deezer 2016

0

Jeudi midi, c’est dans les locaux de Deezer que nous avons eu la primeur d’apprendre les noms des 10 finalistes du prix Deezer Adami.

Le prix Adami a été créé en 2010, il y a 7 ans, pour accompagner les artistes de la scène française. Afin de donner plus d’ampleur à ce prix, depuis 2014 il récompense trois lauréats au lieu d’un. Cette année, ils seront le 6 juin en concert au Casino de Paris, mais avant cela, il faudra passer par une nouvelle phase de sélection. Ceux-ci seront élus pour la première fois, par trois jurys : un jury composé bien évidemment de professionnels de la musique, un jury VIP aux carrières diverses et reconnues (chef, acteur, mannequin…) et bien sûr le public lui-même. Certains finalistes comme Jeanne Added ou La Fine Equipe ont devant eux une belle carrière, ce qu’on souhaite également aux dix nominés. Mais trêve de suspense ! Voici les 10 noms de cette sélection 2016 : 3 somesisters, Bachar Mar-Khalifé, Her, L’impératrice, Marvin Journo, MHD, Petit Biscuit, Radio Elvis, Siannia et Yannis.

Des groupes éclectiques, allant de l’afro Trap pour MHD, en passant par l’électro avec Yanis, jusqu’à la pop. Soulignons tout de même qu’après plus de 500 candidatures, Deezer nous sert des univers musicaux matures. Qu’on adhère ou non, cela est affaire de goût. De notre côté on retient surtout deux noms : Radio Elvis et Marvin Jouno. Ils ont en commun de s’inspirer d’autres arts comme la littérature ou le cinéma et surtout de chanter en « VF », comme dirait ce dernier. A la fois version française et originale, forcément on aime !