Mélinée, Ich bin ein berliner from Toulouse

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Photo Michel Gallas

Mélinée, chanteuse vivant à Berlin, est revenue dans sa ville natale, Toulouse, invitée pour une semaine franco-allemande. Elle donnera 4 concerts en 3 jours dans trois lieux différents. Tu penses bien que Mick le spécialiste des tournées intra toulousaine (voir Manu Galure et Valentin Vander) ne pouvait pas rater cela. D’autant plus que depuis Septembre où j’ai découvert Mélinée dans une émission de radio, j’ai pris plaisir à écouter sa voix et à apprécier ses textes. Impatient de la voir sur scène, j’y suis allé deux fois, d’abord le jeudi dans un petit lieu pour un concert quasi privé et intimiste puis le samedi Chez ta mère. Comme à mon habitude, pour les artistes que je découvre et que je te fais découvrir, j’ai demandé à Mélinée un moment d’échange le samedi pour mieux (te) la (faire) connaître.

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Alors je commence par le concert Chez ta mère. Un concert que j’ai beaucoup aimé. Une voix chaude et claire, des textes personnels livrés avec une écriture attentionnée, des mélodies agréables. Des bouts de vie qu’elle raconte sans se la raconter, deux excellents musiciens guitare contrebasse et un accordéon avec lequel elle s’accompagne. Mélinée chante l’amour. L’amour pour les hommes qu’elle a connus. Du beau mec rencontré dans une piscine toulousaine au serveur d’un lieu de concert (Tares laisse) en passant par un astronome (Astrohomme). L’amour pour une ville, la ville de sa vie Berlin qui lui a inspiré plusieurs chansons. Berline véritable déclaration («Ich liebe dich BerlinBerlin j’tai dans la peau »), Fernsehturm chanson contraste entre une tour solide et bien campée et la chanteuse parfois plus fragile (« Elle contrairement à moi N’est pas sujette aux aléas Elle brille au ciel comme une ampoule Sans jamais perdre la boule »), un amour qui laisse parfois place à la lucidité et à la nostalgie dans Berlin en berneL’amour pour la scène que l’on trouve Sur les planches dédiée aux comédiens ou dans Les tangueros sur les danseurs de tangos véritables comédiens du corps.

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L’amour des mots. L’amour des jeux de mots, des jeux avec les mots Mots geints pour la chanson sur l’accordéon de marque Maugein avec lequel elle joue (« Dans notre cœur à corps subtil Tu t’essouffles sur ma poitrine Et me caresse le nombril Sans la moindre intention coquine »). Mélinée débute le concert avec Mais-lit-nez, chanson de présentation qui joue avec les différentes déclinaisons de son prénom. Et n’ayant rien à perdre (to loose in English) elle a nommé sa mini tournée toulousaine le Nothing Toulouse Tour. L’amour de la musique aussi. Elle a choisi deux excellents musiciens et leur laisse de plus en plus d’espace au fur et à mesure du concert pour des moments musicaux ou des solos. Elle aime les mots, la musique et le rythme aussi. On sent le soin apporté à la structuration du concert avec une alternance réussie de titres lents et de morceaux plus enjoués. Sur son site on parle de « chansons mélancomiques ». Vrai que la mélancolie l’inspire également comme pour Amoureuse de l’ombre « Amoureuse de l’ombre Fille de la mélancolie Je m’abreuve de la pénombre Pour supporter la comédie »)  J’ai été particulièrement sensible à Femme chanson inspirée par Etty Hillesum. Et on perçoit dans les chansons plus récentes de l’album ou dans les nouvelles faites ce samedi une évolution, évolution dans les thèmes, dans l’écriture surement, évolution dans sa vie de femme et d’artiste. Un beau concert avec un rappel de trois chansons qu’elle terminera par La ballade Nord Irlandaise une reprise de Renaud « mon père spirituel » dira-t-elle. Un beau succès avec une salle pleine, une écoute attentive et une belle ovation. De la famille, des amis et connaissances toulousaines bien sûr mais des habitués de Chez ta mère qui découvraient. Comme ma voisine de fauteuil Fanny qui est devenue fan en moins d’une heure trente.

Photo Michel Gallas
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Avant ce concert, j’ai retrouvé Mélinée dans une brasserie place du Capitole. Elle venait de finir son deuxième concert pour la semaine franco-allemande (eh oui ce coup ci je n’ai pas fait la totale : la sieste et le froid ont eu raison de mon envie !). Je commence l’entretien par … le commencement : « Raconte-moi ta vie en quarante cinq secondes : comment tu t’es retrouvé avec un accordéon à chanter devant des gens ? ». Elle me répond « Depuis que je suis petite j’ai fait de la musique, j’ai commencé par le piano jusqu’à mes 15 ans. Ensuite, je me suis mise à l’accordéon. Quand j’ai commencé à écrire des chansons, vers vingt vingt-deux ans, je cherchais de suite les accords de mes mélodies à l’accordéon. Très pratique, je pouvais l’emporter partout contrairement à un piano. » Quand je lui demande pourquoi elle s’est mise à écrire elle me confie  qu’elle a « longtemps sacralisé la chanson française des Brel, Brassens, Ferré, Renaud. Je me disais oh là là je ne pourrai jamais écrire des textes aussi beaux. Ce n’est pas la peine d’essayer. Puis liée à des périodes de mélancolie, des moments de dépression, c’est sorti. C’était thérapeutique d’écrire sur ma souffrance, de mettre ma vie en rimes. Et j’ai écrit quinze chansons en quinze jours. Dont quelques chansons que je chante encore. J’avais un besoin de reconnaissance, besoin de me sentir exister. Besoin de parler à des gens mais sur scène, en rimes et en musique. J’ai mis du temps entre l’écriture et le fait de les chanter. Parce que je n’osais pas, parce que c’est difficile. Mon premier concert devant les gens c’était dans un bar en 2009 en solo accordéon. Puis rapidement j’ai fait quelques concerts en duo avec un violoncelliste. Au prix Nougaro on a gagné le troisième prix. »

Photo Michel Gallas
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Moins d’un an après, elle part à Berlin. « Pour moi c’était un rêve de vivre à Berlin. A l’époque, à Toulouse, je faisais des petits boulots et des concerts dans les bars, je pouvais le faire là bas. J’avais rencontré des musiciens avec qui j’ai pu jouer dans les rues et les lieux Berlinois. En chanson française, nous sommes quelques uns là-bas et les Allemands, extrêmement francophiles, aiment la chanson française. Ils apprécient beaucoup même s’ils ne connaissent pas les textes. Ils aiment l’atmosphère, l’accordéon. » Elle m’apprend qu’à Berlin elle donne des cours de français, l’intermittence n’existant pas en Allemagne.

Dans cet article je voulais te parler de son album Berline, annoncé comme son premier, que j’ai bien apprécié et beaucoup écouté. Dix sept chansons, sept musiciens, des arrangements soignés, une ambiance musicale différente par chanson, des photos de Berlin et de Mélinée dans Berlin. Sur le nombre, désormais inhabituel, des chansons elle m’explique « Je n’avais pas le choix ! Si je n’enregistre pas les plus anciennes, quasiment la moitié de l’album, sur ce premier disque je ne les enregistrerai jamais. Car au niveau de l’écriture, du côté mélancolique, des thématiques mon évolution fait que les enregistrer dans deux trois ans cela n’aurait plus eu aucun sens. Ce sont des chansons de jeunesse. Je les aimais beaucoup. Je ne voulais pas les enlever. Et je voulais mettre, bien sûr, les plus récentes qui sont celles écrites à Berlin.» Elle me confirme que ce n’est pas vraiment son premier enregistrement. « D’abord un live au Tacheles avec mon premier groupe de musiciens et un en duo avec une violoncelliste. Mais celui-ci Berline est le premier, enregistré dans un studio, dans des conditions professionnelles, qui a un label, qui est présenté aux radios, qui est vendu en magasin.» Sur scène, la formule habituelle, désormais, est celle du trio présentée à Toulouse. Même si « Pour le concert de sortie d’album, nous étions cinq sur scène. La première fois de ma vie. C’était génial. »

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Nous devisons sur son thème principal quasi unique : l’amour. Elle complète « Oui c’est vrai, c’est dur d’écrire sur autre chose que sur l’amour. J’essaye d’élargir mon répertoire. Je ne me vois pas comme reporter du monde. Reporter comme Renaud qui a aussi fait des portraits, chanté sa vie, sa famille, ses amours. Ma chanson doit sortir des tripes, d’un ressenti fort, d’un besoin urgent d’écrire. Même s’il s’agit d’écrire sur quelque chose d’extérieur de  moi, cela passe toujours par une expérience personnelle vécue qui m’a touchée, ébranlée. » A Toulouse elle a donné deux concerts pour la semaine franco-allemande, place du capitole, sur un podium. Sur la langue utilisée, elle m’informe que lors  « des concerts que je donne en Allemagne, je chante en général une partie de ma chanson en Allemand. J’ai une nouvelle entièrement en Allemand. Et pour celles uniquement en français je donne un résumé en Allemand au début.»

Plus loin, elle ajoute que « pour la chanson c’est plus facile pour un artiste émergent de tourner en Allemagne. J’ai un label très chouette. L’album a reçu de très bonnes critiques, il passe sur des radios importantes. Mon but c’est de tourner plus en Allemagne, d’obtenir des scènes plus importantes. Là c’était la première fois que je revenais chanter en France. C’est un grand plaisir de chanter dans sa langue devant des gens qui comprennent les textes. mais c’est très difficile de chanter en France. Et encore plus quand on vit à l’étranger. J’ai envoyé mon disque à de nombreuses personnes du métier sans aucun retour. Pour passer quelque part il faut être vu d’abord, avoir un booker et arriver à être repéré pour passer dans les festivals. »

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Hexagonaute, tu pensais pas que j’allais oublier ma question récurrente sur les goûts en chanson francophone ?  « Renaud je l’adore bien sûr. En dehors de ceux déjà cités, j’apprécie Anne Sylvestre, Barbara, Thiéfaine avec ses textes singuliers et Leprest. Leprest, phénoménal avec ses images poétiques, que j’ai connu sur le tard grâce à un artiste toulousain, Olivier Gil.  Olivier Gil, pour moi un grand auteur parmi les gens de ma génération et j’aimerais le voir continuer. »

Lors de cet entretien j’ai découvert une femme au flot verbal impressionnant, à l’avis bien tranché quand elle aime et quand elle n’aime pas. Une artiste lucide sur sa personnalité, ses chansons, son attitude sur scène et son évolution. Hexagonaute, je te conseille d’aller sur son site regarder des vidéos, écouter ses chansons. Tu ne devrais pas être déçu. En cette fin de janvier, Pauline Dupuy (Contrebrassens) autre artiste française vivant à Berlin est venue chanter quatre jours à Paris après quelques dates en France cet automne. C’est vraiment ce que je souhaite à Mélinée dans les prochains temps en France : avoir l’occasion de se montrer sur scène et que son album ait la plus large diffusion possible. 


Mélinée du 14 au 16 janvier à Toulouse. Le 16 janvier en concert Chez ta mère.

Une petite dédicace à Seb Dihl et à son émission Chansomania qui m’a permis de découvrir Mélinée.

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