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Daran – Le monde perdu

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Daran_pochetteDaran n’est pas un perdreau de l’année et depuis plus de vingt ans que le garçon sévit dans la chanson, il a donné dans plusieurs registres. On dira sans détour que le visage de Daran en 2014 est celui qui nous sied le plus. De son propre aveu, avec le nouvel opus, Le monde perdu, paru récemment, Daran réalise l’album qu’il souhaite faire depuis 15 ans.

Pari audacieux que celui de faire un album guitare-voix-harmonica, dans la grande tradition des folk singers américains. Audacieux dis-je, car ce n’est pas une mince affaire que de faire claquer la langue de Molière pour marcher dans les traces de Dylan, Woody Guthrie ou le Springsteen de Nebraska… Très audacieux et casse-gueule quand la forme musicale hyper dépouillée met le texte au devant de la scène, sans béquilles ni artifices. Pour dire avec élégance la saloperie du monde, la forme réclame une écriture pure, stylée, racée ne souffrant pas l’imperfection. Les textes, notamment de Pierre-Yves Lebert, l’ami de longue date, fonctionnent très bien sur les mélodies feutrées et la voix rocailleuse de Daran. On restera beaucoup plus sceptique face au texte de Miossec, qui donne son titre à l’album. Miossec semble y être allé à l’économie et ça gâche un peu la fête qu’aurait pu être ce beau disque folk, à la fois intemporel et très présent.


Cabaret All’arrabbiata – Lemauff à toutes les sauces

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Mais qu’est ce qui m’arrive ? Je suis venu sur Hexagone pour évoquer des artistes de la scène chanson francophone que j’aime, pour partager et donner envie. Et voilà qu’après Lior Shoov, Israélienne, venant du cirque, je vais maintenant vous parler d’abord d’un cabaret satirique sur des textes italiens puis d’un chanteur qui ne s’est encore jamais produit sous son nom. Et ce pour les même raisons : je ressens deux coups de cœur et j’ai envie de partager, d’informer.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Cabaret All’arriabbata d’abord. Des textes choisis dans un recueil de chroniques d’un comédien et auteur italien Ascanio Celestini. Un trio de comédiens chanteurs leur donne vie et entrecoupe ces scènes de chansons italiennes engagées. Donc ce n’est pas de la chanson, ce n’est pas du tout francophone. Mais depuis longtemps, je n’avais plus vu un spectacle aussi fort, aussi prenant. Il occupe notre esprit durant plusieurs jours, et en même temps, il procure un grand plaisir de spectateur. Les textes sont cyniques, d’une grande intelligence et d’une âpre dureté. Chaque scène débute comme une fable, l’histoire semble excessive dans son traitement, et l’imagination débordante. On sourit, on rit. Mais, en fait, c’est de notre vie qu’il s’agit, on reçoit un uppercut qui coupe le souffle. Sous le prétexte d’une histoire, le doigt est mis sur ce que l’on accepte et que l’on ne devrait pas, sur nos lâchetés au quotidien et on se sent mal à l’aise. C’est intelligent, inventif dans l’approche, à travers des histoires non réalistes des mots sont mis sur des sujets que l’on veut se cacher à soi-même. Cela parle du pouvoir, du rapport entre les dominés et les dominants, des dominés qui ne se révoltent pas, de la lâcheté, de la cruauté, de notre non humanité.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

C’est surtout un spectacle réussi. Les acteurs sont vraiment fantastiques, la mise en scène ne nous laisse pas nous poser, les chansons et leurs mélodies mettent de la gaieté et de l’enthousiasme, l’écriture amène des images surprenantes, l’humour est très présent. Plus qu’excellente en femme d’affaires qui vend de la merde et en voisine qui est comme nous,  « on est tous pareils, je suis comme toi je suis raciste, comme toi je suis pédophile, » Renata Antonante est aussi une surprenante chanteuse. Pablo Seban, arrive à nous faire croire qu’il est une femme se faisant mettre la main aux fesses. Ces deux comédiens, d’origine italienne, et excellents chanteurs sont complétés par Lucas Lemauff. Plus qu’à l’aise au piano, son instrument fétiche, il nous surprend et nous éblouit par ses talents de comédien. Vraiment on ne l’attendait pas déjà à ce niveau là !. Vieux briscard dans son discours politique, « Citoyen, je vais te parler franchement, la situation dans laquelle tu es (plus de 13ème mois, plus de travail… ) C’est ton problème » et terriblement efficace dans la fable cruelle de ceux qui ont un parapluie et ceux qui n’en n’ont pas : « le monde ne change pas, c’est ta place dans le monde qui change. » Donc un cabaret satirique à voir, et à revoir. Un spectacle qui satisfait le public. Le bouche à oreilles fonctionne bien, cette troisième représentation en deux mois a encore refusé du monde, et plusieurs rangées l’ont suivi debout.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Et, comme les artistes, je veux citer Olivier, patron programmateur de Chez Ta Mère, qui a permis à ce spectacle d’avoir ses premiers spectateurs. Je pense, et espère, que ce cabaret n’en est qu’à ses débuts d’une belle et longue carrière méritée. Pour l’instant une seule date de sûre au théâtre du Grand Rond en janvier… 2016.  Promis, je t’annoncerai les dates à Toulouse, dans la région et celles… à Paris.

Et Lucas Lemauff alors ? Il est mis à toutes les sauces ces derniers temps. Et on se dit, à chaque nouvelle prestation, « il sait tout faire et il le fait bien. » Les Toulousains ont d’abord connu Lucas comme pianiste du groupe Les Pauvres Martins, dans lequel, petit à petit, sa place a grandi. Je me souviens d’un concert mémorable en Novembre 2012 au Bijou où il chantait sur plusieurs titres, jouait  de la  flûte, et assurait des percussions corporelles.  On l’a retrouvé comme pianiste accompagnant Olivier Gil, auteur toulousain, puis l’an passé en tournée avec Keith Kouna, artiste québécois, et depuis plus d’un an pianiste de Pierrick, l’ancien chanteur-auteur des Malpolis de joyeuse mémoire. On l’a apprécié en pianiste chanteur dans Les Fils de Ta Mère en 2012-2013 (là aussi avec un souvenir mémorable notamment de La vache à mille francs de Poiret et Chanson pour Pierrot de Renaud).

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Et depuis Octobre, il fait partie de Virage à droite dont Hexagone a déjà parlé ici et nous gratifie de moments savoureux comme Je suis pour de Sardou et de Ma salope à moi (Doc Gynéco) en duo avec Stef. Les Toulousains l’ont aussi vu auprès d’Hervé Suhubiette, cet été, comme choriste dans un hommage à Nougaro. Avec Suhubiette (rappelle-toi on a déjà parlé de Suhubiette dans Hexagone ici) il anime une chorale Voix Express. Et il montre une nouvelle facette de comédien dans All’arrabbiata ! A toutes les sauces je te dis ! Et la mayonnaise continue de monter. Lucas Lemauff prépare un spectacle, piano voix, dans lequel il chantera ses textes et compositions. Là aussi tu peux compter sur Hexagone pour te parler de cet artiste talentueux que nous aimons beaucoup.


affiche de All'arabiata

Cabaret All’arriabbata  – 26 octobre et 12 décembre 2014 – Chez Ta Mère – Toulouse.


Tatatssin ! Baptiste Vignol dégaine les fringues de Gérard Lambert !

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De plus en plus, l’hommage discographique s’impose dans la chanson actuelle. Cela ne traduit en rien une crise de la création dans le milieu de la chanson qui nous intéresse à Hexagone, mais révèle sûrement une manne à peu de frais dans la chanson-tirelire qui pleure ses années de gloire, celles d’avant la fameuse « crise du disque »… Récemment, pour parler d’un chanteur qu’on aime beaucoup ici, même quand il est super énervant et des fois il l’est vraiment, récemment donc ont paru deux disques de reprises de La Bande à Renaud. On n’en a pas parlé sur Hexagone et on n’en parlera pas même si tout n’est pas à jeter dans cette entreprise de commerce. On préfère de loin s’arrêter sur un projet qui a commencé antérieurement à la bande en question. Celui d’un certain Gérard Lambert qui prévient que « Les chansons sont faites pour être sifflées sous la douche, chantées dans les rues, gueulées dans le métro, reprises sur la Toile… Vingt artistes ont enregistré dans leur home-studio, au débotté mais avec cœur, une chanson rouge bandana. Purement artistique, parfaitement gratuit, cet hommage salue Renaud, d’hier, d’aujourd’hui, de demain. Tatatssin ! » Gérard Lambert, t’y as cru toi ? Nous non plus ! En fait, l’instigateur de ce projet très beau et très réussi n’est autre que Baptiste Vignol, passionné de chanson et éminent commentateur en la matière. Il nous parle de son projet.

Photo JM Héran
Photo JM Héran

Hexagone : Tout d’abord, pourrais-tu te présenter brièvement aux lecteurs d’Hexagone en appuyant sur tes actes coupables dans le domaine de la chanson ?
Baptiste Vignol : Passionné par la chanson, j’ai grandi au milieu des 33 tours de mes parents, de Malicorne, de Brassens, des Beatles et de Guy Béart, d’Henri Tachan aussi, et de Jacques Brel; au sortir de mes études universitaires, j’ai été programmateur deux ou trois ans chez Pascal Sevran, une école de la décontraction sur les nerfs, puis j’ai écrit quelques bouquins sur la chanson. Depuis août 2007, je tiens un blog, Mais qu’est-ce qu’on nous chante?, que j’alimente de temps en temps, quand ça me chante, et sur lequel je dis tout à fait ce que je pense des disques que j’écoute puisque je les achète.

Hexagone : Tu as imaginé le projet Tatatssin. Peux-tu nous le présenter ? Qu’est-ce que Tatatssin ?
Baptiste Vignol : Tatatssin, c’était d’abord le titre d’un bouquin que j’avais écrit sur Renaud en 2005 et qu’il avait suffisamment apprécié pour préfacer un livre suivant, paru en 2007 : Cette chanson qui emmerde le Front national. Tatatssin est ensuite devenu le nom d’un site que j’ai créé en mai 2014, sur lequel je « travaillais », ou plutôt pour lequel je collectais des chansons depuis mars 2013. Le site s’est ouvert, curieusement, en même temps que sortait en librairie un bouquin sur Renaud (Renaud à la plume et au pinceau) dont je suis le modeste auteur des textes, sur de chouettes dessins de Jean-Marc Héran avec une très belle préface de David Séchan, le frère jumeau de Renaud. Un bouquin que Renaud nous a d’ailleurs fait l’honneur de « valider » en posant avec.

Hexagone : Comment t’es venue l’idée de Tatatssin ? Quand est-elle née ?
Baptiste Vignol : En croisant Renaud à Paris, en février 2013, à l’occasion de la sortie d’un bouquin qui s’intitule Le Top 100 des chansons que l’on devrait tous connaître par cœur pour lequel d’ailleurs Renaud, comme 275 autres artistes de la variété francophone (Alain Souchon, Charles Aznavour, Christophe, Véronique Sanson, Dominique A, Françoise Hardy, Guy Béart…), m’avait donné la liste de ses 10 chansons françaises préférées, celles qu’il aurait aimé écrire. J’aperçois Renaud, de loin, il était tellement dans ses pensées que je ne suis pas allé le saluer, mais ça m’a donné l’envie de consacrer à son œuvre un site sur lequel on pourrait écouter gratuitement des reprises de ses chansons. J’aime bien imaginer des sites-hommages. J’en ai faits sur Delon et sur Björn Borg.

Hexagone : Les artistes présents sur le projet sont peu médiatisés. Était-ce une volonté ?
Baptiste Vignol : Absolument. Mais surtout, j’avais envie de ne solliciter que des artistes auxquels on n’aurait pas pensé immédiatement pour chanter du Renaud. Des artistes « pointus », très « pop » parfois, comme Damien, Séverin, Louis-Ronan Choisy, Bertrand Betsch, Bertrand Soulier, La Grande Sophie (qui elle est très connue, bien sûr, mais je ne voyais pas mieux qu’elle pour chanter It is not because you are), Circé Deslandes, Bertrand Louis, etc… Je ne voulais pas solliciter les artistes qui s’inscrivent dans une lignée rénaldienne, comme Dorémus ou Alexis HK dont j’apprécie par ailleurs beaucoup le travail. Je souhaitais que ce soit un peu étonnant, inattendu. J’ai donc contacté 25 artistes, et 20 ont accepté. Le concept a dû les séduire, le fait que ce soit parfaitement désintéressé, 100% gratuit, et que les chansons doivent être enregistrées dans leur home studio, aussi simplement que possible. Pas de frime, quoi!

Hexagone : Beaucoup d’artistes jeunes et émergents qu’on apprécie beaucoup à Hexagone. Au milieu d’eux François Morel (qu’on aime beaucoup aussi), plus confirmé. Peux-tu dire quelques mots sur les raisons de sa participation ?
Baptiste Vignol : Mistral Gagnant est un tel classique qu’aucun chanteur, je pense, ne peut la reprendre sans souffrir de la comparaison avec la version de Renaud. Il ne faut pas trop toucher aux standards, c’est très casse-gueule. Sauf quand Patrick Bruel reprend Ne me quitte pas par exemple… Tatatssin… Et puis Mistral Gagnant, c’est une chanson de mec ! C’eut été une erreur grossière de la proposer à une femme… Un jour, j’ai pensé à François Morel. Je me suis dit que le comédien, ce comédien, dont on sait qu’il aime la chanson, saurait, lui, s’approprier ces mots. Je lui ai proposé, par l’intermédiaire d’Antoine Sahler, son pianiste et compositeur, et moins d’une semaine après, j’avais la chanson ! Il se trouvait que Mistral Gagnant est une de ses chansons préférées! Ce que j’ignorais.

Hexagone : Quel cahier des charges exact as-tu donné aux artistes ?
Baptiste Vignol : Aucun. Je leur proposais un ou deux titres que je les voyais bien reprendre ; certains, très peu au final, m’en ont proposé d’autres, et ça s’est fait comme ça, à la cool. Tout s’étant organisé, bien entendu, avant qu’on apprenne qu’une compilation (La Bande à Renaud) allait sortir en juin 2014 ! Ça m’a valu de chouettes surprises. Je pense à la version du Sirop de la rue par Gérald Genty, carrément barrée. Ou à celle, plus classiques, mais très émouvantes de Trivial poursuite par Rit ou de P’tit déj blues par Ludéal. L’intérêt de ces reprises se niche dans leur originalité. Pas de copié-collé sur Tatatssin.

Hexagone : Qui as-tu contacté en premier ?
Baptiste Vignol : Je crois que c’était Pierre Schott, dont j’adore tous les disques. Un très grand, bizarrement méconnu. Il m’a semblé évident que Tant qu’il y aura des ombres collait à son univers. J’ai été très ému quand il me l’a envoyée. Peter Kröner aussi, dont j’aime encore les vieux disques sortis au début des années 90. On ne l’entendait plus depuis 1998, alors je lui ai écrit. Je ne me souviens plus quel titre je lui avais proposé, mais il a souhaité faire En cloque. Sa reprise est d’enfer. Écorchée, mal peignée.

12Hexagone : As-tu eu des refus d’artistes ? Si oui, comment ont-ils motivé ce refus ?
Baptiste Vignol : Quatre ou cinq, oui. Parce qu’ils ne se sentaient pas suffisamment proches de l’univers de Renaud, ce qui n’est pas critiquable, ou parce que leur label n’a pas souhaité les voir s’inscrire à ce projet ! Ce qui est grotesque. Mais il faut bien que les «D.A.» justifient leurs salaires…

Hexagone : Comment s’est opéré le choix des chansons ?
Baptiste Vignol : En gros, j’ai choisi mes chansons préférées. Je ne me suis pas foulé. Et je ne voulais pas taper dans les gros tubes radiophoniques, Dans mon hlm, Morgane de toi, Dès que le vent soufflera, Manhattan-Kaboul, etc.

Hexagone : Pour les artistes participant à Tatatssin, que représente Renaud ?
Baptiste Vignol : Un auteur-compositeur-interprète très talentueux, j’imagine. Un homme intègre aussi, avec ses contradictions. Une figure majeure de la Chanson française sans doute.

Hexagone : Selon toi, qu’est-ce qui fait que Renaud fasse aujourd’hui l’unanimité alors que ce n’était pas franchement le cas il y a 20 ans ?
Baptiste Vignol : L’œuvre n’a pas pris une ride, sa poésie frappe juste, l’humour de Renaud est toujours aussi mordant et ses mélodies sont bien plus solides et inspirées qu’on ne l’imaginait quand ses albums paraissaient.

Hexagone : Le projet est-il terminé ou va-t-il se poursuivre ? D’autres enregistrements à venir ?
Baptiste Vignol : Oui, c’est quasiment terminé ! J’attends encore trois reprises. J’en ai ajouté quelques-unes récemment. Déserteur, Morts les enfants, Marche à l’ombre et La Chanson du loubard. Pour savoir qui les chante, il faut aller traîner sur Tatatssin.

Hexagone : Les noms des artistes ne sont révélés qu’en fin de clip. Pourquoi ?
Baptiste Vignol : Parce que je trouve ça élégant, intrigant, humble et amusant… Essayer de deviner qui chante, découvrir la version, les oreilles toutes propres, sans aucun a priori.

Hexagone : Sur la chaine Youtube de Tatatssin, on découvre les chansons numérotées de 1 à 20, puis des bonus de 1 à 9. Pourquoi cette différenciation ?
Baptiste Vignol : Il y a d’abord eu 15 chansons, le site a été pensé en fonction, avec les portraits des chanteurs le visage camouflé par un bandana, comme en portaient les cowboys dans les tempêtes de sable, et puis je voulais mettre des bonus comme il y en a sur les disques. D’où la case «Chansons mal cachées» ! Un truc à la Renaud, quoi. Un clin d’œil.

01Hexagone : Sur le site Tatatssin, tu présentes le projet comme « purement artistique, parfaitement gratuit« , mais toi, n’as-tu pas été confronté à la notion des droits et d’autorisation ?
Baptiste Vignol : J’y suis allé en me disant «On verra bien !» J’ai toujours été étonné par le fait d’avoir à demander l’autorisation de faire un hommage… Et puis la démarche ressemble bien à Renaud, d’ailleurs, impertinente sur les bords. Au début de sa carrière, il faisait une reprise assez rageuse des Ricains de Sardou avant laquelle il disait «Si ça ne lui plait pas, qu’il vienne me le dire !» Au final, David, son frère jumeau, qui est aussi éditeur, vient de dire que Tatatssin est, je cite, «une belle initiative qui échappe aux requins du business… » Merci monsieur.

Hexagone : Attends-tu quelque chose de particulier d’un tel projet ?
Baptiste Vignol : Ben non. Pas de gloriole. Ça n’est pas mon genre. Je me suis planqué derrière un pseudonyme à sa création, Gérard Lambert, attendant que les choses viennent naturellement… Et je réponds aux questions quand on m’en pose, comme je le fais là, avec toi.

Hexagone : Quel regard portes-tu sur les reprises « officielles » de La Bande à Renaud 1 et 2 ?
Baptiste Vignol : Une oreille très distraite. Je n’arrive à me détacher du disque de Christine & The Queens que j’écoute en boucle depuis des mois.

Hexagone : As-tu informé Renaud de ton intention de monter ce projet ?
Baptiste Vignol : Là encore, j’ai laissé faire. Le vent aura-t-il porté ces reprises jusqu’à ses oreilles ? J’ai la faiblesse de l’imaginer. Peut-être en a-t-il apprécié quelques-unes…

09Hexagone : Quel regard portes-tu en 2014 sur la chanson francophone avec d’un côté des « vedettes » pas toujours passionnantes et de l’autre une large scène sous médiatisée qui recèlent pas mal de pépites ?
Baptiste Vignol : En ce moment, pour parler de la relève, si l’on excepte quelques jeunes aventurières comme Christine & The Queens ou Robi, ou comme Damien, dont j’attends impatiemment le troisième disque, tout se passe au Québec. L’avenir de la chanson francophone se niche là-bas. Peter Peter, Les Sœurs Boulay, Vallières, Jimmy Hunt, Louis-Jean Cormier…

Hexagone : La chanson de proximité est-elle une espèce en voie d’extinction, relayée au sous-sol de la culture ou crois-tu à une résurgence possible ?
Baptiste Vignol : Lorsque les plus gros vendeurs de la grosse variété française en 2014 restent les mêmes que ceux qui défilaient chez Guy Lux ou Jean-Pierre Foucault il y a trente ou quarante ans (Hallyday & co), c’est mal barré. Peut-on se réjouir qu’en 2014, les deux émissions de télévision supposées porter la chanson soient présentées par ces jeunes gens curieux que sont Michel Drucker et Dave ?

Le Manque – La Chanson française

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Le Manque nous manquait ! Ils reviennent avec un nouveau titre. Toujours de la chanson en vidéo. La Chanson française que ça s’appelle, un vaste programme qui nous intéresse au plus haut point dans ces colonnes. Un regard au vitriol, décapant. Mais, t’inquiète, rien de premier degré chez ces 2 lascars, avec eux on ne s’ennuie jamais !

« Je prépare mon entrée dans la chanson française. » Fonce, c’est pour toi !


C’est Lior, Monseignor

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Une chaise au milieu de la scène, six petites cloches de couleur positionnées en demi-cercle devant, un hang, un ukulélé, et quelques petits autres objets autour. Lior Shoov arrive du fond de la salle, dans le dos des spectateurs, doucement, s’accompagnant avec une kalimba. Seule, en acoustique, des micros d’ambiance suspendus au plafond permettant une excellent sonorité, elle grimpe sur la scène et c’est parti.

Photo Flavie Girbal
Photo Flavie Girbal

C’est pas vraiment de la chanson, ce n’est pas tout le temps francophone c’est plutôt … inclassable. Et c’est un grand moment de scène. Venue des arts de la rue, et clown de formation, bonne bouille, sourire charmeur, elle joue avec son corps, fait de grands mouvements avec ses bras, émet de curieux sons de bouche et parle de façon directe avec son public. Elle chante, percussionne, improvise sur le fil, fait rire, et joue de plein d’instruments dont certains n’en sont pas mais le deviennent. Oiseau tombé du nid, avec son visage expressif et sa façon de nous regarder, et aussi extra-terrestre avec ses propositions musicales venues d’ailleurs. Une citoyenne du monde qui chante les voyages, la liberté. Elle parle d’elle, dans ses chansons, dans ses interventions « je m’appelle Lior, je viens d’Israêl, je chante depuis 7 ans« , elle présente le morceau qu’elle fait en hébreu comme un appel à la paix. Musicienne multi instrumentiste : 2 ukulélés, tubes en plastiques, harmonica, hang dont elle obtient une belle musicalité, petites clochettes de couleurs, jouet, un instrument à musique pour enfants … tout est prétexte à faire de la musique, à chanter, et à faire le spectacle.

Photo Flavie Girbal
Photo Flavie Girbal

Elle fait des percussions et des sons avec un peu tout … et sa voix est marquante ! Quand elle fait tourner de plus vite en plus vite un tube autour d’elle en créant un son musical elle chante « je fais du vent du vent devant les gens« . Tout en sensibilité, et en émotion, elle nous emmène loin  « je nage dans les nuages« . Elle compose et chante en anglais, en français et en hébreu. Parfois entre les chansons Lior regarde le public avec un sourire en coin, de temps en temps, elle fait un son avec un jouet qui fait du bruit, elle finit en frottant un sac en plastique à qui elle s’adresse en chantant « toi qui es si léger ». C’est original, humain, talentueux, inventif, musical !. Un spectacle à la fois très travaillé et laissant une certaine place à l’impro. Le public est surpris, ému, suspendu et enthousiaste, il rit, est heureux d’être là. Avec une formidable dose d’humanité, un spectacle original voire unique, ce talent brut ne laisse personne indifférent. Parfois, elle s’arrête pour dire que la réaction du public la déstabilise, nous parle de sa recherche d’artiste et d’humain, et effectivement ce concert est une sorte d’expérience pour elle et … pour le public ; mais c’est une expérience réussie.

Photo Flavie Girbal
Photo Flavie Girbal

En rappel, elle dit qu’elle souhaite terminer avec une chanson en français car même si elle ne se sent pas « chanson » elle apprécie de jouer dans ces lieux « scène chanson » avec un public très attentif. Et elle reprend Mon amour, mon ami de Marie Laforêt. Venue complètement inconnue en février, elle a conquis public et patrons du Bijou qui l’ont reprogrammé juste 6 mois plus tard. Effet du bouche à oreilles et aussi de sa prestation aux Découvertes d’Alors Chante à Montauban en mai dernier : elle se produit deux  soirées consécutives avec une salle comble et . .. un public enchanté  qui lui fera une « standing ovation » dès le premier soir. Elle nous a dit qu’elle partait chez elle en Israel, peu après le concert, après un an d’absence. Quand elle reviendra en 2015, ne la ratez pas, partez en voyage avec elle dans un de ses concerts. Un voyage à recommander à tous.

Petit nota : les photos et la vidéo proviennent du concert du vendredi 5  décembre à La Menuiserie à Pantin ; le texte chronique le concert du vendredi 12 décembre au Bijou à Toulouse. Hexagone couvre de plus en plus … tout l’hexagone !


Jules et Alexis HK, chanteurs modèles à Canal 93

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Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Depuis le début de cette nouvelle saison, les soirées FrancoFans, organisées à Canal 93, à Bobigny, n’en finissent pas de nous séduire ! Et la programmation à venir ne nous fera pas démentir tout de suite. Volo, Daran, Cabadzi – entre autres – sont attendus pour les prochaines sessions… Jeudi 11 décembre, le public venu nombreux a pu apprécier deux pointures de la chanson indé comme on dit. Deux beaux gosses. Jules et Alexis HK se sont succédé sur les planches, chacun dans son style propre mais pour le même plaisir partagé de toute la salle. Deux chanteurs, deux prénoms qui se sont fait un nom dans le milieu !

C’est le beau Jules qui a ouvert le bal. Pas Nicolas, non, Jules tout court. Pas comme Alex Toucourt, non Jules. Jules point barre si tu veux. Jules. C’est qu’il commence à parcourir le territoire de la chanson depuis un petit moment ce bestiau-là mine de rien. Trois albums à son actif, dont le dernier, Le Sale gosse, avec lequel il poursuit sa tournée actuelle, parcourant l’hexagone avec son Vilain Orchestra qui l’accompagne. Cependant, hier, c’est du seul Pascal Lajoye que le Jules était accompagné.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

On entend souvent dire que Jules est au croisement de la variété et de l’alternatif. Comme ça, dit sans ambages et sans jambages, ça semble ne pas tenir debout. Un peu casse-gueule comme formule. Pourtant, même si l’on n’apprécie pas beaucoup à Hexagone de suivre des formules déjà plus ou moins usitées, il faut admettre qu’il y a quelque chose de cet ordre-là chez ce compatriote Cergyssois des Ogres de Barback. Mais les croisements ne donnent pas toujours des choses bâtardes et ce qui ressort de l’alchimie julienne n’est qu’enfant légitime ! Pas une espèce de popote bricolée sur le coin de la table mais plutôt de l’authentique qui ne se définit pas en tant que frontière, ni en tant qu’univers. Jules fait ce qu’il a envie de faire, construit une œuvre sur son naturel propre.

Et son naturel, quel est-il ? « Musicalement, je viens de l’école alternative de la Mano Negra. J’aime le côté bestial de la scène, avoir ce besoin d’exulter. » déclarait-il récemment au journal Nord-Littoral. C’est exactement cela que le public de Bobigny a pu ressentir jeudi dernier. Un show-man doublé d’un rockeur de variété. Jules maitrise parfaitement son sujet scénique. Il est drôle, touchant, sait titiller les consciences politiques et musicalement, c’est fichtrement bien gaulé ! Mal barré, Thérèse et « le tube de l’été 2016 » C’est cher mais c’est bon sont de véritables tubes en puissance. Puissants en tout cas. Tout comme l’est Jules sur scène. A voir absolument.



Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Après un rapide changement de plateau, est venue l’heure d’Alexis HK. On a déjà exprimé dans ces colonnes, cher hexagonal Lecteur, tout le bien que l’on pense de ce garçon qui chatouille harmonieusement nos tympans depuis le début des années 2000.

Jeudi soir, Alexis HK s’est donné en solo à Canal 93. Tout seul, avec sa guitare folk. Si la formule semble éco sur le papier, dis-toi direct qu’un Alexis HK tout seul à la guitare, c’est un peu comme Nicolas Jules ou Benoît Dorémus. Ça prend toute sa dimension et sa profondeur. Un bon rhum, tu ne fais pas des cocktails avec. Tu vois l’idée. Je ne suis pas en train de dire que nous ne voulons pas voir Alexis, Nicolas ou Bénito en formation, non non non, mais de pouvoir profiter de leurs chansons, parfois, dans leur plus simple appareil est à considérer comme un présent. Le dernier présent, justement, dernier album en date d’Alexis, était un peu le nôtre jeudi soir.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

S’il est en train de préparer un nouveau spectacle autour des chansons de Georges Brassens, Alexis HK a principalement interprété les titres du Dernier présent et des Affranchis auxquels un ou deux inédits sont venus se greffer. Avec bien sûr, au programme, l’indispensable Maison Ronchonchon, sans laquelle la fête n’aurait pas été complète ! L’exercice n’ayant en rien été pris à la légère par Alexis qui, sortant pour l’occasion de son Muscadet, a sérieusement « envoyé la fouinasse » comme on dit sur ses terres d’adoption.

Alexis HK tient une place à part dans la chanson française. Pas du tout méconnu du grand public mais pas franchement plébiscité non plus, il incarne cependant le témoin, au sens du passage de relai, entre la chanson littéraire de tradition et la scène actuelle. Son écriture choisie, sa langue boisée et fleurie, ses mélodies racées le situent sur un axe où l’on pourrait positionner Jacques Brel, Georges Brassens, Aznavour, Joe Dassin, Renaud, François Morel et… Alexis HK. La qualité littéraire des chansons d’Alexis n’a d’égale que sa classe et son charme. On a hâte de le revoir dans les habits textuels du grand Georges, dont il a donné jeudi un échantillon convaincant avec Les trompettes de la renommée. Sonneront-elles bientôt plus fort pour Alexis HK ?


Les photos, comme tu les vois, elles sont petites. Mais si tu cliques dessus, hop, elles deviennent plus grandes !
Pour les vidéos, chois bien la qualité HD dans la barre de menu Youtube, tu verras que ouah c’est plus beau !


Dominique A – Eléor

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Premier morceau du prochain album de Dominique A, attendu le 16 mars prochain, Eléor nous laisse entrevoir que ce nouvel opus sera placé sous le signe du voyage. La finesse et l’élégance de ce premier titre rassurent et placent l’album à venir dans la droite lignée de l’excellent précédent, Vers les lueurs, paru en 2012.


Batlik, un EMB en février pour un album Live !

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batlikSi nos dirigeants politiques nous apportent régulièrement la confirmation de l’adage selon lequel une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, l’inverse est plus rare. Et quand l’occasion se présente, mon Cher Lecteur qu’on a dans nos colonnes à nous, et bien on s’en félicite et l’on s’en vient toutes jambes courantes t’en faire profiter ! Deux bonnes nouvelles d’un coup donc !

Et là, c’est de la bonne nouvelle de chez bonne nouvelle, tu vois. Batlik, dont le dernier album Mauvais Sentiments paru en début d’année a été unanimement salué par la critique, sera les 6 et 7 février prochains à l’EMB à Sannois. Deux soirs, deux concerts exceptionnels qui termineront la tournée et seront enregistrés pour donner lieu à un album en public, en Live comme on dit de nos jours ! C’est pas beau ça ? Et la deuxième bonne nouvelle te demandes-tu finaud que tu es ? T’as raison !

La deuxième partie de l’histoire, c’est que nous du coup, à Hexagone, on s’est dit qu’il fallait l’interviewer le père Batlik ! Pour toi et pour parler de tous ces Mauvais Sentiments qui seront sur ce prochain disque, le 10ème qui arrosera les dix ans de carrière discographique du chanteur. Ça sera en janvier du coup parce que là, demain c’est Noël et que ça ne s’y prête pas trop. Et franchement, je peux te dire qu’on est pas qu’un peu fiers de le rencontrer ce gars-là !

Alors, aussi, sache qu’en première partie, si tu viens le vendredi 6 février, tu verras Sages Comme Des Sauvages. Si tu viens le samedi 7 février, tu auras aussi de la chance parce que tu verras Askehoug ! Donc, tu réserves maintenant parce qu’il va falloir venir faire du bruit dans la salle. Pour l’enregistrement, c’est mieux. On t’en reparle très vite !

En attendant, Batlik est toujours en tournée et on te laisse ci-dessous les dates à venir.

12 et 13.12 LYON (69) / Salle des Rancy / Concerts de Batlik en solo
20.01 RISOUL 1850 (05) / Festival chanson Française
27.01 NANTES (44) / La Bouche d’Air
29.01 FOUGERES (35) / Le Coquelicot
30.01 FOUGERES (35) / Centre Culturel
31.01 BREST (29) / Espace Vauban
01.02 PLOUGASNOU (29) / Ferme de Trézenvy
10.03 SCHILTIGHEIM (67) / Le Cheval Blanc
14.03 SOUSTONS (67) / Festival Chantons sous les les Pins – Salle Rouchéou
20.03 LILLE (59) / Salle culturelle L’Antre-2
27.03 ANNONAY (07) / La Presqu’île

Les Hurlements d’Léo, la bande à Mano

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Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Triste période pour les espoirs de gauche, le Front National gagne de l’électorat, malgré nos engagements, c’est l’essoufflement. Vous vous souvenez-vous des Frères Misère ? Des mairies d’Orange et de Vitrolles devenues frontistes et la mobilisation qui a suivi pour les dénoncer ? Vous vous souvenez du 21 avril 2002 et des réseaux sociaux émergents s’engageant contre la bête brune pas encore bleu marine ? Les dernières élections nous ont sapé le moral, déloger le FN n’a pas eu lieu mais quand même, quelle jubilation de chanter ces ritournelles fraternelles et colériques : « Il ne suffit pas de s’offusquer / Quand on tue un étranger / De dire que la France a la merde au cul / Qu’à Orange Toulon ça pue ! » Mano Solo était l’homme de ces combats ! Et Les Hurlements d’Léo font une œuvre de salubrité poétique en reprenant sur scène ses chansons. Un gros boulot. Au finale, ils ont présenté le 4 décembre dernier, au Divan du Monde à Paris, un spectacle total et rassembleur fait de collaborations : les mots de Mano bien sûr, mais aussi le travail de Fred Kleinberg en toile de fond, la venue sur scène de Francesca Solleville, David Salsedo des Silmarils entre autres.

Oui, Les Hurlement d’Léo chantent Mano Solo, c’est un hommage. L’hommage à une œuvre qui est entrée dans le patrimoine de la chanson. Pas n’importe quel patrimoine, pas n’importe quelle chanson. Une chanson engagée, comme on le disait, mais engagée dans tout ce qu’elle porte d’humain et d’écorché. Et Les Hurlement d’Léo chantent Mano Solo, ce n’est pas une commémoration. Les fans entonnant un shalala pour réclamer un rappel s’y sont trompé. Les vieilles habitudes de la vieille garde n’ont pas été « respectées » dans ce spectacle et tant mieux. Et qu’on ne vienne pas dire que c’est l’œuvre de pilleurs de tombes ! Le 4 décembre au Divan du Monde, Les Hurlements d’Léo ont touché, ému, sans doute plus qu’avec leur propres albums. Ce n’est pas médire que de dire ça : c’est leur rendre un vibrant hommage parce qu’ils ont compris l’artiste majeur qui nous a quittés le 10 janvier 2010 ! Peut-être pas les premiers… Mais ce sont les premiers à avoir mis Mano à sa place : en haut de l’affiche. Entendre ces / ses chansons, dans un Divan blindé à craquer aide à nous sortir de notre torpeur, de la mollesse qui s’insinue et s’installe… Elles sont incroyablement fédératrices. De 10 ans à pas d’âge dans la salle, le public a dansé, sauté, chanté. Tu peux voir ça sur la vidéo qu’on t’en rapporte en bas. Je dois te dire, Lecteur, qu’ils nous font aussi vachement plaisir à chanter ce Mano que lui-même avait rayé de la liste presque 12 ans avant sa disparition. Sur scène, on a entendu : Pas du gâteau, On vous aura prévenus, Au creux de ton bras. Hérésies des derniers concerts, chansons tricardes s’il en est dans les sets de Mano depuis des siècles ! Et ça s’en donnait à cœur joie de la voix chevrotante à l’extrême façon Emmanuel Cabut, sans malaise, juste du pur plaisir. Nous, c’est pour ça qu’on t’en parle, parce que ça fait plaisir.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Reprendre Mano Solo, pour les Hurlements d’Léo, c’est un bain de jouvence, un retour aux sources, celles de la poésie et des convictions.  Erwan et Laurent avouent avoir appris à jouer et à chanter sur des chansons de Mano Solo et au bout de 18 ans de route, alors que le groupe connaît une pause, l’un d’entre eux évoque l’idée de reprendre le « frère misère » et tous s’enthousiasment comme à 17 ans…  C’est là qu’ils vont à la rencontre de ceux qui ont connu Mano. « Vive la révolution ! » clamait Mano en fin de concert, lorsqu’il fermait boutique. Révolution, un mot qu’on n’entend plus mais qui colle tellement bien à l’animal.  Révolution intime, amicale, picturale et collective.

Mano, le sensible fort en gueule, a laissé sur le côté de la route un bon paquet d’amitiés, plus ou moins malmenées, plus ou moins fidèles mais inoubliables à coup sûr. Fatiha Bendahmane, sa manageuse de toujours, celle qui a bravé toutes les houles, toutes les tempêtes et qui a tenu la barre, dure, fière et droite. Il y a aussi Fred Kleinberg, l’ami peintre, l’auteur de La lune sur La Marmaille nue, le premier album de Mano, qui réalise la mise en scène et la toile de fond du spectacle. Mais aussi Napo Romero, le Frère Misère des premières heures dont la fidélité au projet manosolesque est d’autant plus touchante que la collaboration avec le chanteur s’est close en 98 pour ne jamais reprendre. Mano, on l’aime même quand on le quitte.

Photo David Desreumaux
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Hydre à huit têtes, les Hurlements l’ont joué collectif pour reprendre le Mano soliste et se lancent même à la rentrée dans l’enregistrement d’un album copieux et fourni, riche en collaborations diverses et variées autour de l’œuvre du chanteur. On en saura plus à la rentrée. Pour l’heure, lis l’interview que Laurent Kebous nous a accordée la veille du concert au Divan du monde. Il revient sur le projet, sur Mano, ses amis, sa poésie.

Hexagone : Tu peux nous dire brièvement comment est né le projet de reprendre le répertoire de Mano Solo ?
Laurent Kebous :
On a monté les Hurlements d’Léo il y a 18 ans avec Erwan, qui chante comme moi dans le groupe, et on a appris à jouer de la guitare sur des chansons de Mano qu’on jouait dans la rue ! Tout simplement. D’une certaine façon, Mano nous a inspirés et nous a donné l’envie d’écrire en employant une poésie un peu crue. Le groupe était sur une longue pause, on a évoqué l’idée de reprendre Mano et tout le groupe a été enjoué à l’idée de le faire. On a rencontré des pleine gens de la « manosphère », en premier lieu Fatiha Bendahmane, sa manageuse, puis Napo Romero, le guitariste des Frères Misère qui a collaboré aux deux premiers disques de Mano La Marmaille nue et Les Années sombres. Aujourd’hui, on en est rendus à jouer plus de 30 titres de Mano Solo pour un spectacle de deux heures et quart. La mise en scène a été faite par Fred Kleinberg, son ami peintre, qui a écrit la chanson La lune sur le premier album de Mano. Tous ont été enthousiastes et attentifs à notre projet de départ.

Photo David Desreumaux

Hexagone : Comment s’est faite la construction de la setlist ?
Laurent Kebous :
On est huit dans le groupe dont deux chanteurs et deux musiciens qui chantent aussi. Chacun est arrivé avec ses chansons de chevets, celles qu’il aimait et qu’il avait envie de défendre. Quand Napo nous a rejoints, c’est aussi avec des titres qu’il voulait jouer, des Frères Misère et de Mano Solo. On s’est retrouvés assez vite à une quarantaine de titres et on en a gardé 30. On est des artisans, chacun vient avec son truc, le défend et on garde ou pas. C’est pas compliqué. Il y a beaucoup de chansons des premiers albums mais aussi certaines des derniers disques, en plus de celles des Frères Misère.

Hexagone : Quelle est la réception du public depuis le début du projet ?
Laurent Kebous :
Plutôt enthousiaste. Le bouche à oreille a fait son effet. Au début, on a joué dans des clubs. On n’est pas toujours tous les 8 sur scène, certains tableaux sont en duo accordéon-voix. On navigue entre le punk rock des Frères Misère et des chansons très réalistes de Mano, plus acoustiques. Les gens ont une tendresse vis-à-vis de Mano et la plupart sont contents qu’on s’y soit collés, nous. Il doit toujours y avoir des grincheux, mais je ne les ai pas rencontrés.

Hexagone : Les dates vont jusqu’à la fin de l’année, vous prévoyez de poursuivre le projet ?
Laurent Kebous :
Après, on va enregistrer un album studio avec des invités. Pas mal de gens issus de la scène française et espagnole. Ça va donner des versions surprenantes. Plein de gens ont répondu à l’appel et ça donnera un album d’une vingtaine de titres. Ça va être assez copieux. Les invités sont issus de scènes tout à fait diverses : hip-hop, variété, rock… Ce sera très éclectique. Ce qu’on recherche, c’est donner de la force à la poésie de Mano. Parce qu’en fait, Mano c’est un poète et pouvoir le chanter et l’interpréter différemment, ça m’intéresse. Mano Solo était quelqu’un qui avait une rage mais ses interprètes peuvent se l’approprier différemment. Ça donnera une autre lecture des textes.

Photo David Desreumaux
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Hexagone : C’est intéressant de se dégager d’une lecture autobiographique des textes de Mano ?
Laurent Kebous :
Interpréter une chanson, c’est ça : tu t’imprègnes d’un texte et tu joues comme tu ferais du théâtre. Aucun de nous n’est Mano Solo, ni n’a cette rage en lui, ou différemment… Alors tu interprètes. Tu racontes quelque chose de différent parce que ça te parle différemment.

Hexagone : Tu as rencontré Mano en 98, c’était un homme condamné en plein combat. Tu connaissais ses chansons. Tu peux nous raconter ce qui t’a touché chez lui ?
Laurent Kebous :
C’est son engagement qui m’a touché. On se retrouvait à Vitrolles, c’était la première municipalité qui a été prise par le Front National. En réaction, une association militante avait monté un chapiteau aux portes de Vitrolles et organisait une semaine de concerts contestataires. On a eu le loisir de parler de ça, et j’ai trouvé ça chouette. C’est cette contestation antifa qu’il a décliné dans les Frères Misère, le discours d’urgence. On était déjà militants, et ça nous a confortés. Tous les artistes ne sont pas militants. Certains font très attention à ce qu’ils peuvent dire pour avoir une chance de toucher le plus de monde possible. Mais selon nous, être artiste c’est aussi avoir des idées très très claires. Et pouvoir les affirmer à un moment donné ! On accompagne les gens. Il est faux de dire que tout le monde est heureux en France comme on essaie encore de nous le faire croire. Son franc parler m’a touché aussi. Il ne tournait pas autour du pot quand il avait quelque chose à dire, il le disait ! Ça a pu en froisser certains, voire les blesser. Mais c’était quelqu’un d’entier comme on en rencontre de moins en moins. Je suis touché par ça.

Photo David Desreumaux
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Hexagone : Comment expliquer que Mano ait tellement ce côté à la fois militant et collectif d’un côté et solitaire et un caractère bien trempé de l’autre ?
Laurent Kebous :
Il avait effectivement ce côté-là. Tu vois Mano Solo, y’a « Solo » derrière… C’est pas rien. C’était lui incontestablement le patron, il fallait faire les choses comme il voulait qu’on les fasse. Mais c’était également quelqu’un de très généreux dans sa façon d’agir. Ça mentait pas, qui a assisté à des concerts de Mano le sait, c’était un vrai partage, une vraie communion avec le public. Il était les deux à la fois.

Hexagone : Tu retiens une anecdote que tu as vécue avec Mano ?
Laurent Kebous :
Oui, sur un concert des Frères Misère où il était mal luné, il ne voulait pas chanter, j’ignore pourquoi. Il se barrait de scène de temps à autre en ronchonnant et laissait ce pauvre Napo se démerder à chanter des chansons… Ce n’est pas une super anecdote. Il vaudrait mieux poser la question à Napo, c’est quand même lui le « templier, » il a passé beaucoup de temps avec lui, ils partageaient une chambre de bonne à Paris.

Hexagone : Après un concert hommage, avec des reprises, fin janvier 2010, deux semaines après la mort de son fils, la mère de Mano, Isa, disparue depuis, avait dit en sortant de l’Alhambra, à un petit groupe de fidèles : « le chanteur Mano Solo, je m’en fous, mais je ne veux pas qu’on oublie l’homme. » Avec ce projet, tu veux qu’on retienne quoi de Mano ?
Laurent Kebous :
En premier lieu sa poésie, le poids de ses mots et l’écho qu’ils peuvent avoir dans certaines têtes. Peu de gens ont cette plume et le fait que plusieurs chanteurs ou chanteuses puissent se l’approprier, c’est pour rendre hommage à ses mots.

Fatiha Bendahmane tient un blog et une boutique où tu pourras trouver plein de choses dont les chansons de Mano avec accord et tout, c’est pas là : La Sauvagette

T’as la vidéo qu’on t’a promise, et tu connais la chanson : passe en HD c’est mieux !


Céline Caussimon attendue aux Trois Baudets

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Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

C’était le 27 novembre dernier. Céline Caussimon investissait la scène des Trois Baudets, à Paris. Figure-toi, Lecteur à nous qu’on a, que cette date on l’avait notée depuis un bon moment déjà ! On l’avait même fortement attendue, histoire d’être dans le ton de la soirée.

Ben oui, ce passage sur la scène des Trois Baudets n’avait rien d’un hasard pour Céline Caussimon. D’ailleurs, un passage aux Trois Baudets ou ailleurs n’est jamais un hasard mais ces baudets-ci venaient fêter la sortie du nouvel album de Céline Caussimon. Un album intitulé Attendue. Rapport au fait d’être dans le ton que je mentionnais plus haut, tu vois.

Alors on n’a pas été déçus du voyage. Séduits par ce disque, on avait rencontré Céline, en octobre dernier, pour nous en parler. Tu peux prendre connaissance ou relire cette interview ici. Sur scène, on a retrouvé les chansons de l’album bien sûr, agrémentées de quelques plus anciennes également, mais dans leurs habits de sortie, dans leur tenue de soirée. Car si Céline Caussimon sur disque c’est bien, il faut avouer tout net et bien haut que Céline Caussimon sur scène c’est encore mieux !

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Céline Caussimon est chanteuse mais elle est également (et surtout ?) comédienne au départ. Au théâtre. Au cinéma. Elle vient de là. C’est alors tout naturel de retrouver cette dimension, cette présence théâtrale dans son interprétation. Elle ne chante pas ses chansons, elle les joue. D’une présence sans faille, soutenue par de fidèles musiciens de haute volée (Etienne Champollion au piano, Cécile Girard au violoncelle et Thierry Bretonnet à l’accordéon), Céline a conquis très rapidement une salle des Trois Baudets que l’on a rarement vue aussi garnie. Et garnie de la plus belle des façons à en juger par le parterre de qualité au rang duquel pouvait-on voir Francesca Solleville en première ligne. Par exemple.

Ce qui marque et qui touche chez Céline Caussimon, c’est un mélange de discrétion et de profonde humanité. Discrétion dans ses sentiments amoureux comme sur la belle Rapporte-moi des alcools forts, texte tout en pudeur : « Rapporte-moi des alcools forts / De ces pays où je n’vais pas / Et rapporte-moi les caresses des mains qui se posèrent sur toi. » Profonde humanité lorsque c’est presque à son corps défendant que Céline livre au travers de ce spectacle – et donc de ce nouvel album Attendue – quelque chose d’un engagement rare, sincère, grave mais léger dans son interprétation. Jamais de pathos, jamais donneuse de leçons, Céline Caussimon préfère jouer sur l’humour et la dérision pour dénoncer, ou plutôt énoncer, les maux et les misères de notre monde bien réel qui se vautre dans le virtuel. Ainsi cette Chanson amicale (voir la vidéo en fin d’article) est offerte au spectateur dans une manière de saynète où sont exposés, avec amusement, nos propres comportements face aux réseaux sociaux. « Mes amis passeront avant / Et pour les autres… On verra / Mes amis passeront avant / Et pour les autres… ben, ils passeront pas ! » tranche-t-elle au refrain.

Photo David Desreumaux
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Passeront ou passeront pas, quand se font jour les injustices qui tapissent notre quotidien, Céline Caussimon devient témoin d’un monde malade de son indifférence. Et elle livre Nous dirons quoi ? (Shiva), petite perle d’humanité : « Quand Shiva descendra, lui le prince des dieux / Avec ses yeux lumières / et son visage tout bleu / Quand il viendra s’asseoir auprès de ses enfants / Qui s’installent et pourrissent aux trottoirs de nos rues / Aux bouches des égouts, aux souterrains obscurs / Quand il apparaitra, lui, le dieu triomphant / Que lui dirons-nous ? Oui, nous dirons quoi ? / Nous ne dirons pas grand-chose / Nous baisserons la tête et puis nous aurons honte / En fait, nous ne dirons rien ». Preuve s’il en est que la chanson littéraire et citoyenne est bien vivante. Une artiste et un spectacle rassurants en somme.


Les photos sont petites mais si tu cliques dessus, elle s’agrandissent !
Pour la vidéo, passe la qualité en HD, ce sera carrément plus beau !