Avant que l’année chanson ne démarre vraiment, voici un retour sur le festival Comme ça nous chante ! Car ce festival, que je t’avais annoncé et conseillé, a ensoleillé décembre et nous a … enchantés. Petit rappel sur dekoikoncause : quatre jours de concert, du 10 au 13 décembre, dans deux petits lieux : Chez ta Mère à Toulouse et le Café Plum, à Lautrec (81). Ce festival a été une complète réussite. Une réussite d’audience : c’est important. Les quatre soirées ont eu lieu devant une belle assistance, deux soirées toulousaines affichant complet, la première même plusieurs jours avant le concert. Une réussite artistique et c’est important ! Une programmation excellente, éclectique et créative sur le papier et qui a donné lieu, en fait, à … des superbes concerts. Je vais te parler des soirées toulousaines.
Une première soirée avec deux « grouples » : deux duos sur scène et couples en dehors : Jur et Sages comme des sauvages. Jur, mon coup de cœur du festival : formation atypique et étonnante, appréciée plusieurs fois en groupe (à quatre) et qui m’a encore plus ravi et marqué en formation duo. Une entrée en scène insolite qui donne le ton : Jur Domingo, la chanteuse, porte un carton, en sort un flacon en plastique de savon douche vide, l’approche du micro, le presse et en fait sortir un son, l’enregistre au looper et fait cela avec d’autres flacons. Le bruit musical obtenu est original et agréable à l’oreille et Jur très concentrée nous regarde. Jur Domingo, la chanteuse, est un vrai personnage avec une énergie exceptionnelle. Silhouette longiligne avec, cette fois, un ventre « ballonné » (elle est enceinte de six mois), dans une longue robe serrée et fendue qu’elle relève de temps en temps. Un agréable accent catalan pour une voix chaude et rauque qui peut monter et partir vers le lyrique. Elle joue quelquefois d’une grosse caisse ou d’un petit tambour. Très concentrée, voire habitée, quand elle chante, un grand sourire lumineux quand elle parle. Sur scène, elle reste très spontanée, par exemple : elle se fera couper sur scène un élastique pour que son vêtement lui serre moins, elle dit à son partenaire « tu as fait une connerie » quand il renverse sa bouteille d’eau, et s’interroge « j’ai cassé le micro ? ».
Bien accompagnée par Julien Vittecocq, son comparse, au piano, à l’accordéon à la guitare et à la grosse caisse. Oui, en résumé, il assure la partie musicale et assume les compositions du groupe mais pas que. Il chante aussi parfois et il lui arrive de sauter en jouant de la grosse caisse. Jur, un univers très particulier, des textes curieux et décalés. Par exemple dans Follow me « ton membre deviendra un escargot » ou bien cet homme fou qui marchait nu : « il avait peur de vous, madame, de vous … » « Il était fou Il était là là là là là … Il était las d’être fou. ») De cet univers, de cette ambiance on ressent surtout de l’émotion. On part ailleurs, loin de nos repères de spectateur, suspendu à ce qui se passe sur scène et on y est bien. Chants en catalan ou en français et une fois en anglais. Un set construit comme un spectacle plus qu’un concert de chansons (l’entrée déjà évoquée, le moment où Jur Dominguo fait du play-back sur ses rires – fous ou fou rire – enregistrés, pas deux titres sans un changement d’instrument ou d’emplacement, l’habituelle fin avec le musicien partant après avoir entassé tous les instruments et les chaises sur elle, la dernière chanson du rappel débranchée au milieu du public). Si, comme moi, tu aimes les spectacles originaux et personnels, qui ne ressemblent à aucun autre, je te conseille vivement Jur en concert.
Sages comme des sauvages. Le deuxième grouple de la soirée. Le deuxième voyage. Une sonorité originale, un beau mélange des voix, un univers atypique, un beau mélange des langues (français bien sûr mais souvent créole réunionnais – maloya – et parfois anglais). Eva, jupe bleue et bas, joue du defi, un tambour Grec posé sur ses genoux et grand tambourin. Lui, en veste brillante et chapeau, joue du cavaquihno, bouzouki et violon utilisé sans archet. Les deux avec le dessus du visage peint en rouge.
Les textes écrits en français sont moins légers que les autres. J’ai apprécié l’humour tranquille, le sourire complice et la voix d’Ismaël ; la voix et le sourire d’Eva. Ce concert donne envie d’écouter le disque. Mais j’ai trouvé le set un peu statique, (notamment après Jur) peut être pas seulement parce qu’ils jouent assis. J’ai donc apprécié le dernier rappel, seul moment debout tous les deux, où sans instrument ils donnent le rythme seulement avec les pieds puis les mains.
Une deuxième soirée solo : Nicolas Jules et Buridane. Buridane, chansons intimes, jeu à la Batlik sur une guitare qui semble bien grande, une jolie voix, un grand sourire entre les chansons, en synthèse, une belle découverte pour beaucoup. Des textes confidences sur ses peurs et doutes, ses convictions et ses sensations. Je ressens de la maladresse et une sorte de timidité entre les chansons ce qui peut aussi avoir un certain charme. Il me semble qu’elle doit encore gagner en maîtrise de la scène. Mais content de l’avoir revue, je me suis jeté le lendemain sur l’écoute répétée de son disque, impatient d’entendre à nouveau les inédites faites la veille.
Nicolas Jules, toujours étonnant en solo, guitare et impro, powête rock et baratin rigolo. Son personnage est rôdé y compris la gestuelle, les courbettes à la fin de chaque morceau. Il se présente en chanteur blasé qui a joué dans de plus grandes scènes que ce petit lieu ringard de province. Personnage rôdé mais numéro toujours inattendu car il improvise, se sert du moment, de l’assemblée ; tout devient prétexte à plaisanterie réussie et rend le concert à chaque fois différent. Ce soir là, il prit à partie plusieurs fois un spectateur qu’il connait, venant très proche jouer de la guitare électrique et chanter un texte personnalisé et inventé sur l’instant. Et je pense que « Georges le photographe » du premier rang se souviendra longtemps de ce concert. Cette dextérité de « clown » de Nicolas Jules ne nous fait pas oublier sa dextérité à la guitare électrique, tout comme sa dextérité pour les textes. Des textes intenses, d’une poésie originale et souvent noire sur l’amour et ses sentiments. Il nous livrera, en rappel, une superbe interprétation d’une reprise de Brassens Les moutons de Panurge. Je ne me lasse pas de voir Nicolas Jules en concert.
Une petite pause sur les comptes-rendus de concert pour aborder une caractéristique constatée de ce festival à Toulouse. Les spectateurs qui sont venus pour un artiste (Sages comme des sauvages, Dimoné ou Bernard Joyet), et avec qui j’ai échangé, ont apprécié le lieu Chez ta mère, qu’ils ne connaissaient pas. Pour la convivialité et l’ambiance, peut être aussi pour les planches repas concoctées par le nouveau serveur Antoine. Et désormais, ils vont faire attention au programme.
Les habitués du lieu ont découverts des artistes qu’ils ne connaissaient pas comme Buridane et Sages comme des sauvages. Et tout le monde y est gagnant. De plus, pour les très habitués comme moi, c’est un grand plaisir de voir ce lieu, que j’apprécie, plein « à craquer », bruyant et vivant, les chaises enlevées, avec un grand nombre de personnes debout… même si on met un peu plus de temps pour se frayer un passage et obtenir sa bière.
3ème soirée Dimoné : La soirée rock. Une surprise à la découverte de l’affiche. Je n’aurais pas rêvé de voir Dimoné, désormais habitué de plus grandes salles, Chez ta mère ou au Café Plum. La seule place assise trouvée était au premier rang sous les baffles et… j’en ai pris plein les yeux et plein les oreilles. Une prestation électrique et électrisante. Dimoné : une grande énergie, une belle personnalité, un jeu de guitare et une forte présence sur scène avec des déplacements et un jeu de guitare spécifiques. Assis juste devant son complice Jean-Christophe Sirven, j’ai pu apprécier cet homme orchestre et choriste. Claviers en mains à droite et à gauche, percussions et pédales actionnées à pieds nus. Un beau duo de musiciens. Une ambiance sonore en phase avec les textes : déchirement, amour et poésie. Un concert qui a paru court.
Vu l’affluence, l’expo photo a du coup connu une belle réussite avec des « oh regarde celle-là elle est superbe » « hé t’as pas vu celle-là !» . Et puis, le quiz personnel pour identifier les artistes, je te confirme que, si la photo de Yoanna est une de mes préférées, a priori l’artiste (pourtant excellente) n’est pas connue par tous (on l’a confondue avec Clhoé Lacan voire Zaza Fournier !) Les artistes programmés eux ont été plus vite reconnus.
4ème soirée. Bernard Joyet : La soirée chanson classique. Il démarre fort et traite de sa vision sur la société actuelle avec la seconde chanson L’heure du leurre et le texte de sa première chanson : «Quand la misère va la bourse en fait autant, Quand l’hirondelle est morte on achète un printemps » « Le sondage aux moutons, la parole aux roquets, et le vote aux pigeons et la presse aux laquais » Quand un grand écran plat verse au tout à l’égo sa bave de plasma au niveau caniveau.» Un engagement certain. Il devient plus doux et chante l’amour, avec un sens certain de la poésie, dans Vingt ans et Maudit printemps. Une grande maîtrise de la scène, du métier, mais surtout quel talent d’interprète, de comédien et de diseur ! Quelques chansons de scène comme l’inénarrable La bible. Certaines anciennes comme l’incontournable, pour moi, On sera jamais vieux « On sera intrépides espiègles perfides irrévérencieux On sera professeur en incertitude en inhabitude en droit à l’erreur » et La paresse qu’il annonce comme un rap lent. Une anecdote, j’ai découvert Joyet, pour la première fois, dans son duo Joyet et RollMops, à Toulouse à l’Eclusane, et il chantait déjà On sera jamais vieux et La paresse. Il continue avec des titres au superbe équilibre trouvé entre écriture, sens, rtyhme et mélodie comme Ado « T’étais curieux comme un badaud ado Tu rêvais d’Eldorado ado, Mais tout seul paumé rapido Tu as dérivé sur ton radeau C’est une chansons triste un fado ado C’est le blues du desperado ado La vie c’est un foutu cadeau Dans un drôle de paquet crado ». Il varie avec des chansons plus légères aussi, avec du jeu avec les mots comme « le silence s’honore » « Un Caravage qui passe » et souvent pour des maux qui font sens. Tendresse et nostalgie complètent le programme notamment avec le texte Maria qui a rendu mes yeux humides.
De superbes chansons, oui. Un concert rôdé et très bien construit, oui. Mais aussi une belle entente et complicité avec la Nathalie Miravette superbe au piano, aux compositions, aux réparties et au chant partagé sur deux titres. On leur a dit à chacun, pour Bernard que ses textes contenait trop de mots et pour Nathalie que ses musiques contenait trop de notes mais « si mes mots t’enchantent et si tes notes me parlent » cela donne, entre autres, le magnifique duo La note et le mot. Une complicité concrétisée aussi lors des moments liés aux impondérables du spectacle vivant (une chaise qui manque, une lumière sur le piano qui défaille). Des belles mélodies donc sur des rythmes variés. Et pour revenir à Joyet : de l’humour et de l’auto dérision comme par exemple « C’est bientôt Noël, si vous voulez faire un cadeau dont vous serez sûr qu’il ne sera pas en double … achetez mes disques ». Une vingtaine de chansons pour un set d’une heure quarante. Bon, t’as compris que c’est mon deuxième grand coup de cœur de ce festival. Une programmation excellente et éclectique te disais-je quelques dizaines de lignes plus haut.
Une autre des particularités de ce festival : c’est un festival sur deux lieux. Une belle idée à développer. Chaque artiste a deux concerts, l’un à Toulouse et l’autre à Lautrec et optimise ses déplacements. Cet article te cause exclusivement rien que des concerts de Chez ta mère (et pour cause : le don d’ubiquité m’a quitté). Mais j’ai parlé aux artistes «ayant fait» Lautrec la veille : ils ont tous trouvé l’endroit magique, le lieu convivial, l’accueil délicieux. En plus des concerts et animation annoncées, la radio Rdautan diffusait chaque jour une émission enregistrée en live au Café Plum et animée par René Pagés. De plus, une à deux chroniques étaient publiées chaque jour par Claude Fèvre sur son blog.
La fin de ce festival ? Nous l’avons fêtée avec un after mémorable. Bien après la fin du concert, et malheureusement en très petit comité, le programmateur du lieu avec une des plus fidèles habituées (plus connue ici comme Micheline1) ont chanté Cucul mais pas que sur la scène accompagnés au piano par … Bernard Joyet et avec Miravette en chef de chœur. Preuve d’un repas arrosé ? Je ne pense pas. En tout cas, lors de celui-ci, Ronan, chanteur local, a surpris Bernard Joyet en lui chantant un titre superbement écrit et en lui avouant ensuite qu’il s’agissait d’un texte de Charles Baudelaire. Et puis, beaucoup plus tard, et de manière tout à fait privée, une boisson nommée Chez ta rhum, bien arrangée (merci Micheline1 !), a continué à émouvoir les rares et privilégiés derniers présents.
J’avais écrit un festival début décembre c’est un pari osé et intéressant. Et bien, c’est un pari … réussi. Comme je connais un peu Olivier (Mr Chez ta mère) je sais qu’il a déjà des nouvelles idées pour la prochaine édition. Pour ma part, je ne fais qu’une seule proposition : garder le principe d’une programmation sur deux sites mais avec un début et une fin décalés d’un jour de manière à ce que les toulousains (dont le gars moi-même) viennent passer un jour au Café Plum et vice versa. Longue vie à ce festival.
Festival Comme ça nous chante du 10 au 13 Décembre au Café Plum à Lautrec (81) et Chez ta mère à Toulouse (31)
C’est bien réjouissant de voir tous ces chanteurs se déplacer pour venir chanter dans des petites salles, un peu partout en France, iet là, il y avait du beau monde ! Et il y en a même parmi eux qui sont venus jusqu’en Auvergne ! Alors vive ces festivals qui décentralisent la chanson de qualité pour le plus grand plaisir .des provinciaux .
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