Festival Jacques Brel : La première de Radio Bistan

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Radio Bistan, d’abord un très original et réussi album-concept (chroniqué dans le n°16 d’Hexagone), est devenu un spectacle dont le public du festival Jacques Brel, masqué et allongé sur des transats, a pu découvrir et apprécier les deux toutes premières représentations dans le hall du théâtre Edwige Feuillère à Vesoul. Nous voilà donc à l’écoute de Radio Bistan, tout au long d’une journée qui, alternant séquences de radio et chansons, nous plonge dans l’État du Bistan, pour lequel le président-chanteur met en oeuvre un programme radical de transition (voire de transhumance) écologique.

Le dispositif scénique répartit l’espace en trois : à gauche deux comédiens assis – la plupart du temps- Noémie Lamour et Sylvain Bolle-Reddat avec micros et casques de radio ; à droite Claudine Pauly, l’animatrice lançant les jingles et enregistrements, et surtout musicienne notamment au clavier ; au centre un fauteuil présidentiel dans lequel vient s’asseoir Reno Bistan quand il ne chante pas.

L’adaptation à la scène montre une volonté d’actualité (sont évoqués : les déclarations écologistes sur le sapin de Noël et le tour de France, la tenue républicaine, le crop-masque qui laisse apparaître une partie de la joue, et les cas-contact de cas-contact, …) et de mise en évidence de la localisation du spectacle (il parle de la venue ce 4 octobre à Vesoul du président chanteur avec citation de lieux et acteurs de la région).

Comme l’album, le spectacle déploie une réjouissante verve humoristique et politique en alternant une séquence radio avec une séquence chanson de deux à trois titres. Pour la chanson, on y retrouve les textes malicieux de Reno Bistan et ses angles de vue originaux sur ses deux principaux thèmes d’inspiration : son observation de la politique et de la société (comme Hexagone 2020, portrait juste et cinglant du monde d’avant), et d’autre part les relations personnelles (comme son questionnement sur l’amitié dans ça va finir au pieu), parfois il mêle les deux et cela donne le réjouissant Comme un écologiste au gouvernement. A noter deux versions scéniques marquantes : l’interprétation de Fred en slim, enrichie de chœurs féminins qui génère une onde de chaleur sensuelle parcourant le hall de théâtre ; et Aux Filles Du Temps (« Les femmes qu’au fil du temps les années blessent / finissent par revoir leurs ambitions à la baisse ») chantée en duo avec Noémie Lamour, connue il y a quelques années en tant que contrebassiste de Bistan.

Les séquences radio, pastiches réussis d’émissions existantes, évoquent avec  insolence et auto-dérision : un face à face qui ne se termine pas bien, un flash info (Bistan-Infos) qui donne les mesures radicales et souvent très drôles prises par ce « Khmer vert narcissique », le jeu des mille-heureux, une séquence BFM-Bistan avec un direct d’une manifestation où se croisent envoi d’air climatisé et de fumier alors que les tirs de LGRB (Lanceur de Galette de Riz Bio) se multiplient.

On entend la quasi-totalité des chansons de l’album Radio Bistan et deux plus anciennes, dont Les chômeurs de mon quartier. Et en rappel, une chanson, a priori écrite pendant le confinement, hymne de synthèse possible du message du spectacle et de son engagement (« Des moyens pour l’hôpital / Pas pour le capital / Libérons nous du virus néolibéral / Cherchons l’antidote écologiste et sociale »)

Un spectacle atypique et incisif, loin des codes d’un concert-chanson enchaînant les titres, qui fait rire beaucoup et peut faire réfléchir. Nous avons vu à Vesoul, on l’espère, le premier épisode d’une longue tournée. Entre les deux représentations, Reno Bistan nous a parlé de la genèse de ce spectacle.



Hexagone : Comment est venue l’idée de cet album Radio Bistan qui alterne pastiche d’extrait d’émission radio et chanson ? 
Reno Bistan : Au départ je cherchais un titre d’album. Comme je fais des chansons qui parlent du monde tel qu’il est, Radio Bistan est venu. D’autre part, je connais bien Olivier Minot. Ce reporter fait des émissions sur différentes radios, et souvent commente l’actualité de façon décalée. Ensemble on discute beaucoup. Nous sommes passionnés par l’actualité politique et par l’imaginaire qui se met en route à partir d’elle. Il m’est venu l’idée de suivre sur toute une journée, la radio d’un pays que j’aurai créé. Olivier a apporté toute sa connaissance de la radio et des sons de la radio. L’album est un peu aussi, en creux, un hommage à la radio hertzienne, à la culture Radio-France et en particulier à France-Inter, radio que j’ai beaucoup écoutée. Olivier Minot et Julien Dupont ont animé La Mégacombi une émission, primée au festival de la radio à Brest, qui créait une réalité alternative s’inspirant complètement de l’actualité. Julien réalise des cartes de pays imaginaires. Alors nous avons mené le délire jusqu’au bout en ajoutant les cartes du Bistan avec des noms inventés pour les mers, régions et villes.

L’album est devenu un spectacle, avec quelles principales adaptations ?
D’abord trouver un subtil équilibre entre la partie radio et la partie concert. Ce qui est intéressant aussi, c’est d’être en prise avec l’actualité, avec ce qui se passe en ce moment, donc la séquence « Bistan-Infos » ne peut pas évoquer des faits de plus d’un mois. Enfin, comme j’aime bien ne pas faire exactement pareil à chaque représentation, et qu’elle soit vivante, nous l’adaptons également à l’endroit où on se trouve (aujourd’hui à Vesoul et à sa région).

Comment s’est monté ce spectacle ?
Nous avons fait une première mouture avec l’équipe de la Megacombi, celle qui a participé à l’album. On l’a joué trois ou quatre fois à Lyon dont une spéciale élections municipales à Lyon, la veille de celles-ci et nous annoncions l’arrivée des chars verts dans la ville. Une version très radiophonique et très lyonnaise dans l’inspiration. Comme Julien Dupont est vraiment bien occupé, il n’est pas possible de le faire venir en tournée.

Donc tu présentes aujourd’hui une première, en fait la deuxième mouture de ce spectacle ?
Oui, j’ai eu l’idée d’avoir deux rôles de comédiens qui incarnent des personnages et qui assurent les séquences radio. Et musicalement, cela s’est enrichi avec la présence au clavier, entres autres, de Claudine Pauly, qui m’avait rejoint pour la « spéciale élections municipales ». L’objectif avec cette formule c’est de faire une tournée.

Et pour une première, vous jouez deux fois ?
C’est intéressant de jouer deux fois dans l’après-midi, même dans une version un peu plus courte, car on se rend compte rapidement de ce qui va et de ce qui ne va pas. On accélère le rodage du spectacle.



Radio Bistan au festival Jacques Brel à Vesoul, dimanche 4 octobre. Entretien avec Reno Bistan entre les deux représentations (15 et 17h).

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