Joulik : les chenapans nous mettent en joie

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Joulik, je t’en ai déjà parlé, rapidement, comme un de mes concerts coups de cœur 2014. Et je reviens aujourd’hui avec un article plus complet. Joulik, s’il fallait mettre rapidement un qualificatif ce serait : groupe de musiques et chansons du monde, traditionnels et compositions originales (mais toute étiquette est réductrice). Ce trio est constitué d’une accordéoniste, une contrebassiste et un guitariste (mais on va y revenir car c’est là aussi réducteur).

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Rarement je fais une infidélité à la chanson francophone. Quand je viens te parler de groupes dont je ne comprends pas les paroles c’est que la beauté des voix, l’émotion ressentie et l’énergie transmise par le groupe sont fortes et  me touchent (c’est le cas des Bertitas et de La Mal Coiffée). Et Joulik c’est encore plus. La preuve ? J’ai décidé de leur consacrer tout un week-end. Le vendredi pour un concert dans un petit lieu associatif toulousain, le samedi soir pour un concert en plein air sur la grande scène du festival des Voix à Moissac, l’après midi pour un très agréable moment d’échange et d’interview dans un bar glacier (ah bon Michel tu penses que c’est nécessaire de préciser « glacier » ?). Et le dimanche, à la maison, pour trier les photos prises et se remémorer les deux concerts.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Joulik, dans deux contextes différents, a joué le même set d’une heure trente. Le premier soir, concert nocturne, débutant à 22h30, petite jauge, cadre intimiste et grande proximité avec l’auditoire. A La Candela, lieu associatif toulousain plutôt récent, la « salle de spectacle » c’est une pièce, plancher en bois, avec le bar d’un côté, des petites tables, des coussins disposés sur le sol, pas de scène, Joulik jouant devant le mur pour une petite cinquantaine de personnes. Et la chaleur montera vite. Nous sommes vite emportés par cette musique et ces voix vers un large voyage musical. Trois superbes musiciens, des chants magnifiés par la voix, un vrai travail sur le son et la polyphonie, des mélodies entraînantes ou/et attachantes, des changements de rythme, du talent, et de l’originalité. On ressent le plaisir de jouer ensemble. Allez je te présente un peu plus le groupe.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Melissa Zantman, va-nu-pieds sur scène, voix magnifique, claire et troublante, nous emmène en voyage. Quelle que soit la langue d’origine de la chanson on a l’impression que c’est la sienne, l’accent et la diction apparaissent naturels. Totalement habitée quand elle joue de son accordéon chromatique et quand elle chante. Il semble difficile aux deux autres membres du groupe d’être à son niveau. Et pourtant ils y arrivent. Robin Celse, chapeau et sourire aux lèvres, bien sûr très bon guitariste, nous éblouit à l’oud et avec son utilisation du bouzouki. Le petit plus, il fait sourire le public en accordant son bouzouki avec des sonorités irlandaises et chinoises puis en annonçant la fin du concert sans prononcer le mot. Gabrielle Gonin est la seule à jouer d’un unique instrument mais elle fait corps avec sa contrebasse, dont elle a choisi la couleur assortie à celle de ses cheveux. Elle quitte pourtant son instrument pour faire apprécier son chant sur deux morceaux, l’un en anglais et l’autre en français Des espoirs. Au-delà des grandes qualités intrinsèques de chacun, ce qui est la force du groupe Joulik c’est … le groupe. Le plaisir de jouer ensemble est évident, palpable. Chacun fait attention à l’autre. Je n’ai, je pense, jamais vu les membres d’un groupe se regarder autant, se sourire autant (les photos à deux de cet article ou de la galerie Joulik te le montrent). Et le résultat est là. La magie du mélange des voix et des chants polyphoniques, l’originalité et la créativité dans les arrangements, la beauté des sons. Et ce sentiment de liberté qui se dégage. Partis d’un répertoire, à base de chants traditionnels des pays de l’Est, dans lequel ils excellent, ils ne s’interdisent pas de s’en éloigner. En fait, ils ne s’interdisent rien ! Ils ont un titre créé en langage imaginaire, un chant d’amour « un peu beaucoup revisité » ramené d’un voyage en Inde, un traditionnel afroportoricain Sueno où le bouzouki est utilisé,  une reprise d’une chanteuse italienne où ils ont glissé un peu de … Satie, une Valse à 2 temps 3 mouvements où à chacun des deux concerts au moins un couple de danseurs s’est essayé et un titre … en français. En synthèse : talent, originalité, enthousiasme et liberté.

Photo Michel Gallas
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Pour le rappel du concert du vendredi «On ne va pas s’interdire le plaisir d’un morceau en acoustique.» Ils débranchent les instruments, se rapprochent encore un peu plus du public et font leur chanson en italien. Ils me diront le lendemain le plaisir à jouer en acoustique, à avoir un réel  contact avec le public vu la proximité induite par le lieu.  Et les spectateurs ont encore plus ressenti leur naturel et leur plaisir à jouer. A noter, après le concert une spectatrice, impressionnée par le jeu de Mélissa, lui demandera … des cours d’accordéon. Le lendemain, changement de cadre. Une grande scène et un grand soleil à 19h, plusieurs centaines de spectateurs sur des chaises. Et à nouveau un très beau concert. Les deux fois les réactions du public ont été similaires : une grande écoute dés les premières notes et chants, de longs applaudissements à la fin de chaque titre, une  grande et belle ovation à la fin du concert et même une ovation debout pour une majorité de gens le samedi à Moissac, avec un nombre significatif de disques vendus ensuite.

Photo Michel Gallas
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Et comme je t’ai parlé d’un article complet je vais t’évoquer l’échange – interview du samedi après midi. Je ne le fais pas à coup de questions réponses : trop formel et puis cet entretien a déjà nourri le texte qui précède. Ô surprise je les ai questionnés sur le nom du groupe (et oui je savais que tu me la poserais sinon) et leur débuts. «Joulik en russe signifie chenapan, petit voleur, va-nu-pieds» (quand je te disais que je me suis servi de l’interview pour le contenu précédent de l’article !) «Le mot Joulik a été choisi aussi pour sa sonorité. Et c’est également le nom d’une chanson emblématique de Bratsch qui est devenue le titre d’un de leurs albums et puis le nom de notre groupe.» Le groupe a démarré en 2009 par un duo, devenu trio puis quatuor en 2011. lls enregistrent leur premier E.P A doux pas …. Suite au départ de la chanteuse percussionniste en 2013, le groupe prend sa forme actuelle de trio et réalise un album Aux temps sorti l’été dernier. Cet entretien me confirme mes impressions des concerts : ce qui caractérise Joulik, en plus de sa musique, c’est la force de la notion de groupe et le sentiment de liberté. Sur le groupe : «Joulik c’est spécial parce qu’il n’y a pas de leader. Chacun a la même importance, prend une même place.» Puis, «Même quand l’un d’entre nous arrive avec une composition personnelle, et c’est le cas pour chacun, ou de textes, pour les filles, les arrangements sont faits en commun, le morceau fait son chemin, on ajoute ensemble la patte Joulik.» Quand on pose une question, on ne sait pas qui va répondre, l’un démarre, ils se complètent, s’expriment avec enthousiasme, s’enrichissent … comme sur scène.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Parlons du sentiment de liberté. Cette liberté qui leur fait élargir leur répertoire. Ils ont bien senti, notamment pour la présélection Les Inouis pour le Printemps de Bourges que le fait de ne pas se restreindre à la musique de l’Est, de ne pas « rentrer » dans une case pouvait constituer une limite à leur développement. Mais «de moins en moins on s’interdit d’aller où on a envie. On ne veut pas que quelqu’un nous oblige à rentrer dans une case. Sinon on arrête, on change de métier. Ce qui nous a réunis au départ ce n’est pas la musique de l’est, c’est le son que l’on trouve ensemble. Quelle que soit la musique ça reste nous dans l’interprétation, c’est la patte Joulik. On fait ce qu’on a envie, ensemble.» Cette liberté les a aussi amenés à choisir un quatrième membre, «comme un quatrième musicien,» leur ingénieur du son. Un choix assumé, rare pour un groupe autoproduit, qui entraîne une contrainte financière. Mais un choix en phase avec l’esprit du groupe et sa volonté de donner le plus bel écrin sonore aux morceaux, aux différents instruments et voix ; de préciser les ambiances musicales, absolument différentes à chaque morceau. Avoir un ingé son «C’est un plaisir, et c’est pour nous, maintenant vraiment indispensable.» Ils me parleront de la création qui les passionne «ce n’est pas mental, pas de recette, tout peut être mis à profit : l’instant, les erreurs, les envies. On ne se donne pas de limites.»

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

 En interview, ils montrent le même enthousiasme, le même plaisir à être ensemble, à vivre leur projet que quand ils sont sur scène. On a évoqué l’évolution du groupe depuis deux ans, depuis les premiers concerts que j’ai vus. Oui je sais, l’évolution d’un groupe que tu n’as pas vu auparavant ça ne t’intéresse pas. Sache juste que l’évolution se concrétise par plus d’instruments, un répertoire plus large, des petites mises en scène et un travail sur les lumières. C’était déjà beau et unique avant et maintenant c’est encore mieux ! On parlera aussi de leurs passages assez fréquents dans la région toulousaine. Ils sont venus la première fois en 2013 pour une semaine « tournée des bars. » «On faisait notre son et on remballait tout chaque soir, c’’était sport et rémunéré au chapeau.» Mais le passage à Osons au Bijou et la réaction enthousiaste du public les a fait revenir pour un concert complet. Et cela a enchaîné avec les apéros du Grand Rond en 2014. Et avec Moissac désormais. «On a cette chance, sans démarcher, de pouvoir faire deux à quatre concerts par mois. » Pour finir je pose une question sur leur goût en chanson française (fallait montrer que je bosse pour Hexagone !) : pour les filles « Camille »,  pour Robin « les groupes de la mouvance festive dans la région PACA »  et un peu à ma surprise j’entends « Brassens, Nougaro » de la part de Gabrielle et Melissa citera «Brel, Edith Piaf et Boby Lapointe. »

joulik-23-06-2015-@michel-gallas-13Voilà ils en ont fini avec moi et partent vers une radio locale qui leur demande, comme première question, l’origine du mot Joulik. Chroniqueur, mon collègue quand tu parleras avec les Joulik, évite cette question (ou relis cet article) à laquelle ils doivent toujours répondre. Par contre un conseil, en dehors de la musique, tu peux leur parler de cuisine et de glace. Et comme je leur ai promis, je diffuse une information précieuse : à la fin de l’entretien Gaby a pris une glace «caramel beurre salé chocolat en pot» et Robin «menthe chocolat en cornet» (ah Michel c’est pour cela que tu as écrit : bar glacier !) Pour résumer, il me semblerait logique que Joulik soit, petit à petit, vraiment reconnu par le « métier » et le « grand » public et qu’il remplisse de grandes salles tellement ce groupe respire le talent et apporte une nouvelle couleur très personnelle. Je les reverrais bien, dans quelques années, jouer en tête d’affiche du festival, dans le cloître de Moissac dans lequel résonnent encore les voix de Noa, Al Jarreau et I Muvrini. En attendant Hexagonaute mon ami, compte sur moi pour t’indiquer leurs prochains passages en région toulousaine (un deuxième Bijou semble prévu en 2016) ou parisienne. Et je compte sur toi pour aller les découvrir et les apprécier. D’ici là tu peux aller faire un tour sur le site Joulik. Pour te donner envie d’écouter l’album Aux temps, juste à la fin de l’article tu trouveras deux vidéos : Mama prise lors du concert de Moissac (et sur l’album enregistré en live au Bijou) et Beshena. Pour finir, si tu es en vacances dans la région PACA, ne rate pas un de leurs concerts de cet été .

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Joulik 26 juin à la Candela Toulouse – 27 juin au festival des voix à Moissac (82)


 

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