Hélène Piris, une semaine au Grand Rond

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Hélène Piris, est venue de Lyon, en octobre, chanter tout une semaine, du mardi au samedi, pour les apéros concerts du Grand Rond à Toulouse. Je l’avais découverte deux ans plus tôt, au même endroit, dans un spectacle Pousse-toi de mon sol dièse. Une belle découverte : elle au chant et au violoncelle animant un trio à cordes avec violon et alto. J’en suis ressorti un peu bluffé par cette jeune artiste à la voix particulière, par son univers original à base de textes parfois décalés et d’histoires surprenantes, son humour décapant, par son sens du spectacle et son talent. Je suis donc revenu. Elle se produit avec une nouvelle formule, pour moi, en duo violoncelle et guitare. Un spectacle différent. On sent une nouvelle orientation. Et alors t’en as pensé quoi Mick ?

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Et bien, venu le mardi, je suis revenu le samedi et je lui ai proposé un petit échange (interview qu’ils disent à la télé !) pour en savoir plus sur son parcours. Donc j’ai beaucoup aimé. Bon, comme je suis très flemmard, j’ai laissé passer presque deux mois avant de t’en parler … Mais reprenant une astuce déjà utilisée (Hexagone est un magazine et pas un quotidien) je vais te dire que l’article est, bien sûr, prêt depuis longtemps mais que j’attendais que l’artiste ait une actualité pour te donner envie d’aller la voir (par exemple ce mardi 15 au Connétable à Paris).

Alors ce concert au Grand Rond ? Elle démarre en déclarant « Je suis chanteuse » (cette catégorie de femmes parfois considérées comme des «chianteuses»), elle poursuit avec un enchaînement réussi de titres de ses deux premiers disques (deux de chaque) et de nouveaux, non encore enregistrés. J’ai ressenti le spectacle comme un bouquet varié, composé de fleurs chansons qui font rire et de fleurs aux textes plus personnels (a priori ce sont celles cueillies le plus récemment). Dans cette veine, plus intime, j’apprécie La garrigue et la centrale nucléaire, qui traite des lieux de l’enfance et des départs et La Phocéenne une chanson d’amour lumineuse. Mon gars, sur fond de bossa, décrit le portrait d’une personne pénible, et Piris en fait un hymne à la vie en proposant sa vision (« tu me fais de la peine mon gars /tu me penses ingénue, car je suis de la vie mordue, j’aime rire mais tu sais pas que j’ai trimé pour en être là / la vie elle reste belle /pour être heureux il faut des amours des potos une passion un combat et juste ta tête et tes bras. »

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

La guitare d’Oriol Martinez Codinachs, au jeu subtil et élégant, amène des ambiances musicales plutôt chaudes où la voix d’Hélène Piris peut partir, s’envoler, faire des effets. On sent une complicité, une envie de jouer ensemble. L’axe chansons d’observations ironiques et histoires surprenantes n’est pas abandonné. Hélène, seule sur un morceau, nous délivre une chanson de « macho » introduite par une citation de John Rambo, parlant d’un vrai mec (Les pédales de l’amour). Elle reprend une de mes chansons préférées du premier disque (Une de plus en moins) sur la fin d’une journée pas comme les autres pour une femme (où Hélène Piris a glissé le mot épectase …). Ils finissent en rock sur une sorte de fable décalée où le chat devient prince charmant de sa maîtresse sans pouvoir … la satisfaire. Entre le mardi et le samedi je noterai un petit changement (deux titres en moins et un en plus), une plus grande assurance, semble t il, et les deux fois, pour moi, un grand plaisir de spectateur. Le public, venu nombreux, montrera le sien par ses réactions et ses applaudissements.

On se retrouve le samedi après midi, en terrasse d’un bar, pas loin du théâtre. Lors de cet entretien je découvre une jeune femme attachante, une « fonceuse qui doute », une « bosseuse » aux nombreuses activités qui aime et a envie de styles musicaux différents, une personne positive, volubile et spontanée dans ses réparties. Un échange ponctué de beaucoup de rires partagés, où elle utilise sa voix aussi pour imiter des accents. Je lui demande comment elle s’est retrouvée avec un violoncelle à chanter devant les gens.

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

Elle me raconte : «Issue d’une famille de musiciens, mise à la musique très tôt, j’adorais cela.  J’ai fait beaucoup de piano, du violon, de la guitare classique, du chant jazz et classique. Je me suis mise au violoncelle tard, vers 17 ou 18 ans. Pour la chanson j’ai commencé à écrire vraiment gamine. Partie à Valence, dans un lycée musique je me suis remise à écrire et je chantais mes chansons à la guitare lors de soirées. Venue à Lyon ensuite à l’’E.N.M (Ecole Nationale de Musique), en chant jazz classique et chanson. J’ai décidé que mon instrument d’accompagnement serait le violoncelle que j’’ai travaillé plutôt en autodidacte. J’ai démarré les concerts dans des petits lieux, à 19 ans. Je faisais des trucs barrés, en pensant que c’était la norme. Je croyais que tout le monde écoutait Bobby Lapointe, Boris Vian.»  J’évoque sa discographie, déjà un album et un E.P. Elle me confie que « Le premier disque s’est fait très vite. J’ai commencé les concerts début 2010, une amie proche m’a vue en fin d’année. Elle m’a dit : il faut faire un disque et m’a mécénée. » Ce disque, Il grêle des intestins (2011), correspond à la période trio à cordes. Le second EP, Ni ange ni choucroute 2ième service, représente plus la période jazz qui a suivi. Hélène complète : « Avec ce trio jazz piano, batterie et violoncelle, on a monté un spectacle d’humour musical avec des sketches. » L’EP a  gardé la trace de ces chansons.

Quand en introduction je te parlais de nombreuses activités et envies elle confirme. « J’aime énormément de choses, j’ai envie de tout faire : de la musique arabe, du jazz, du classique, de la chanson, de l’humour musical !  Je fais partie de Samarabalouf UP, le quatuor du guitariste François Petit, où je joue du violoncelle, uniquement. » Elle est aussi arrangeuse, notamment, pour Fred Radix. Elle continue : « Je fais aussi partie d’un quatuor vocal parodique TagadaTsing, où tout est chorégraphié, a cappella, mis en scène. Donc le côté burlesque, humour musical, désormais je l’ai. Je peux donc le lâcher dans mes propres chansons, je peux chercher autre chose. »

Photo Michel Gallas
Photo Michel Gallas

On en vient naturellement à parler de son évolution artistique, notée dans son concert. Hélène précise : « J’ai commencé à écrire l’an passé des textes plus personnels, plus intimes. Je n’ai plus envie forcément d’inventer des histoires pour faire rire les gens ». Elle cite de mémoire une phrase, liée à la culture jazz nord américaine, qui l’a marquée : « Toujours une joie un peu triste et une tristesse optimiste.» Et on sent que c’est dans cette direction qu’elle souhaite aller. Elle me confirme « Par exemple Amazone amoureuse parle d’un sujet lourd, mais finit bien. Mes influences se canalisent en ce moment, d’une part musicalement où je m’oriente vers le sud et le soleil et aussi sur le style des textes. C’est agréable de suivre un chemin, de creuser le sillon. »

Un disque s’annonce pour octobre 2016. Il concrétisera ce nouveau chemin, cette nouvelle direction. Certainement un EP. Pour lequel elle souhaite prendre le temps, et le temps de faire les arrangements également. Plusieurs fois elle utilise à son endroit le mot « humble ». Quand je lui fais remarquer elle me répond « Je crois que ma force c’est que j’ai toujours peur de me tromper. Après, il faut être réaliste, si on fait ce métier c’est que l’on est égocentrique, que l’on croit que l’on a des choses à dire, des choses à panser. Si je doute, c’est plus dans les moyens. »

Quand j’évoque cette semaine de concerts, elle est enthousiaste. « Au Grand Rond, en plus de leur accueil chaleureux, ils font un super boulot de communication et de fidélisation : c’est plein tous les soirs. Je joue avec Oriol seulement depuis trois mois. On avait besoin de ces cinq concerts d’affilée. On bosse ensemble pendant la journée, on vient au théâtre et on bosse, puis on fait le concert. On peut tester, notamment l’ordre des chansons que l’on a changé trois fois. Plusieurs personnes sont revenues deux soirs. Cette semaine : que du positif ! » Et sa semaine toulousaine en dehors de ses concerts ? Elle est allée écouter du tango à la Cave Poésie, elle a vu François Petit en concert au café associatif La Maison Blanche qui lui a proposé de faire deux chansons. Elle est aussi venue découvrir le café chanson Chez ta mère (où elle a fait baisser le stock de cornichons !) Le samedi à la fin de son concert elle dit : « Est ce que vous vous rendez compte de la chance que vous avez à Toulouse d’avoir autant de lieux, de petites salles pour aller écouter de la musique ? »

Photo Michel Gallas
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A ma question rituelle sur la chanson francophone, elle répond : « J’ai beaucoup écouté Boris Vian, Gainsbourg, Bashung, Boby Lapointe. Dans les actuels, Sanseverino. J’ai découvert récemment Lavilliers ! Et j’écoute Jonasz, Belin. En fait j’écoute peu de femmes, en chanson francophone. » Puis elle précise : « Il y a énormément de disques à la maison. J’écoute du jazz, du classique, la musique du monde tendance orientale, du fado, … En fait, j’aime beaucoup de choses. J’essaie, de toute façon de chercher le positif tout le temps.» Le positif semble la caractériser.

Depuis notre entretien, elle a continué ses nombreuses activités. Elle est allée faire une tournée en République Tchèque avec l’Alliance Française, avec son autre formule en piano voix. Elle est venue à Albi aux auditions Chantons sous les toits 2016 et elle en est repartie avec l’obtention de cinq concerts (on va la revoir dans la région). Avec le groupe Samarabalouf UP, elle a joué plusieurs titres dans l’émission de TV Backstage. Et elle finit l’année en beauté par une escapade parisienne au Connétable. Et, apparemment quand elle se déplace elle emmène du beau linge dans sa valise puisqu’elle a, comme invités, Frédéric Bobin, Gérard Morel (que l’on attend avec sa guitare qui l’accompagne ici à Toulouse la semaine prochaine), François Puyalto et Pierre Margot. Hexagonaute parisien, j’habiterais le même endroit que toi tu sais ce que je ferais alors vas-y et raconte-moi ! Hexagonaute non parisien, t’en fais pas tu sais, qu’en tant que provincial, je te tiendrai au courant des ses prochaines dates.


Hélène Piris, à l’occasion des apéros concerts du Théâtre du Grand Rond à Toulouse du 20 au 24 octobre. Les photos (un clic dessus et elles s’agrandissent) proviennent des concerts des 20 et 24 octobre.

Hélène Piris sera en concert au Connétable à Paris le mardi 15 décembre et au Centre de la chanson le 16.

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