Contrebrassens en duo au Bijou

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Hexagone t’a parlé de la belle découverte de Contrebrassens ici, dès l’été 2015 à Avignon. Une contrebasse, une femme, Pauline Dupuy, et le choix des chansons de Brassens qui évoquent les femmes ou les relations amoureuses. Puis début 2017, Hexagone a consacré à Contrebrassens un portrait dans le n°3 de la revue à l’occasion d’une tournée et de la sortie du superbe album A l’ombre du cœur. Sur scène Pauline Dupuy, au départ en solo, était désormais accompagnée de Michael Wookey pour un spectacle qui mélangeait leur deux répertoires et qui était devenu L’improbable duo.

© Michel Gallas

En décembre, le spectacle Contrebrassens, avec Michael Wookey, vient pour la première fois sur Toulouse pour deux dates au Bijou, puis dans le Tarn voisin à Lavaur et au Café Plum à Lautrec. Ce mercredi 5 décembre au Bijou, les amoureux de Brassens avaient bien rempli la salle. Le concert proposé est un duo. Pauline Dupuy et sa contrebasse, chantent Brassens, souvent en solo, parfois accompagnée par Michael Wookey. Celui-ci joue quelques morceaux de son cru, accompagné ou pas par Pauline. Le concert est surtout un vrai spectacle plus qu’un récital. Pour les moments Brassens, au-delà des chansons à la contrebasse en solo ou accompagné, on peut écouter une chanson à 4 mains sur la contrebasse (Putain de toi), une chanson où Pauline est à la guitare (Mourir pour des idées), une sans instrument, a cappella (A l’ombre du cœur de ma mie) où elle va dans la salle. La magie Contrebrassens continue d’opérer. De sa belle voix, Pauline Dupuy illumine les chansons de Brassens, par une interprétation sensible et sincère, et une utilisation totale de son instrument. Après les chansons marquantes à l’interprétation et aux arrangements impressionnants, comme La non-demande en mariage, à la rythmique ralentie, et La complainte des filles de joie chantée par une femme, on sent que les spectateurs ont besoin de quelques secondes avant d’exprimer un « waouw » d’admiration et d’envoyer de chauds applaudissements. Les gens, connaissent les chansons par cœur, mais se retiennent de les dire pour profiter de l’interprétation et du son de la contrebasse. Michael Wookey amène un peu de légèreté avec ses instruments jouets, ses mélodies pop à la guitare et son personnage un peu décalé. Sur scène le duo est complice et Pauline semble encore plus épanouie. Le spectacle très construit laisse pourtant place à l’instant, au côté très naturel et à l’envie du moment des deux compères, notamment pendant les entre-chansons. Une belle ovation du public a conclu cette soirée.

A noter : après le concert, l’EP et l’album Contrebrassens ainsi que les albums de Wookey sont proposés à prix libre (initiative plutôt rare).


J’ai retrouvé Pauline le lendemain du concert dans l’après-midi, et nous avons échangé dans la salle de spectacle vide. Elle, assise en bord de scène et moi sur un siège du premier rang. Je voulais qu’elle me parle du concert de la veille, du lieu, de ses activités depuis fin janvier 2017, date de notre dernier échange formalisé par un portrait sur le n°3 d’Hexagone, et de son agenda 2018.

© Michel Gallas

Hexagone : Dans le répertoire choisi pour le concert d’hier, on trouve des titres des deux enregistrements (l’EP et l’album) et aussi certains non enregistrés, comme par exemple, La princesse et le croque notes et La ronde des jurons. C’est une volonté ?
Pauline Dupuy :
Non. La volonté l’an passé, c’était de faire des nouvelles chansons pour l’album, qui n’existaient pas en concert. Et certaines n’existent toujours pas car il faut très longtemps pour pouvoir jouer un titre sur scène. Par exemple Chansonnette à celle qui reste pucelle, je la travaille depuis le disque. Techniquement, l’arrangement de contrebasse avec beaucoup de contre-chant je ne le maîtrise pas encore suffisamment pour la jouer en concert. Je continue de la travailler et à un moment on l’entendra sur scène. A l’inverse, La princesse et le croque notes fait partie de mon répertoire depuis quasiment le début, mais j’ai choisi de ne pas l’enregistrer.

Hexagone : Tu as chanté, tout en acoustique, sans micro. Une habitude pour Contrebrassens ?
Pauline Dupuy : Ah c’est un bonheur, on adore cela. Dès que l’on peut jouer en acoustique, en contact direct avec les gens, on le fait. L’acoustique, c’est magique. De toute façon je n’ai jamais de micro sur pied, et en général je joue avec un micro serre-tête amovible. Quand on est sonorisé, le but c’est juste qu’on nous entende, que ce soit le plus naturel possible.

Hexagone : On imagine un travail important, qui ne se voit pas, pour chaque chanson : une utilisation souvent particulière de la contrebasse, des arrangements particuliers, un rythme parfois ralenti (La non demande en mariage, Les bancs publics), et une interprétation à la fois fidèle et personnelle.
Pauline Dupuy :
C’était le défi quand j’ai commencé ce projet Contrebrassens : une chanson, un arrangement avec souvent une utilisation différente de la contrebasse, pour les dix premières chansons. Contrebrassens a mis très longtemps à naître sur scène, et sur les deux ou trois premières années, j’ai fait seulement trois concerts tant le travail technique était difficile. Et ce qui est bien désormais, c’est qu’il ne se voit pas.

© Michel Gallas

Hexagone : Au départ le répertoire Contrebrassens était focalisé sur des chansons féminines. Depuis, il semble s’élargir un peu.  Mourir pour des idées figure sur l’album et hier on a entendu La ronde des jurons. Tu confirmes ?
Pauline Dupuy :
Oui, mais pour La Ronde des jurons même si le côté féminin demeure en arrière-plan, il n’empêche qu’être une femme sur scène et égrener tous ces jurons cela reste symbolique et c’est un amusement. Effectivement en duo, on s’ouvre plus, on s’éloigne un peu plus de l’aspect féminin des chansons qui représentait l’enjeu principal en solo.

Hexagone : Et du coup en duo, comme hier soir, l’enjeu principal consiste en quoi ?
Pauline Dupuy : Ah, sans y avoir vraiment réfléchi, je crois que c’est garder l’essence de Contrebrassens – travail sur la féminité, arrangements de contrebasse – mais l’alléger, l’ouvrir et le colorer avec les moments assez minimalistes joués par Michael. Et surtout notre rapport à deux, amène autre chose sur scène, de plus détendu, d’une plus grande proximité avec le public.

Hexagone : Un mot sur les spectateurs : après le concert, ton ressenti était qu’ils étaient impressionnants. Mais vu leurs applaudissements et l’ovation à la fin, il me semble que ce sont eux qui étaient impressionnés.
Pauline Dupuy :
J’ai vraiment eu l’impression d’une forte attente de ce public très Brassens, qui ne connaissait pas Contrebrassens, et qui se demandait « bon, qu’est-ce qu’elle va nous faire ?» On a pris lui et moi le temps de se rencontrer. Les forts et longs applaudissements après certaines chansons et en fin de concert : ce sont une chouette récompense. Clairement, ils ne voulaient pas que l’on parte. C’est très touchant.

Hexagone : Que peux-tu me dire sur Le Bijou ?
Pauline Dupuy : J’étais peut-être aussi impressionnée au début par la salle. Car le Bijou a un rayonnement incroyable. Cela fait très longtemps que j’en entends parler comme d’un lieu où il faut aller, d’un endroit prescripteur.

© Michel Gallas

Hexagone : L’an passé, le spectacle avec Michael Wookey se nommait L’improbable duo et désormais le titre est à nouveau Contrebrassens. N’est-ce pas osé de mélanger des chansons en anglais à du Brassens surtout quand ce n’est pas annoncé dans le programme ?
Pauline Dupuy :
Oui c’est osé, et je l’assume. C’est osé dans ce que ça bouscule des codes et des attentes. Ça raconte notre liberté d’artiste. J’espère que ça rend Brassens accessible à des plus jeunes aussi, en tout cas que ça l’emmène ailleurs, cela a toujours été mon intention. L’an passé, le titre du spectacle était Contrebrassens & Michael Wookey : L’improbable duo, c’était plus explicite. Puis, on a décidé de revenir à Contrebrassens avec seulement une chanson ou deux de Michael. Sauf que j’aime tellement ce spectacle en duo, et l’échange entre nous est tellement porteur, que l’on est revenu à l’improbable duo dans un pourcentage qui varie selon les salles et l’âge du public. On travaille avec notre chargé de communication, présent ici d’ailleurs, et le titre et la présentation du spectacle vont être clarifiés.

Hexagone : Là à deux, on vous voit rire, partager. Et on a l’impression que vous improvisez parfois entre les chansons …
Pauline Dupuy :
Oui. « A deux c’est mieux » est devenu notre slogan. J’aime sentir ce qui se passe dans la salle, avec les gens et de pouvoir réagir en fonction. J’aime vraiment garder de la liberté, comme dans les entre chansons, même si on joue un peu à « quitte ou double » : parfois on est en forme avec de superbes réparties et parfois on est un peu maladroit.

© Michel Gallas

Hexagone : Donc le solo, depuis quelque temps déjà, c’est fini ?
Pauline Dupuy : Le solo, au départ, c’était un défi, important pour moi. J’avais besoin de cela, pour me lancer, pour prendre de l’assurance, de sauter toute seule dans le vide, d’assumer Contrebrassens. En fait, c’est super triste d’être en tournée seule, de manger seule, de ne pas échanger après le concert. Le stress est décuplé car rien ne détourne ton attention. Pour les concerts, si tu touches les gens, tout ce qu’ils te renvoient sur scène et quand ils te parlent après, tu te le prends à 200%, c’est tout pour toi, tu ne peux pas le partager. C’est à la fois magnifique et super pesant. Et puis, à la base, si j’ai fait de la contrebasse c’est pour jouer avec des gens. Ce qui m’éclate musicalement et sur scène c’est d’être à plusieurs. Le solo était une étape nécessaire mais le solo c’est fini.

Hexagone : Quand on s’était vu la dernière fois fin janvier à Paris, tu exprimais « Après trois années intenses, le besoin d’une pause ». Comment cela s’est passé ?
Pauline Dupuy : 
La pause sans concert a duré six mois, de mi-février à mi-septembre où on a repris à Berlin. Mais l’événement a été le déménagement, en mars, après huit ans de vie à Berlin pour venir dans le Lot près de Decazeville, afin de suivre mon copain. Le changement de vie est absolument radical. Tu passes du centre-ville d’une capitale internationale à la campagne profonde. Je suis très heureuse de ma vie actuelle. Cela me touche et m’inspire tous les jours. La moindre odeur, le moindre chant d’oiseau m’émerveille. Et je bouge suffisamment pour que la ville ne me manque pas.

Hexagone : A l’époque tu parlais aussi de « l’envie de revenir, à quatre sur scène, en compagnie du duo de cuivres Art Deko »
Pauline Dupuy :
 Et bien, on en est là. Une résidence est planifiée en janvier pour monter le spectacle à quatre et cinq ou six dates sont prévues dans les deux mois qui suivent. Je suis très contente. Cela va être une autre aventure, une aventure de groupe. Nous serons entre quatre et six sur la route. Et musicalement, nous aurons une instrumentation plus travaillée et une ouverture sur le jazz mais sans vraiment perdre l’essence des chansons et du travail sur le texte.

© Michel Gallas

Hexagone : Il n’y a pas que Contrebrassens dans la vie artistique de Pauline Dupuy. Tu peux nous parler de tes autres projets ?
Pauline Dupuy : 
Ces dernières années mon activité s’est vraiment resserrée sur Contrebrassens. Mais avant, l’éventail était très large entre la musique classique, le théâtre et le rock avec le groupe Angil & The Hiddentracks. J’adore cela. Et tant que je pourrais garder un peu de cette diversité je le ferai. Aussi récemment, j’ai participé, pendant un mois et demi, à la création d’un spectacle de théâtre L’Opéra de la lune de Jacques Prévert, dans lequel je chante et joue de la contrebasse. J’ai toujours régulièrement participé, avec ma contrebasse, à des créations de théâtre. C’est une autre manière de travailler et d’être sur scène, un autre rapport au public.

Hexagone : J’ai avec moi, un EP nommé Noosphère, dont la sortie numérique est annoncée le 28 janvier. Tu peux m’en dire un peu plus ?
Pauline Dupuy : 
Jean-Louis Roubira, qui est l’inventeur entre autres du jeu de société Dixit est venu voir un jour Contrebrassens et m’a donné une carte du jeu où une femme a un corps de contrebasse et joue avec. Puis il m’a envoyé ses compositions (texte et musique). Noosphère c’est la rencontre des chansons de Jean-Louis avec ma voix associée à ma contrebasse et la production de Michael. On a fait un 5 titres. C’est la même équipe musicale, avec Art Deko aussi, que l’album de Contrebrassens, mais dans un univers très différent.

Hexagone : Pour finir revenons à Contrebrassens. On a l’impression que ça démarre fort début 2018 ?
Pauline Dupuy
 : Oui, après un retour sur scène à Berlin en décembre, dès janvier nous repartons pour une tournée d’une quinzaine de dates jusqu’à fin mars. Avec un concert en Israël dans la programmation d’un festival de musique de chambre. Puis une date Impasse Florimont à Paris 14ème où les voisins de la maison de Brassens, depuis une dizaine d’année, organisent un rendez-vous au début de l’été.


Contrebrassens les 5 et 6 décembre 2017 au Bijou à Toulouse. Cet article rend compte du concert du 5 et de l’entretien effectué le 6.

Quelques concerts à venir : 12/01 – Le sou – La Talaudière – 42 (Sortie de résidence : en quartet), 17/01 – La menuiserie – 93 – Pantin, 02/02 – La dame de Canton – Paris 13è – (En quartet), 19/03/18 – Festival femmes dans la ville – Maison Olympe de Gouges – Cherbourg – 50, 29/03/18 – 21h – Bourges – 18, 23/06 – Impasse Florimont – Paris 14ème – 75

Rappel : un clic sur une photo et elle s’agrandit !

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