Clarika, en duo, fait battre le cœur du Bijou

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© Francis Vernhet

Après Alexis HK et Camille Hardouin en septembre, on continue les retours de concert de cette exceptionnelle saison anniversaire au Bijou, retours enrichis d’un échange avec l’artiste. Et fin novembre, vingt-trois ans après son premier et précédent passage au Bijou, Clarika est revenue, pour trois soirées en duo, avec un formidable concert devant une salle pleine.

© Francis Vernhet

Avec comme seul musicien Ludovic Leleu – son orchestre – (guitare électrique, clavier, percussions et chœurs), Clarika reprend à l’identique le spectacle joué habituellement avec son groupe : même liste de chansons et même changement de tenue. Elle entre sur scène avec Je suis mille : « Je suis le vent et la mitraille /Je suis toute la misère du monde / Je suis le bonheur à la ronde/ Je suis la douceur, la colère ». En fait, ce début consiste en une véritable présentation du concert qui propose du profond et de la légèreté, de l’humour et de la lucidité, du noir et de la lumière. Elle chante la quasi totalité de son dernier album De quoi faire battre mon cœur marqué par une séparation : « C’est la vie sans toi / Je l’aime pas… », « Je ne te dirai pas l’absence … Je ne te dirai pas la peur / d’une vie loin de tes bras / le poignard plongé dans le cœur / et la lame qui se retire pas»). A travers ses textes, elle exprime le manque, la souffrance, les histoires d’amour qui finissent mal (La cible) et … l’espoir « il brille quelque part, ô ma toute petite étoile ».

Elle évoque Petula Clark, sa colocataire des bacs des disquaires par proximité alphabétique. Puis cite un extrait d’une de ses chansons où elle dit se reconnaître « A chacun son destin et sa part de tourments. Moi j’ai fait de ma vie quelle que soit la saison, un jardin où fleurissent des bouquets de chansons». Et elle nous offre un joli bouquet d’odeurs et fleurs différentes qui respirent la vie. Car si le contenu du répertoire est sombre, Clarika, enjouée sur scène, danse parfois sur des mélodies légères et envoie une énergie contagieuse. Ses textes aux mots simples résonnent à l’intérieur de nous et émeuvent. Sa voix nous touche, une voix qui semble plus forte, plus présente à deux qu’avec une orchestration plus importante.

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Un peu comme Alexis HK, entre les chansons, Clarika plaisante pour faire contrepoint : « Si vous vous attendiez à sortir du Bijou en soufflant dans des trompettes en plastique et en dansant la lambada, au bord du canal du midi toute la nuit, c’est pas gagné parce que la vie est âpre ». Donc, place à la fantaisie, à l’humour et et au rire. Elle nous raconte des histoires parfois délirantes comme celle de l’homme invisible qui l’a embrassée sur Hollywood Boulevard, puis cherche Dieu dans la salle. Elle prend l’accent italien puis l’accent slave pour évoquer le retour d’un Igor, ancien amant.

Son concert est entrecoupé d’anciennes chansons que son public de fidèles reprend : l’incontournable Les garçons dans les vestiaires, le prémonitoire Ça s’peut pas  (« Non, ça s’peut pas que ça dure toujours, ça s’peut pas… L’amour, le vrai, un jour il meurt, il reste pas»), le toujours d’actualité Bien Mérité (« C’est l’évidence / T’avais qu’à naître en France … On prend pas un bateau si on sait pas nager »), la superbe et originale Lâche-moi ! sur la relation avec son enfant et Les patineurs. Pour le dernier tiers du spectacle, elle revient avec une robe crème longue et légère, avec laquelle elle danse, tournant sur elle-même, pieds nus. Elle reprend My Sweet Lord de George Harrison et lâche sa voix.

En rappel, elle fait chanter au public  Rien de nous « n’est important« . Puis assise, elle joue à la guitare (moment assez rare) Les beaux jours (« Alors j’attends la boule au ventre / oui mais j’attends / que les beaux jours rentrent… ») L’ultime titre Rien de tel (qu’une petite chanson) résume le concert avec des couplets d’une lucidité noire malgré l’humour et un refrain léger et entraînant. Dans sa première intervention parlée, Clarika avait annoncé : « On va essayer de vous faire un bon concert et je pense que vous allez en avoir pour votre argent. » Pari tenu, le public a quitté la salle, comblé d’émotion et de plaisir.


Je retrouve Clarika, le lendemain après-midi, dans la salle de bar du Bijou. Je lui demande de parler de la formule du concert en duo, du Bijou, de l’album live qui vient de sortir et d’une chanson qui porte son nom.

Hexagone : En concert, je t’ai souvent vue  en groupe. Peux-tu nous parler de cette formule en duo ?
Clarika : Hier c’était la quatrième fois. Créée pour une demande à l’étranger, où nous avons fait deux concerts, cette formule reste occasionnelle. Mais cela nous a donné l’idée de jouer en duo quand l’opportunité se présente, pour des salles où cela n’est pas possible avec le groupe.

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Hexagone : Souvent quand les artistes passent d’une formule groupe à une formule duo, ils adaptent le concert en le rendant plus intimiste. Là, c’est le même spectacle qu’en groupe ?
Clarika : Oui, l’idée c’est de refaire le spectacle à deux. Evidemment, ce n’est pas pareil avec deux musiciens en moins et sans décor, même si ce sont les mêmes chansons dans le même ordre. Mais on essaie de retrouver l’esprit et l’énergie. Et je m’y retrouve bien. Changer de tenue fait partie du show. Au Bijou, on pourrait dire qu’on peut s’en passer. Mais non au contraire.

Hexagone : Un concert de Clarika, c’est un vrai spectacle plus qu’un récital. Là aussi c’est une volonté ?
Clarika : Etre sur scène, c’est ce que je préfère. Alors j’en profite, je m’amuse. Je veux du spectacle. J’aime qu’il y ait une scénographie, des lumières, un décor. J’aime bien raconter des petites choses entre les chansons. J’ai envie de me surprendre moi-même. Je ne veux pas que ce soit juste un copier-coller des chansons présentes sur un album.

Hexagone : On a eu l’impression que tu étais particulièrement contente, hier soir sur scène.
Clarika : Pouvoir monter sur scène devant un public : c’est ce que j’aime, je suis toujours contente. Et je ne boude pas mon plaisir. J’essaie de faire chaque concert à fond, quelle que soit la salle. J’ai envie que les gens soient contents. Et moi aussi.

Hexagone : Le fait de jouer une chanson en rappel à la guitare, c’était une envie ?
Clarika : Je ne joue pas bien de la guitare. Je me suis donné ce petit challenge sur cette tournée.  C’est balbutiant mais je suis contente de le faire.

Hexagone : Dans le concert, on trouve les chansons du dernier album et aussi des titres d’anciens albums. Par exemple, Les garçons dans les vestiaires ?
Clarika : Je joue Les garçons dans les vestiaires à chaque concert de chaque tournée. Je ne me sens pas obligée. C’est un peu un identifiant, un petit rendez-vous avec le public. Le challenge étant à chaque spectacle de la renouveler, de la réinventer.

© Francis Vernhet

Hexagone : Quelques mots sur la reprise de Georges Harisson, My sweet Lord ?
Clarika : J’aime bien cette chanson et c’est aussi un prétexte pour créer un moment dans le concert où j’interpelle Dieu,  on fait des chœurs un peu délirants, on s’amuse. J’ai beaucoup de plaisir à la chanter. Pour une reprise, titre qui ne nous ressemble pas forcément, l’intérêt est de s’exprimer différemment que dans ses propres chansons.

Hexagone : Que peux-tu nous dire sur le fait de jouer trois jours d’affilée au même endroit et sur le Bijou en tant que lieu ?
Clarika : Rester trois jours au même endroit, c’est assez exceptionnel. Pour le coup, ce sont presque des vacances. Après le premier jour, les balances sont légères, on ne voyage pas entre deux concerts, on peut faire la grasse matinée, et enfin découvrir la ville où l’on joue. Le Bijou est un lieu convivial, très agréable. La salle permet une vraie proximité avec les gens. J’aime bien qu’il y ait un bar et un restaurant, à côté de la salle : il est important qu’une salle de spectacle soit un lieu de vie.

Hexagone : Tu te dis artiste de scène, mais De quoi faire battre ton cœur est seulement ton premier album live?
Clarika : J’ai fait sept albums. Et l’idée de faire un live ne s’était jamais concrétisée. J’en avais envie depuis longtemps. Le public qui me suit, me le demandait souvent. Le live a un vrai intérêt, car les versions sur scène sont différentes des versions studio. Je suis très contente qu’il existe.

Hexagone : Dans un live, en général, soit on propose des extraits avec certaines chansons soit le concert en quasi-totalité. Quel choix ici ?
Clarika : C’est quasiment le concert. On a retiré juste quelques titres : Rien de nous, tout en acoustique, par manque de son, et ceux dont la version live était très proche du disque pour privilégier des versions scènes différenciées. Cela a permis de mettre des titres très anciens. J’avais vraiment le volonté de faire écouter le concert, et même certains « speech » comme avant Les garçons dans les vestiaires, et avant My sweet Lord.

© Francis Vernhet

Hexagone : Un dernier mot sur l’album live ?
Clarika : Nous avons fait deux versions de l’album. Un double album pour ceux qui n’avaient pas l’album studio, avec un joli coffret, plutôt classe. Et l’album live : pour ceux qui ont vu le concert c’est un vrai témoin, une façon de garder le souvenir.

Hexagone : Tu as désormais une chanson à ton nom que Garance (1), bien connue des lecteurs d’Hexagone donne sur scène depuis quelques mois. Quelle est ta réaction ?
Clarika : Cela fait bizarre de recevoir une chanson à son nom. J’ai trouvé le morceau super. Sur le même événement, une rupture, elle prend le contre-pied de mon texte, c’est rigolo.

Hexagone : En dehors de l’album, as-tu une autre actualité ?
Clarika : La tournée en groupe s’arrête là, début décembre. On est tristes comme quand enfant, une colonie de vacances s’arrête. C’était chouette. J’ai recommencé à écrire depuis cet été pour un nouvel album. Je n’ai jamais de chanson d’avance. La tournée est une histoire particulière, un moment pendant lequel je n’écris pas. Et il faut le temps de se ressourcer. Pour moi, un album permet de remonter sur scène. Idéalement, on aimerait le sortir début 2019, et donc l’enregistrer cet été au plus tard.


Clarika du 28 au 30 novembre 2017 – Le Bijou (Toulouse) – Photos et compte-rendu du concert du 28/11. Entretien fait le 29. Rappel : un clic sur une photo et elle s’agrandit.

Photos de une et de l’article : © FRANCIS VERNHET. Par dérogation libre de droit pour site Hexagone et réseaux sociaux de la salle « LE BIJOU » de Toulouse. Pour toute autre utilisation ou contexte, contacter impérativement le photographe pour en négocier préalablement les droits. francisvernhet@wanadoo.fr. 0672844129.

(1) Voici le refrain de Clarika, chanson de Garance : « Y’a Clarika dans son album / Qui dit qu’elle a eu tant d’amour / Que même si maintenant y’a personne / Elle en aura dans le cœur toujours /
Moi tu m’as laissé tant de tristesse / De poids au cœur de déception / Que même si j’aime plus un Kopeck / J’ai de quoi en écrire des chansons »

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