Garance : De l’hôtel à la gare du Nord

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Photo David Desreumaux

Garance, comme dans un Carné-Jeanson bien célèbre. La même fraicheur, la même âme populaire dans son acception originelle… Elle raconte comment elle a appris à jouer de la guitare avec le Diapason, « le livre des scouts », elle dit sa fougue, son besoin de monter sur scène, elle parle de ses potes chanteuses et chanteurs, elle ne cache pas la galère du statut d’artiste de la chanson en 2014 sans se lamenter jamais. Bien au contraire. Garance parle comme elle chante, en toute sincérité, sur le mode de l’échange profond. Humaine cette Garance.
 

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Hexagone : Peux-tu raconter en quelques mots le chemin qui t’a conduit à la chanson ?
Garance : Mes parents écoutaient beaucoup de chanson : Bobby Lapointe, Renaud, Souchon, Le Forestier et du coup la chanson m’a accompagnée durant toute mon enfance. Par la suite, en 2006, J’ai revu mon ami Brams chez mes parents près de Poitiers. Je lui ai fait écouter mes chansons, il m’a dit qu’il me rejoignait dans 3 mois à Paris – alors que j’étais montée faire du théâtre deux ans auparavant – afin que l’on fasse des concerts ensemble. Et on a joué tout l’été dans tous les bars comme des malades.

Hexagone : Donc tu as une formation de théâtre au départ ?
Garance : Oui, j’ai fait les Cours Florent.

Hexagone : Qu’est-ce que tu as trouvé dans la scène chanson que tu ne trouvais pas dans le théâtre ?

Garance : Déjà, l’aspect ludique. Je trouve ça moins douloureux, plus sain, simple, moins prise de tête et surtout beaucoup plus direct avec le public. Je pouvais dire aussi très simplement ce que je voulais dire et le transmettre directement à quelqu’un. La chanson est aussi accessible à une majorité, ce qui n’est pas exactement le cas du théâtre.

Hexagone : En même temps, la chanson est aussi là pour faire réfléchir et n’est pas que ludique non ?
Garance : Oui, je suis d’accord. Je parlais uniquement de la forme. Le format court de la chanson me convient mieux et je le trouve plus ludique aussi en ce sens. La chanson, un concert, j’assimile ça à un recueil de nouvelles. Je raconte une histoire et dans 3 minutes j’en raconte une autre.

Photo David Desreumaux
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Hexagone : T’inscrire dans le monde de la chanson, ce n’est donc pas un rêve d’enfant pour toi ?
Garance : Non franchement, je dis souvent que c’est grâce à Brams que j’ai commencé parce que lorsque je faisais mes pièces de théâtre cela me convenait tout à fait. Et puis, on s’est mis à faire des concerts et le plaisir des concerts a pris le dessus sur le théâtre.

Hexagone : Il y a eu un déclic ?
Garance : On ne peut pas vraiment parler de déclic mais ça me plaisait vachement. Plus je monte sur scène, plus je fais des concerts et plus j’ai envie de jouer et d’aller jouer dans toute la France. J’aime bien rencontrer des gens par ce biais-là, de voir différents publics. C’est comme si tu allais sur France Inter et que tout à coup tu avais la parole, tu peux dire aux gens des choses que tu as envie de dire.

Hexagone : Ça ne fait pas flipper en même temps d’avoir ce pouvoir de parole ?
Garance : C’est clair, on s’interroge toujours sur sa propre légitimité. Quand tu fais des chansons légères ou d’amour, la question ne se pose pas trop mais dès que tu fais des chansons avec un avis pseudo-engagé, pseudo-politique…

Hexagone : Pas forcément pseudo. Quand tu chantes « N’oubliez pas d’aller voter au cas où ça servirait », ce n’est pas anodin et tu portes comme un étendard à ce moment-là.
Garance : Oui et c’est cet aspect-là qui fait un peu flipper. Après, les gens reçoivent la chanson comme ils veulent et libre à eux surtout de voter ou pas. Ce n’est pas un message que je veux passer. Je pose juste la réflexion à partir de mon sentiment, de la façon dont je vis les choses.

Hexagone : On n’écrit plus aujourd’hui des chansons d’engagement comme Renaud pouvait en écrire dans les années 70 ou 80 ?
Garance : Oui c’est pas faux. Tu vois Batlik, il a des chansons que l’on qualifie d’engagées, en tout cas avec un point de vue très affirmé, il n’est pas dans la modération quand il s’exprime et en même temps il n’est jamais simpliste. Certaines chansons, t’as intérêt à les écouter plusieurs fois pour capter tout ce qu’il dit et te faire ton propre point de vue. Ce n’est pas forcément frontal.

Hexagone : Dans tes influences, on sent bien Renaud. On pourrait ajouter qui ?
Garance : Avant d’écrire mes propres chansons, on peut citer Renaud, Anne Sylvestre, Lynda Lemay, Souchon.

Hexagone : Et ceux que tu écoutes aujourd’hui ?
Garance : Batlik, j’ai pas mal écouté Marie Cherrier, Buridane, Benoît Dorémus. Et de plus en plus, j’écoute des gens avec qui j’ai joué et qui sont devenus des amis : Pauline Paris, Govrache, Tomislav, etc.

Photo David Desreumaux
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Hexagone : C’est quoi « des idées rock qui ne pèsent pas lourd » ?
Garance : Parfois on part dans la vie avec une ambition, une certaine vision des choses, de la liberté et puis il arrive que toutes ces convictions, ces ambitions ne se réalisent pas exactement comme on l’imaginait. Tu n’es pas ce que tu voudrais être, tu ne fais pas vraiment ce que tu voudrais faire, tu ne représentes pas vraiment ce que tu voudrais représenter, etc. Mais peut-être que cela ce n’est pas grave finalement, peut-être que les grands discours ça ne pèse pas lourd justement. Je ne suis peut-être pas un punk mais je peux en avoir gardé l’esprit, c’est un peu ça ce que veulent dire Les idées rock.

Hexagone : Comment se passe le travail chez toi ? Comment écris-tu, comment vient le choix d’un thème, d’une chanson ?
Garance : Souvent, les idées me viennent d’un coup. Si je suis dans les transports ou autre, je prends mon carnet et je note à toute vitesse. Mais même si je ne suis pas chez moi et que je n’ai pas ma guitare sous la main, j’ai toujours un rythme dans la tête. Les mots sont posés sur un rythme et sur une mélodie approximative. Je mets les mots et la musique en même temps. Je ne peux pas écrire le texte sans la musique sinon ça ne fera jamais une chanson.

Hexagone : Pour toi, c’est quoi le rôle d’une chanson ?
Garance : J’ai besoin qu’une chanson me parle, me fasse réfléchir, qu’elle me fasse me ressouvenir de choses, qu’elle fasse jaillir des émotions.

Hexagone : Du coup, ce serait quoi une bonne chanson ?
Garance : (Rires) Alors, le directeur de la programmation de France Bleu m’a dit, avec des pincettes et très gentiment, qu’il aimait beaucoup ce que je faisais et qu’on allait bosser ensemble mais que je n’étais pas une fille qui faisait des refrains. Alors, peut-être qu’une bonne chanson, c’est une chanson à refrain ! Je pense qu’une bonne chanson c’est une chanson que chacun peut s’approprier, en tirer sa propre interprétation.

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Hexagone : Aujourd’hui, bosses-tu à côté ou bien ne fais-tu que de la chanson ?
Garance : Je ne fais que ça. C’est carrément la galère ! (Rires) Je suis au RSA depuis 2 ans, je n’arrive pas à avoir mon statut d’intermittente. En attendant d’arriver à obtenir mon statut, ça me permet de démarcher pour trouver des dates, de bosser mes chansons et c’est cool de ce côté-là de pouvoir vivre comme ça, de pouvoir avoir la disponibilité pour bosser sur des projets, pour pouvoir répéter avec le groupe, etc.

Hexagone : Oui du coup, comment ça se passe pour répéter ? Vous avez un local, quelque chose ?
Garance : Non, ça aussi c’est compliqué, je suis obligée de louer des studios et c’est super cher. Heureusement que je vends des CD à la fin des concerts sinon je n’y arriverais pas.

Hexagone : Ton nouvel album vient de sortir. Qu’est-ce qui va se passer pour toi dans les semaines, les mois à venir ?
Garance : Je ne fais pas de rétro planning. Au jour le jour, je démarche, je cherche des dates pour jouer en solo ou en groupe. Si je jette un coup d’œil en arrière, je me rends compte tout de même que c’est de mieux en mieux de ce côté-là d’année en année. J’ai vraiment envie de jouer le plus souvent possible et ce qui me ravit c’est que plus ça va et plus il y a de belles dates qui arrivent, dans de chouettes endroits avec des gens qui te font confiance. Je vais à Barjac cet été par exemple, je suis super contente.

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