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Pauline Paris : Moureuse

C’est par où Moureuse ? Prends ton GPS, ta boussole, ta carte – du Tendre évidemment – et suis Pauline Paris, elle veut y aller !

 

 

Thomas Pitiot : 1901

A quelques toutes petites encablures du festival Aubercail, c’est le moment idéal pour écouter la profession de foi de l’un de ses principaux protagonistes. Le parfait Thomas Pitiot dans son clip 1901, in situ à Aubervilliers.

Photo Bruno Vallet

 

Jamait : Dimanche

On a relativement peu d’exemples de belles réussites de chansons populaires, réussite dans le sens où le succès d’un artiste n’est pas dû exclusivement à un matraquage médiatique mais simplement à la qualité et la sincérité de ses chansons. Jamait qui s’est fait sa petite célébrité fait partie des ceux-là. Qualité littéraire, humilité, simplicité. Respect !

Thibaut Derien, photographe des sentiments

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

La chanson a cette vertu sans pareille qu’elle rassemble et fait se rencontrer des hommes et des femmes, bref des humains, parfois venus d’horizons très différents. Thibaut Derien, longtemps chanteur avec le groupe Derien puis en solo le sait mieux que quiconque. Ce n’est donc certainement pas par hasard que la série de photos intitulée Sur scène dans une minute ! qu’il présente en ce moment et jusqu’au 26 juillet prochain aux 3 Baudets lui est venue à l’esprit. Cette exposition inaugurée hier montre merveilleusement tout le paradoxe qui réside entre le lien social qui se crée par et autour de l’artiste et la solitude de ce même artiste au moment crucial de passer à l’acte : monter sur scène.

Comme nous le faisions entendre précédemment dans ces colonnes, Thibaut Derien est devenu le « peintre en sentiments » qu’il a écrit et chanté sur son album solo, Le Comte d’Apothicaire. Seulement, aujourd’hui, exit la chanson et le trac du chanteur et place à la photographie qui depuis toujours tient une place privilégiée dans son espace artistique.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Qui mieux que celui qui vient du sérail saurait saisir l’imperceptible sentiment qui se joue dans la tête de celui qui sera sous les feux de la rampe dans 60 secondes ? Car, on a beau dire, pourquoi l’artiste fascine tant depuis toujours ? C’est bien parce qu’il est projeté au-delà des normes du quotidien à ce moment précis dans le fait de s’offrir à une salle venue l’applaudir. Parce qu’il n’est presque plus humain, déshumanisé dans le sens où il est mécanisé et vu comme infaillible par le spectateur. Qu’il joue au Zénith ou au Limonaire, c’est exactement la même chose. L’audience n’entre pas en considération ici. L’artiste a peur. Il a le trac et c’est bien normal. Lui seul pendant cette minute sait qu’il n’est qu’homme ou femme et pas à l’abri d’un trou de mémoire, d’oublier un accord, de s’emmêler les jambes dans les câbles, etc.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Dans les photos de Thibaut Derien, toutes ces craintes et ces questions en creux filtrent dans les regards saisis. Tantôt le regard vif, tantôt les yeux fermés, mais toujours dans un ailleurs. Parfois resté plus d’une heure dans la loge aux côtés d’un artiste, Thibaut a fini par faire oublier sa présence et il a attendu le moment, patiemment, de déclencher le 50 mm. Il en résulte des instantanés à tomber sur lesquels le masque de la peur, de l’attente se lit comme une évidence insoutenable.

Pour présenter ses photos, Thibaut a demandé aux artistes, venus d’univers musicaux différents, d’écrire quelque lignes sur leur ressenti à une minute du grand saut. C’est souvent fort beau et riche d’enseignements. On retrouve un Wally facétieux et fidèle à lui-même, un Imbert Imbert toujours alambiqué, une Clarika pragmatique, etc.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Hier soir, le vernissage de l’exposition s’est conclu sur un concert de deux des protagonistes de la série de Thibaut. Des potes. Mell et Loïc Lantoine. Mell, l’impeccable rockeuse sans diamants mais avec des bagouses et du bagout qui avoue qu’avant de monter sur scène elle « évite les gens car [elle] n’arrive pas à avoir de discussion. » Avant d’ajouter « Je me sens con. Un peu à poil déjà. Je trempe mes lèvres à chaque phrase dans un verre de rhum, me demandant une fois de plus pour quoi je fais ce métier »

Quant à Lantoine, notre Villon à nous, ce frère humain à la voix charbonneuse et aux incomparables élans de générosité, il a mis la salle à ses pieds. Lantoine, accompagné de son seul François Pierron de contrebassiste des débuts et de tous les instants s’amuse de sentiments en sentiments. Du fil du rasoir à celui de la dérision, il émeut et bouleverse à sa guise et l’on a du mal à imaginer et à croire que ce gaillard – tout comme ses confrères – tremble avant de monter sur scène. C’est pourtant ce que montre Sur scène dans une minute ! en près de 50 portraits à voir et à lire et à ne manquer sous aucun prétexte. Vous avez jusqu’au 26 juillet.

 

Minibus, le Polo pour enfants

Minibus Le loup
Minibus Le loup

Les moins jeunes d’entre nous auront slamé aux concerts des Satellites, groupe phare de la scène rock indé emmené par son leader Polo, à la fin des années 80 et au début des années 90.

Ce même Polo qui poursuit depuis la fin de l’activité du groupe – au milieu des années 90 – une carrière solo où qualité littéraire le dispute à l’exigence mélodique, ce même Polo dis-je arrive aujourd’hui dans le paysage de la chanson pour enfants (mais pas que !) avec un projet de plus sous le bras !

Le nouvau né s’appelle Minibus, trio musical accouché de la rencontre de Polo, François (ex-Pigalle) et de la chanteuse clown Gaya.

Le groupe propose aux enfants et à leurs parents des chansons, des films et un spectacle vivant. Le premier morceau s’intitule Le loup et ma fille qui est très exigeante adore déjà ! C’est aussi le premier dessin animé réalisé par Polo et c’est très chouette !

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Chanson : un air de nouveauté

Au mois de juin 2004, en prélude à la fête de la musique, l’hebdomadaire Politis a fait paraître, dans son numéro 806, sous la plume pertinente et subtile de David Langlois-Mallet, un dossier consacré à la jeune scène de la chanson auquel L’art-scène (l’ancêtre d’Hexagone) a eu le plaisir de collaborer. 

Nous le republions dans son intégralité aujourd’hui. Quel intérêt de republier en 2014 un dossier – de surcroît – intitulé « un air de nouveauté » ? Nous nous sommes posé cette question bien évidemment.

Si Hexagone ne rechignera pas à faire part de ses coups de cœur musicaux, son équipe ambitionne également de se frotter aux questions qui touchent de près ou de loin à la chanson. Son rôle dans la société, le rôle des chanteurs, comment exister de et par la chanson, la réception du public et la relation qu’entretient l’artiste avec son public aujourd’hui, etc. Il nous a semblé intéressant pour faire un « grenelle de la chanson » en 2014 de voir l’état dans lequel celle-ci était 10 ans plus tôt. C’est un point de départ. Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? Qu’est-ce qui ne varie pas ? Le numérique et le web ont-ils réellement révolutionné le(s) monde(s) de la chanson tel qu’on aurait pu le supposer ? Sommes-nous allés vers un mieux social et culturel ? Premiers éléments ci-dessous…


UN AIR DE NOUVEAUTE

Un dossier réalisé par David Langlois-Mallet – Juin 2004.

La chanson politique n’existe pratiquement plus. Les textes saignants d’un Brassens ou d’un Renaud appartiennent à l’histoire. Pourtant, à l’écart des succès commerciaux, une jeune scène émerge, qui témoigne à sa façon d’un engagement : celui d’une écriture exigeante, souvent poétique, reliée aux évolutions de la société et proche de son public. Rencontre avec Agnès Bihl, Wladimir Anselme, Nicolas Bacchus et autres troubadours modernes.

couv806Que se passe-t-il pour que cette chanson, qu’on disait ringarde et moribonde, connaisse cette floraison exceptionnelle ? On ne parle pas ici du son des radios commerciales, ni de l’art bourgeois (Delerm, Bruni, Balibar…) qu’on nous impose en boucle sur les radios publiques. Mais d’artistes à l’expression plus puissante, s’ils sont moins connus. Des artistes qui savent nous remuer avec des émotions neuves qui ne tournent pas autour de leur nombril, mais nous parlent de notre commune vie. Nous en avons choisi et rencontré une dizaine, pris dans cette famille que le site www.lartscene.com s’est amusé à définir comme « alternative » ou « pour adultes consentants ». Parce qu’ils apportent du sens, de la tendresse, des idées, qu’ils nous font réfléchir, nous donnent envie de lire et de créer, nous aussi.
Leur reconnaissance artistique étant assurée, leur démarche professionnelle, il faut aussi les distinguer du phénomène d’explosion des pratiques amateur qui voit chaque café qui s’improvise programmateurs de concerts, vite submergés par les demandes sympathiques de jeunes artistes et les CD de « démo » par qui possède une guitare et un ordinateur. « C’est comme pour nos parents qui partaient élever des chèvres et qui, deux ans, après achetaient une voiture à crédit à Juvisy, persifle la chanteuse Agnès Bihl, cela dit, les vrais talents se révèlent aussi, à la faveur d’un mouvement de mode.» Car au delà de la Star’Ac de caf’conc’, il y a un phénomène plus profond dans lequel toute une génération (ou plutôt deux) de jeunes adultes, en délicatesse avec une société où ils sentent leur mode de vie mal représenté, trouvent dans la chanson un territoire vierge, velu, chargé d’histoire, de plaisirs littéraires et d’émotions populaires. Ce public en attente d’un miroir rencontre ainsi de riches artistes qui lui ressemblent et ouvrent des débats sur ses façons d’être. « Il se passe quelque chose dans cette génération, confirme Wladimir Anselme, le retour d’une chanson avec le texte devant. Quelque chose s’est ouvert grâce aux Têtes Raides et aussi, pourquoi pas, parce que la droite est revenue au pouvoir et que d’un coup les gens ont besoin de retrouver une parole. Bien sur… on n’entend pas forcément à la radio que les héritiers de Lautréamont et de François Villon »

« J’ai l’impression qu’avec Internet, les gens se réécrivent et du coup attachent plus d’importance à la chanson, à la poésie et au sens, remarque le chanteur Polo, la scène reprend le pas sur le disque. » Internet, cauchemar des maisons de disques, voilà un nouvel Eldorado pour la chanson autoproduite. Chaque amateur ou artiste y animant à peu de frais un petit réseau de supporters. Comme le dit Bacchus, « cette multitude d’artistes trouve sa légitimité dans le fait qu’elle va plaire à un public moins large, mais que ceux qui seront touchés, le seront vraiment ». Un public qui ne demande pas à celui qu’il applaudit de lui faire rêver d’une vie de star inaccessible, mais plus de proximité : la tribu a son artiste à elle, celui qui lui parle de son monde, celui qui la touche, mais aussi qu’elle peut toucher après le concert… et à qui, en échange, elle donnera un coup de main pour monter un concert ou son site Internet. Grâce à elle, l’artiste (qui se démène), peut tenir le coup. Une précarité de génération, subie et voulue à la fois comme le suggère Babix : « Je suis partisan de l’autoproduction comme de l’autodérision. C’est mieux que de confier son truc à des mecs qui cinq ans auparavant vendaient des cravates et de l’eau de Cologne. Et puis, l’important, c’est de se regrouper, de créer des liens. » Quelque chose entre « une vie rêvée », comme le dit Polo et la survie, comme le dit Sabine Drabowitch : « On survit. C’est nous qui allons chercher les salles, coller les affiches, voir les journalistes, on fait tout complètement seul. Cela prend beaucoup de temps et d’énergie, alors qu’on a cette soif de prendre son stylo. Le disque, c’est comme le bac, cela ne sert à rien seul, mais c’est obligatoire. Comme le dit Travis, “il est grand temps que notre création s’ébruite !” » Un Travis Burki, alias Ü, toujours un peu visionnaire, qui voit une « mutation de la consommation de chanson qui permet à des artistes qui étaient dans une marge poétique et politique de se faire progressivement apprécier d’un plus large public. Un public de plus en plus cultivé. »

encartribuCette jeune scène alternative, c’est une fratrie. Venus de Toulouse comme Bacchus ou de Lille comme Lantoine, ils se sont croisés parfois à Ivry, aux ateliers d’écriture d’un grand de la chanson, (mal) tombé au cœur des années maigres, Allain Leprest. Parfois dans deux bars à chanson, l’Ailleurs, fermé depuis mais qui a impulsé le renouveau des cafés-concerts, et Le Limonaire, sur les grands boulevards, à qui ils doivent le lien avec la tradition. Nourris de Brassens, Brel, Renaud, tous se sentent « très redevables » à ce que Sabine Drabowitch nomme « un héritage merveilleux » viatique pour pratiquer ce métier fraternel dont Lantoine parle, comme toujours, bien joliment : « Le but, c’est de rencontrer des gens, moi, je ne suis pas un amoureux des mots, je suis un amoureux des gens. J’ai un boulot de divertisseur de gens, c’est un beau métier, il ne faut ni chercher l’exploit, ni chercher à plaire. C’est un boulot de chapardeur, on vole des trucs aux gens, mais on ne les leur prend pas longtemps, on leur rend ! » Comme les autres, il avoue prendre le même plaisir aux grandes salles pleines que lorsque vingt personnes le suivaient dans les bars. « Je ne cours après rien d’autre que ce que je fais là. Il y a des fois où l’on peut se retrouver coupé de son public si l’on est trop médiatisé. Et puis il y a une vraie fraternité, une solidarité entre les gens qui font le boulot, on se file des coups de patte, on essaye de se mélanger les publics, c’est un vrai plaisir. » Sur des airs que vous ne connaissez pas encore, revoilà un thème ancien mais bien nécessaire à notre époque : les copains d’abord !

A rebours des idées courantes sur l’époque, ou des clichés sur les jeunes, la poésie représente l’axe de création le plus fort de cette chanson alternative. Une poésie sociale qui prend à pleine rimes la vie quotidienne, sur une gamme qui va d’une solide tradition littéraire à la spontanéité popu, sans perdre le sens de l’auto-dérision. L’écriture est esthéte et un brin dandy chez Travis, d’une grâce onirique et pleine d’élan dans les texte d’Anselme, sensuelle et terrienne dans les chansons de Polo, féminine, rêveuse et confiante pour Sabine Drabowitch, une émotion se fait entêtante pour Babx, enfantine caressante et fragile chez Agnès Bihl, pour exploser dans l’innocence des « chansons pas chantées » de Loïc Lantoine. Si Travis Burki revendique aussi la poésie « comme capacité d’adolescence, une espèce de mal de vivre un peu imberbe ». Babx, y voit « cette dimension d’utopie nécessaire, comme en politique… sinon on passe au FN ».

Pourtant, on ne peut s’empêcher de constater que cette jeune scène paraît moins à l’aise dans la chanson politique que dans la chanson de vie quotidienne, les histoires de relations de couple, qui ont remplacé la chanson d’amour. Ceux dont les tours de chants se construisent autour de l’agitation d’idées, héritiers revendiqués de 1968, comme Agnès Bihl ou Nicolas Bacchus, ne se débinent pas. « Mettre en mot les choses politiques devient difficile, reconnaît Bacchus. On ne peut plus chanter, comme à une époque, c’est malheureux le malheur, la guerre c’est mal, ou même taper sur les flics, comme Brassens dans Hécatombe. Certaines personnes n’ont plus de repères et ne font plus la différence entre une chanson et la réalité. On demande au chanteur d’être responsable. Il doit répondre à des exigences contradictoires, ne pas prendre les gens pour des cons et donner les clefs pour qu’il n’y ait pas d’équivoque. » Agnès Bihl préfère parler de ses « chansons de colère, sorte de chansons d’amour vues de l’autre côté, comme Merci papa merci maman, mais, pour les écrire, je pense à des gamins qui n’habitent pas dans mon micromonde, c’est un sentiment qui vient de plus loin ». Mais le pouvoir corrosif de leurs chansons pâtit aussi du verrouillage médiatique. Si l’Enceinte vierge d’Agnès Bihl ou les allégories homo de Bacchus passaient à la télévision aux heures de grande écoute, plutôt que dans une petite salle toute acquise, on imagine le tollé…

Les chanteurs les plus nourris de poésie trouvent dans le quotidien une grande force d’évocation. « Je trouve plus efficace de faire passer un message humain, donc politique, estime Wladimir Anselme, comme dans la chanson de Lantoine, Imagine si Magyd s’en va, et nos rêves, qui les boira ? On a tout regardé mon grand frère sans papiers, on a rêvé tous les mélanges, je n’aurais jamais parié qu’un jour on t’dirait qu’tu déranges. » La poétique Sabine Drabovitch partage ce point de vue : « Quand on regarde les textes de Wladimir ou Travis on sent un souffle de questionnement de la société : qu’est-ce qu’on fait ? Où on va ? Comment on se rallie à quelque chose ? Mais aujourd’hui on n’a pas les cartes en main pour écrire une vraie chanson politique, alors on l’aborde par le quotidien ou par le surréalisme. ». Travis Burki répond ainsi à la question : « Nous avons hérité des choses extrêmement fortes des générations précédentes. Pour cette raison, nous ne pouvons rien faire d’autre qu’être une génération qui parle d’elle-même. Nous sommes des aèdes de transition… » Une génération a repris la chanson pour se construire ses représentations du monde, mais reste consciente qu’elle n’a pas vécu de moments historiques assez forts pour créer ses mythes politiques. À moins qu’à l’image d’un Thomas Pitiot, connu comme le loup blanc tout au long de sa ligne de tramway du 93, elle ne pousse ses idées au bout. Celui-ci, sacré personnage, non content de relier, dans sa musique, l’héritage classique de la chanson et la culture métissée des banlieues, a poussé jusqu’à être élu (PC) son engagement de griot politique. « J’ai besoin de vivre ma démarche d’autoproduction, mes engagements associatifs et politiques pour avoir quelque chose à dire », dit-il. Vivons-nous le temps des troubadours communautaires ?

David Langlois-Mallet


LES SEPT FAMILLES DE LA NOUVELLE CHANSON

1 – Tradition littéraire
Héritière de Charles Trenet, cette famille séduit un public aux exigences littéraires marquées.
Céline Caussimon, Nicolas Jules

2 – Bo-bo
Espèce de nouveau riche qui ne s’assume pas, qui porte une vision nombriliste de la société, la trentaine et tout à l’égo, situation financière au beau fixe planquée par un look de pauvre. Aime être dans le vent.
Bénabar, Vincent Delerm, Thomas Fersen, Carla Bruni

3 – Ados qui se cherchent une identité politique
Pour la plupart, encore entre le Biactol et la voix qui mue, on ne dira pas de mal des jeunes mais on s’interrogera sur la sincérité des groupes et chanteurs qui les racolent.
Mickey 3D, Saez

4 – Rock indé
Portée par une musique rock aux propos contestataires et frontaux, cette scène – dont on peut voir la paternité en la Mano Negra, les Bérurier Noir, Zebda ou Noir Désir – séduit un public plutôt jeune de niveau social moyen qui aime faire passer son engagement par la fête.
La Ruda, Big Mama, les Caméléons

5 – Chanson-rock indé
Similaire à peu de chose près à la scène rock indé, cette catégorie fait toutefois le lien entre chanson de tradition et rock contestataire. Elle touche une tranche d’âges plus large.
Têtes Raides, Ogres de Barback, Léoparleur, La Rue Kétanou, Hurlements de Léo

6 – Branchée Inrocks
Individu souvent prétentieux au dandysme exacerbé, british touch, veste en velours et large mèche sur le front. Situation professionnelle confortable.
Benjamin Biolay, Keren Ann, Cali

7 – Chanson pour adultes consentants
Assurant une relève contemporaine des Brassens, Brel, Ferré, Bruant, Vian, Renaud, Font et Val, la chanson alternative actuelle intéresse un public de tous âges, sans profil type hormis celui d’un goût certain pour la belle Lettre, d’un intérêt revendiqué pour la société, la politique. C’est un public adepte de la chanson active, du spectacle vivant.
Nicolas Bacchus, Agnès Bihl, Les Malpolis, Travis Bürki, Thomas Pitiot

Etabli par le site lartscene.com


PORTRAITS CHANTES

Poétiques, parodiques, vachards ou sentimentaux, les textes revêtent une importance capitale pour ces chanteurs. Le meilleur moyen de faire leur connaissance, c’est encore d’écouter ce qu’ils nous chantent. Morceaux choisis.

bihlAgnès Bihl
« J’avoue c’est vrai, j’t’ai fait du mal, Un mal de chien dans mon jeu de fille, Mais qu’ten profite pour t’faire la malle, J’trouve ça mesquin et trop facile ! () Mais si t’étais moins égoïste, T’oublierais la peine que j’t’ai fait Si j’t’aimais d’amour et douche froide, Au moins j’t’aimais de quoi tu t’plains () C’est pas mon genre d’faire du chantage, Mais si m’jettes, je fais pareil, Même que s’ra du 6ème étage, Y’a pas d’menaces, y’a qu’des conseils ! »


baazizBaaziz
« C’est pas l’homme qui prend la merde, c’est la merde qui prend l’homme, moi la merde elle m’a pris je me souviens j’étais p’tit. J’ai troqué ma djellaba, mon burnous un peu zone Contre un petit cabas et un billet pourl’hexagone J’ai déserté les crasses qui me disaient soit prudent, La France c’est dégueulasse les arabes vivent dedans. Dès que le Pen décidera je repartira, Dès que Sarko le voudra nous nous en allerons »


babx2Babx
« J’ai le coeur qui larsen, J’ai l’amour qui gangrène, Tout ça parce qu’un Arsen, Lupin de mauvaise souche, Un beau jour en mitaine, M’a ôté l’pain d’la bouche, Moi j’ai l’coeur qui larsen. J’ai le coeur qui larsen, J’ai un jack un peu louche, Qui grésille et qui gueule, Quand j’aperçois ta bouche, Et pour pas réveiller, Les voisins d’à côté, Je mets un peu de laine, Dans mon coeur qui larsen »


lantoineLoïc Lantoine
« Les cheveux de ma soeur, capturés par ma main, Fallait pas qu’elle m’embête, là faut qu’on se console, Son sourire sous ses larmes, j’lui dirait que j’l’aime demain, En attendant frangine, nos joies creusent des rigoles. Les dix balles à bonbons piqués à ma maman, A la bourse de l’amour font une fortune d’un rien ».


bacchusNicolas Bacchus
« Non Madame cette nuit là, non ton fils n’a pas dormi, avec les filles, non Madame cette nuit là ton fils à dormi avec moi. Pleure pas, jolie Madame, ton gars choisit sa vie, Vapas en faire un drame, Ton môme, je l’aime aussi, Et pas la peine de me chercher A la gay-pride, dans ta télé, J’passe pas ma vie à m’planquer, J’ai pas b’soin d’un jour pour m’montrer (ni d’une chanson d’ailleurs) ».


poloPolo
« S’il faut que l’on parle des filles, il faut que l’on parle au passé. Moi, j’aurais toujours une pensée pour celles qui m’ont vu passer le long des routes et sur le bord des fossés. Elles chuchotaient sous le vent, elles discutaient du beau temps alignées comme des quilles. Jeune famille de jonquilles et moi j’en faisais des bouquets. J’en pinçait pour la botanique, que voulez-vous je suis un homme, qui aime les fleurs ».


drabowitchSabine Drabowitch
« J’ai survolé ta superficie dans mon vélicoptère J’ai mesuré tes zones de folie Supposé tes frontières. Je t’ai surpris bavant des rivières sur des terres de faïence Crachant des catastrophes ordinaires. Engloutissant nos chances Pardonne-moi je suis géographe, Et tu es mon espace vierge Je t’apprends je te veux je t’agrafe Je te projette je te gamberge Mais toi dans tout ça je ne sais toujours »


pitiotpetitThomas Pitiot
« J’parle pas la langue de Molière, j’suis un prolo gentilhomme, Pourtant j’aime les belles rimes, les tirades qui résonnent, Et les mots qui m’animent, les mots qui m’plaisient, J’suis loin de les avoir enregistré à l’académie française, Si ça cornegidouille autant que ça bédave, Vive la rencontre lexicale du ciel et des caves, Y’a des mots épicés, des mots glacés, Dans le mixtionner qui me sert à voyager ».


travisburkiÜ Travis Burki
« Mon nez toujours droit me précède ainsi qu’un animal de compagnie flairant avec une parfaite acuité la nature des lieux où j’accède comme le tien le sien les leurs sans nez pas de considération d’odeur pas ou très peu ou beaucoup moins de fleurs seraient vendues chaque année phare du visage fardé ou non dans l’alignement de l’axe front menton nu le nez fend l’air et l’horizon courbé busqué il peut être aussi aquilin mouché quand il le faut on peut se le curer à huis clos entre eux les nez s’effleurent en baisers d’esquimaux souvent nombreux renient leur nez ils donnent leurs mains à couper s’embrassent à bouche que veux-tu en dormant sur leurs deux oreilles… »


anselmeWladimir Anselme
« Tu connais mes airs d’y toucher, Tu décryptes à cent bornes mes feulements annonciateurs, quand je te pousse, Quand je te presse dans l’escalier, Que je lance mes sonars pour le manque, Des stimuli féroces, des youyous, des taïaut,  Quand il me pousse des gros sabots, Avec mes yeux de chien navrant, Mes warning et mes clignotants, Tu les sens dit, mes mauvaises intentions ? »


 ENTRETIENS

« Un divorce entre la qualité et le succès » David Desreumaux est l’un des animateurs du site lartscene.com, la référence en matière de jeune scène. Il analyse les nouvelles tendances de la chanson.


dautresvoixQuel regard portez-vous sur le renouveau de la chanson ?
David Desreumaux :
Du côté des artistes comme des publics, les nouvelles technologies entraînent un renouveau de la chanson. Parce que l’on peut fabriquer un album assez facilement et à peu de frais, on touche un phénomène qui côtoie celui des pratiques amateurs. L’offre augmente de jour en jour, même si les cafés-concerts restent peu reconnus et très précarisés. Internet joue aussi un rôle important, parce que les artistes deviennent les animateurs d’un réseau, où se mêlent les solidarités amicales et professionnelles. Cela permet aussi à de nouveaux médias, comme le nôtre, d’exister. Médias et artistes, dans une même autoproclamation de leur activité, se placent en usurpateurs mais trouvent leur légitimité dans leur passion, les compétences acquises et le fait qu’ils sont les seuls ­ ou presque ­ à se pencher sur cette jeune scène. La presse traditionnelle demeure dans un consensus mou vis-à-vis de la culture, portant des louanges systématiques à tous les artistes qui franchissent la barrière de la notoriété et ignorant les autres. Les radios ­ service public en tête ­ accordent une place limitée à la « nouvelle scène » (NS). Les play-lists sont des listes de connivence commerciale qui réduisent les chansons à l’antenne à quelques succès passés en boucle : Delerm, Miossec, Bruni Pour ne rien dire de la télévision, outil de propagande de la musique commerciale qu’elle fabrique. Pour nous comme pour ce public, être un peu plus curieux, c’est aussi une forme de résistance !

Comment définiriez-vous cette nouvelle scène chanson ?
La nouvelle scène est une sorte de label de qualité, mais ce label est parfois galvaudé. De même qu’il existe une chanson commerciale et une chanson liée à un travail artistique, il existe une chanson politiquement passive et une chanson active. On observe, à de rares exceptions près (Thomas Fersen, par exemple), un divorce entre la qualité et le succès. Beaucoup de talents ne sont pas reconnus, mais, aussi, la machine commerciale broie ceux qu’elle a choisis. Nous nous sommes amusés à distinguer sept familles de chanteurs (voir encadré). Une nous paraît particulièrement intéressante, au carrefour de ces exigences artistique et politique, on pourrait la qualifier de « jeune scène alternative ». Celle que le chanteur suisse Sarclo appelle « la chanson pour adultes consentants ». La NS alternative se situe dans un héritage contestataire. Elle puise beaucoup chez les trois grands (Brel, Ferré, Brassens), mais aussi chez Renaud, qui a ouvert la voix de la simplicité populaire contemporaine. Si elle est héritière également de la tradition des chansonniers ­ aujourd’hui quasiment disparus ­, elle se place dans un discours moins frontal mais est capable d’exposer bien mieux certains aspects de la société que ne le ferait un sociologue.

Qu’est-ce qui fait son intérêt ?
Elle se fait l’écho d’un système de valeurs, celui d’un spectacle vivant qui se déroule en bas de chez soi, dans un bar, dans la rue. Elle initie au plaisir de partager un spectacle et des idées, ensemble autour d’un verre et d’une clope, loin de la télévision. Dans sa forme même d’expression, la scène alternative représente un apport crucial dans une période où tout est centré sur l’ego. Elle contribue à réinjecter un regard et des pratiques sur notre vie en société. Cette chanson doit élargir le mince espace dans lequel on la maintient recluse. On espère qu’elle bénéficiera du mouvement enclenché par d’autres types de chansons, les succès aussi différents que ceux des militants Têtes raides ou du piano-voix de Vincent Delerm. Beaucoup des acteurs de la nouvelle scène, reconnus artistiquement, ne connaissent pas de succès commercial. La pierre d’achoppement est peut-être là. Tant que 
le succès commercial restera ­ à de rares exceptions près ­ inversement proportionnel à l’intérêt artistique d’une l’œuvre, on restera sur le Radeau de la méduse.

Propos recueillis par David Langlois-Mallet


« Contre l’économie, pas contre la morale » Roxane Joseph est la créatrice du Festival de chanteurs autoproduits « TaParole » et programmatrice pour la salle des Trois-Frères, à Paris. Pour elle, l’engagement des chanteurs est aujourd’hui dans leur système de production plus que dans leurs textes.


Une chanson « dégagée » a-t-elle succédé à la chanson engagée ?
Roxane Joseph :
Il n’y a peut-être plus de chansonniers politiques comme ont pu l’être Font et Val. Mais il y a autre chose. Notre génération se cherche, elle est en pleine création d’une identité. Je pense que l’engagement le plus subversif aujourd’hui est de vivre selon son éthique politique dans son boulot. En ce sens, la chanson est un métier qui cherche à intégrer son éthique au monde : exigence relationnelle, exigence de vie, propositions. La jeune scène de la chanson alternative n’est pas dans une critique frontale, cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas engagée. Je pense que la forme d’engagement de Lantoine correspond bien à ce qu’est l’engagement dans le texte aujourd’hui. Il est dans la finesse, dans la délicatesse. « Imagine, si Magyd s’en va » Sans être revancharde, cette chanson est incontestablement engagée.

Comment se définissent ces nouveaux engagements ?
Notre génération n’a tout simplement pas les mêmes repères que les générations de Ferré ou de Renaud. La donne politique a évolué, s’est transformée. On n’a plus de cadres stricts, d’interdits. Il n’y a pas une censure de l’État, de la famille ou morale. Tout cela est éclaté. Aujourd’hui, les interdits, c’est-à-dire ce qui censure ces artistes-là, c’est le commercial, le monde économique. Aussi, la subversion et la lutte sont contre l’économie, pas contre la morale. Dans ce sens, il n’y a pas plus engagé que les Ogres de Barback. Ils n’ont pas de textes pamphlétaires. Mais, avec un fonctionnement autoproduit, autogéré, autofinancé, ils ont monté un système alternatif. Ils ont leurs propres moyens de diffusion, leur chapiteau, ils fabriquent leurs disques et sont dans les meilleures ventes. Ils sont plus forts que des majors. C’est une utopie réalisée.

Propos recueillis par David Langlois-Mallet

Photo de Une : Babx par RockNfool

Reno Bistan : L’amour et la cuisine

Se mettant souvent en scène sur fond d’autodérision, Reno Bistan écrit très bien mais sait aussi faire L’amour et la cuisine !

Reno Bistan / L’amour et la cuisine par oudinit

Frédéric Bobin : Des corps

Voici un garçon qui a réussi, dans un pays qui y est quelque peu hostile ou/et qui ne le porte pas spécialement dans ses gênes, qui a réussi donc à conjuguer chanson française, pop, rock, engagement et qualité littéraire. Chose très et trop rare… Un garçon rare donc.

 

Photo Jérémie Kerling

Hexagone, note d’intention

Alors, Hexagone, c’est quoi ? Hexagone, c’est qui ?

Lily Luca
Lily Luca

Cela va sembler étrange mais pour parler d’Hexagone, le nouveau mag sans papiers de la chanson, il faut commencer par en parler au passé. Il faut remonter à une époque lointaine mais pas tant que ça où l’équipe du présent mag œuvrait pour un site connu sous le matricule www.lartscene.com.

Le but de L’art-scène était de promouvoir chanson, rock et toutes formes culturelles peu relayées par la critique institutionnelle et d’y injecter une dose de passion et de militance sans quoi rien ne se fait. Peuplé exclusivement de bénévoles et sans aucun fonds publics, le machin a vécu et bien marché mais dans toutes les belles histoires il faut connaître une fin ou tout du moins une interruption pour goûter la saveur de ce que l’on a perdu. Les projets personnels des uns et des autres ont mis entre parenthèse cette belle aventure.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis mais – tu le sais lecteur puisque tu lis ces lignes – lorsque l’on est piqué par le virus de la chanson, il ne faut pas chercher à chasser le naturel car il revient toujours en moto. Si bien qu’aujourd’hui nous voici de retour  avec une détermination réaffirmée qui se concentrera sur le milieu de la chanson et à sa proche périphérie.

pin-hexagoneRevenir pour quoi ? Par passion comme je disais à l’instant mais aussi et surtout par militance, par envie et besoin de s’investir dans un projet qui – sans que cela soit prétentieux – se révèle utile. Si c’est pour ne servir à rien, autant ne pas exister. Utile donc à ceux à qui ce site est destiné. C’est à dire aux lecteurs bien sûr en quête d’autre chose que la grande consommation, donc à toi là tout de suite qui te gausses peut-être de mes mots, mais aussi utile aux artistes de la chanson en essayant d’être pour eux une fenêtre de visibilité, un écho complémentaire aux très bons relais déjà existants (Nos Enchanteurs, FrancoFans, etc.), un maillon d’une chaîne solidaire.

Notre travail, le vaste travail qui s’offre à nous sera donc – au-delà de l’information – de réfléchir aux formes que cette envie de servir peut prendre. Et de les mettre en œuvre. Un vaste chantier est à nos pieds, n’attendant que nos bonnes volontés pour participer à une manière d’oeuvre sociétale et intellectuelle. Complexe mais passionnant.

Agnès Bihl aux Bouffes Parisiens

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agnesbouffesOui, tu as bien lu lecteur. Le 26 mai 2014 à 20h30, Agnès Bihl s’offre le velours rouge et le cadre somptueux du théâtre à l’italienne des Bouffes Parisiens. Dans ce lieu d’exception inauguré par Offenbach en 1855 qui a vu défiler quelques pointures – Cocteau entre autres – la Bihl déboule en live pour présenter son nouveau spectacle 36 heures de la vie d’une femme (Parce que 24, c’est pas assez).

Une belle date à ne pas rater.

Viens-y et ramène tes amis !

 

Les Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 PARIS

Réservations :
Tél : 01 42 96 92 42
Fax : 01 42 86 88 73

Photo Stéphane de Bourgies