Une photo noir & blanc, floue, un peu cramée. Crédit Clément Deuve. Extérieur nuit. Gros plan sur le personnage principal, la clope à la main et le regard ailleurs. Le personnage principal sur ce cliché qui donne le ton du disque, c’est Bastien Lallemant. Il prend la pose pour son nouvel album intitulé La maison haute, sorti au début du mois de mars. Un petit bijou.
Lors du précédent Verger, paru en 2010, Bastien Lallemant avait séduit par un sens littéraire qu’il creuse au fil de ses saillies discographiques. Depuis son groupe des Joueurs de biques qui officiait dans les années 90, en passant par l’épreuve initiatique en solitaire des Premiers instants en 2003, puis sur Les érotiques en 2005, cet auteur compositeur interprète n’a de cesse de mener plus avant une manière de quête littéraire, d’expérimentation des possibilités en matière de chanson. Mêler ambiances de roman, cinématographique et chanson.
Durant les 5 années qui séparent Les érotiques de La maison haute, Bastien Lallemant n’a pas joué l’oisif. Il a créé les siestes acoustiques notamment. Une expérience à nouveau, une sorte de concept où la chanson et la lecture se mêlent alors que le public est invité à s’allonger pour apprécier les artistes qui se succèdent sur la scène. Dans une ambiance minimaliste et apaisante.
Apaisant, je ne sais si l’on peut qualifier La maison haute de la sorte, en revanche minimaliste lui colle plutôt bien. Dans cette bicoque haut perchée, on croise le fantôme de Melody Nelson de Gainsbourg alors que les fulgurances retenues de Dominique A ne sont jamais bien loin.
Cette Maison haute est non seulement un prolongement des siestes mais certains morceaux de l’album y ont vu le jour. Ces siestes ont imposé un climat et une esthétique que l’on retrouve sur tout cet album. Album-traversée de douze titres d’une beauté et d’une grâce scandaleuses. Complices des siestes, J.P. Nataf et Seb Martel ont réalisé l’objet. On y croise également Françoiz Breut.
Album en noir & blanc, album d’ombre et de lumière (Les ombres, Longue nuit, L’ombre, Ronde de nuit, etc.), pour des histoires écrites en mode éco-chic. Où les images mettent tous les sens en éveil. C’est une sieste éveillée, une prise de conscience du corps. Pas un mot ne dépasse. Pas un poil de graisse. C’est juste le nec plus ultra de la langue. Bastien Lallemant semble s’amuser à rouler le vocable en bouche, de sa diction parfaite, grave et mélodieuse. Sur des mélodies dépouillées et délicates, il livre avec La maison haute un modèle de chanson d’aujourd’hui. Résolument moderne et séduisante. Un aboutissement littéraire et mélodique haut perché, comme sa maison. Classieux aurait dit Gainsbarre.