Il y a des jours comme ça, où dans mon cartable à bons mots, il n’en est pas de suffisamment balèzes pour décrire ce que j’ai vécu. Je pourrais dégainer du vocable super poli et recherché mais ça collerait pas vraiment à la soirée vécue, ce lundi 3 février aux Trois Baudets. Je pourrais alors me rabattre sur la jactance dont je raffole, à base de mots fleuris, une jactance qui fait saigner les oreilles des grenouilles de bénitier, mais ce serait pour le coup un peu trop. Non, je galère comme un damné à trouver le bon ton parce que lundi, je me suis fait balader de chorus en syllabes sans rien voir venir. Ou presque.
Comme c’est la règle dans l’écurie du boulevard de Clichy, trois artistes se sont succédé. Le premier à passer, je te le donne en mille, tu sais que notre petit cœur hexagonal bat très fort pour lui, c’était Gauvain Sers. Je n’en fais pas des caisses sur sa personne aujourd’hui, je te laisse aller relire mon engouement pour cézigue ici ou là. Et même ici. Mais sache quand même que depuis l’automne dernier où je l’ai vu sur cette même scène, l’animal a bien progressé. Il gagne en assurance, il s’impose progressivement. Celui-là, ce Gauvain, j’espère qu’il n’a pas le vertige parce qu’un jour tu le retrouveras tout en haut de l’affiche, avec sa casquette en velours côtelé marron et sa Gibson J45 en bandoulière !
Le second passage de la soirée : Léopoldine HH. Sympa, fille douée musicalement, dans la veine Camille mais je passe rapidement n’ayant pas été séduit plus que cela malgré de réelles qualités et du talent. Non, ex-æquo avec Gauvain, le gros smash de la soirée, c’est Emilie Marsh. Putain, quelle classe ! J’avais dit que je dirais pas de gros mots mais le naturel revient au galop aux Trois Baudets. Je l’avais vue en passage éclair au FestiVal de Marne, en octobre dernier, et j’avais déjà été séduit. Elle n’avait cependant joué que 4 chansons, accompagnée par Etienne Champollion au piano, de quoi laisser sur notre faim plutôt que notre fin. Un goût de trop peu, pour sûr !
Lundi soir, Emilie était en formule étendue. Toujours Etienne au piano et clavier, puis Mathieu Chrétien à la batterie. Comme me le confiait Geneviève Morissette à l’issue du spectacle, « ça apporte beaucoup « les drummers. » On dit sûrement comme ça au Québec je crois. Et ô que oui qu’elle a raison Geneviève. Puis, à la guitare, mademoiselle Marsh. Ouais mais attends, pas n’importe quoi comme gratte : une Duesenberg. Dis-moi sur quoi tu joues, je te dirai qui tu es. Ben, je te le dis, Emilie, c’est une fieffée rockeuse ! Sans diamant parce qu’elle a du goût en plus ! Blanc flamboyant la D, son rond et chaud, ça te perfuse direct comme un opiacée en vente légale mais hyper addictif.
Tu te souviens du premier album d’Emilie, La rime orpheline ? C’était bien hein ? Ben t’oublies maintenant. Emilie a gravi une marche avec ce nouveau spectacle, Goodbye Comédie. Parce que bien sûr qu’il faut ici parler de spectacle, tant tout est mené par un fil conducteur. C’est l’ombre de Patti Smith qui plane au-dessus de la scène. Période Horses. D’ailleurs, la référence est assumée et l’hommage consommé sur Lady electric. « Dans tous mes rêves je te ressemble / J’ai ta verve et je suis ton exemple / Je n’ai pas peur d’cracher par terre / D’crier au monde que je suis en colère / J’veux pas être belle / J’veux pas être fragile / Je veux ta gueule et je veux ton style. » Le verbe et la posture sont rock, la longue et éclaboussante chevelure a troqué son noir pour un rouge élégant, l’évocation de Blake et Rimbaud, tout te dis-je renvoie à l’icone new-yorkaise. Une forte sensualité en plus. Parce que l’on peut parler chanson et rock, on n’en reste pas moins homme et perméable au charme. Et là, mon pote, t’es servi !
Le rock, c’est l’énergie. C’est l’urgence à vivre. C’est aussi le refus des conventions et la négation du rôle que la société patriarcale veut faire jouer aux femmes. En réponse, toujours dans le sillon de l’auteure de Just Kids, Marsh attaque un Antisensuelle musclé qui peut être lu comme un manifeste. « Avant j’étais dans les clous / Bien calée sur tes genoux / Agenouillée à ta botte / Je pissais dans ma culotte / Et alors, j’étais fière de ça / Réglementée tous les mois / Missionnaire aux joues tendues / Merci mon petit Jésus / La prière, ça n’a rien changé / La misère, ça a tout changé / La nuit je n’ai plus de rêves / Je dors sur une plage de mazout / Je suis un chien sur le tapis / Quand on me corrige je dis merci / Mon mari me dégoûte / Mais je suis bien sur ma plage de mazout / Je suis anti antisensuelle / Anticorps anti moi-même / Anti caractérielle / En tirant sur la corde » pour finir par un « Je suis anti personnelle. » Explosive cette fille.
Sur la scène, Emilie Marsh est traversée par cette rock-électricité, elle électrocute, s’exécute et exécute. Comme un félin, elle sort les riffs, elle bondit de cour à jardin avant de disparaître en coulisses et de faire son salut, tapie dans l’ombre. C’est beau, c’est élégant, c’est raffiné, brutal et viscéral à la fois. Marsh c’est la rage aux tripes dans un écrin de velours. C’est beau je répète, c’est grand, ça te fout le bide en vrac. Et c’est pas de la comédie.
Les photos, t’as vu, elles sont pas très grandes. Clique dessus, elles vont s’agrandir.
La vidéo, tu mets la qualité en HD, c’est plus beau.
C’est clair qu’elle envoie, nous file le frisson avec les sons, les textes, et les postures. Découverte à l’Espace Jemmapes sur des reprises de Gainsbourg, puis pour un showcase pré-3 Baudets, on a pas fini d’entendre parler d’elle. Merci pour l’article qui donneras envie à d’autres de la suivre! Nous en tout cas, on est pendu à ses rifts 😉
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