Radio Elvis & Maison Tellier au Pan Piper

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Dessin Le Mad
Photo David Desreumaux (Festival Taparole 2014)
Photo David Desreumaux (Festival Taparole 2014)

Radio Elvis a été adoubé « révélation de l’année 2014 » par moult médias pour son premier EP et la tournée qui a suivi, mais manifestement il reste tout de même à convaincre quelques récalcitrants parmi le public du Pan Piper… Les deux jeunes godelureaux qui envahissaient mon espace sonore – et néanmoins vital – en commentant après coup leur set, binouze en main et air blasé de rigueur, dégoulinaient littéralement de ce scepticisme éminemment parisien.

– « Pas trop mal, le truc avant… Mais ça correspondait pas… » assène le premier, avec un sens de la formule à rendre vert de jalousie un chroniqueur des Inrocks.

– « Ouais, le chanteur se la pète… » éructe l’autre.

Et ce dernier d’enchaîner sur les prouesses sexuelles qui l’avaient occupé durant tout l’après-midi, suscitant tour à tour envie et incrédulité chez son compère.

– « La troisième fois, j’étais limite sur les genoux… Cette fille, c’était d’là viande, je t’jure, jamais vu ça… »

Assurément ces deux là, probablement échappés d’une quelconque école de commerce, avaient bien intégré leurs fondamentaux ; le respect d’autrui – a fortiori de la gent féminine – « c’est définitivement un « truc » has been, tu vois… ». Ils avaient donc fort peu de chances d’être réceptifs à l’élégance de la prestation de Radio Elvis, ce 19 janvier. Et encore moins faire la différence entre ce qui relève sur une scène, d’une attitude de poseur et de l’élégance naturelle…

radio-elvis-ypgsIntello, Pierre Guénard, avec ses lunettes à la Elvis Costello et sa chevelure savamment hirsute ? Certes, mais pas que… Sous la surface carrelée de références littéraires – London, Saint-Exupéry, Fante – le musicien existe bel et bien, environné de figures tutélaires assumées et digérées. Il reconnait volontiers l’influence d’un Dominique A ou de Jean-Louis Murat et même s’il n’a pas connu les années New Wave, ses riffs de guitare sonnent curieusement comme à Manchester… Bien épaulé par ses deux complices – Manu Ralambo et Colin Russeil, respectivement basse-guitare et batterie-claviers – ce jeune turc de la chanson rock « à la française » dégage une belle aura sur scène. Le phrasé est clair et la voix tout à la fois limpide et habitée colle parfaitement à des textes un brin mélancoliques. La silhouette longiligne se fait souple, nerveuse sur scène mais sans excès. La main gauche quitte de temps à autre la guitare, médiator pointé vers le public comme pour l’inviter à le rejoindre dans ses pérégrinations « géopoétiques ». Dès le premier titre, Radio Elvis nous transporte en haut des pyramides, mais nous embringue surtout dans des aventures, ses traversées. Continent, morceau fleuve pas si tranquille, évoque l’attente fébrile d’un Capitaine Cook et de son équipage pour un rivage, une terre, promesse de conquêtes.

Au beau milieu de ces périples maritimes, qui sont autant de voyages intérieurs, Guénard s’offre une escale tout en douceur en invitant la chanteuse Robi pour un duo sur Elle partira comme elle est venue. Et en concluant son set par Goliath, il délivre un véritable tribut aux mannes d’un autre amoureux du verbe, le regretté Alain Bashung.

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Photo François Berthier

Radio Elvis nous a conté des histoires des mers lointaines, mais quelque chose me dit que la Maison Tellier qui lui succède, vont eux nous faire tout un film… La nappe sonore qui envahit la salle, succession de choeurs étranges, voire un rien dérangeants, installe l’ambiance. Helmut Tellier et ses frangins rentrent sur scène dans une semi-pénombre. On ne distingue d’eux que leurs silhouettes rougeoyantes en contre jour lorsqu’ils attaquent La maison de nos pères et d’entrée on est transporté dans un univers sonore proche de l’envoûtement. Duo folk guitare/banjo et rythmique contrebasse/batterie en appui d’un chant aux accents orientaux et surtout une trompette qui surgit de nulle part… Pas de doute, je suis dans Twin Peaks ! A moins qu’avec le morceau instrumental qui suit, véritable hommage au western spaghetti, je ne sois chez Leone… Et puis non finalement, je suis Sur un volcan et pas tout seul, au vu de tous ceux et celles qui reprennent le refrain, le ton est donné ! Ça se remue côté public ; mes deux jeunes couillons de tout à l’heure en sont, bramant et applaudissant à rendre jaloux un élan et une otarie en plein coming-out.

Les titres se succèdent, maintenant la cadence ; Les beaux quartiers, Loup blanc et ses choeurs qui donnent le frisson, L.O.V.E.B.O.A.T, Prison d’Eden et son cor d’harmonie… Helmut se la joue pince sans rire entre chaque morceau, se moquant en toute complicité de ses frères de son. Un petit break acoustique et intimiste avec Exposition Universelle et hop, on repart dans le country western avec notamment La Peste. Pas effarouché pour deux sous par des paroles résolument mortifères, le couple devant moi se laisse aller à jouer de la main palpeuse, prenant au pied de la lettre l’invitation à aimer son prochain mais en oubliant la contre indication de loin… Ils se déchaîneront plus tard sur un Petit lapin, résolument grunge. M’étonnerait pas qu’ils filent un mauvais coton ces deux là…

Extraits de répliques de films, orchestration aux petits oignons, harmonie impeccable des voix… Un concert de La Maison Tellier, c’est vraiment du bel ouvrage d’artisans, du chef d’œuvre de compagnons… de la chanson rock !

Dessin de Une : Le Mad

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