On ne va pas y aller par quatre chemins. Elie Guillou est un de nos coups de cœur de la rentrée. Son nouvel et second album, Chanteur public, paraitra le 21 octobre prochain et l’objet séduit à plus d’un titre.
Mais parlons déjà du gaillard, et de la conception qu’il a de son métier, car rien n’est banal chez Élie. Voilà trois ans qu’il a remis au goût du jour la pratique moyenâgeuse de la chanson sur commande. Mais quand ménestrels, trouvères et troubadours mettaient leur art de l’amour courtois au service d’un seigneur, Élie Guillou démocratise la fonction ! Il invente le Chanteur Public, d’où le titre de son album. Les commandes n’émanent plus des puissants argentés mais du peuple, du tout un chacun. On est aujourd’hui, signe des temps, davantage dans la prestation de service. Elie agit en sous-traitance. Vous avez besoin d’une chanson pour célébrer une naissance, déclarer votre flamme, avouer un mensonge prescrit à votre mère ? Appelez Élie Guillou, il mettra sa plume, sa guitare et sa voix à votre service. C’est aussi simple que cela.
Élie Guillou n’en est pas à son coup d’essai en matière de projets détonants, de détournements de la forme communément admise de la pratique de la chanson. En 2009, il a rallié Paris à Brest, à pieds, en l’espace de 30 jours. Trente étapes qui étaient à chaque fois ponctuées par un concert, dans un lieu différent : bars, maisons de retraites, piscines, balcons, salons, clubs de sports, stations-services.
Il est aussi le créateur du Lavomatic Tour. Il s’agit d’une scène ouverte dans les laveries. Le principe est simple et encore une fois, très démocratique. Une fois par mois (à Paris, Avignon, Le Havre, Bruxelles, Rennes, etc.), des participants de profils variés viennent partager leur création, le temps d’un cycle de machine. Je ne sais pas si ‘on peut ravoir à la machine les sentiments mais le pari d’Élie, de faire se mélanger chanteurs, comptable, caissières ou autres bûcherons est réussi ! La seule règle de rigueur : apporter une chaussette pour la machine collective !
Cet album à paraître est l’assemblage de commandes honorées par Elie Guillou. Dix demandes qui parlent tantôt de naissance, d’enterrement, de déclaration d’amour, de fâcheries, etc. Une manière de compilation d’écrits, dix chansons pour autant d’histoires dont l’écho individuel initial vient nous frapper collectivement aujourd’hui. On ne connait ni les commanditaires ni les raisons profondes qui les ont poussés à cet acte littéraire par procuration. Cela rajoute au charme du projet et montre par là même la capacité poétique d’Élie Guillou. Se décréter Chanteur Public, c’est bien mais mettre pareilles intentions en œuvre reste toujours délicat.
L’exercice est non seulement maitrisé mais accouche de petites pépites dont Blondel de Nesles ou Adam de la Halle n’auraient fichtre pas rougi ! Par exemple, « Mûrir ou mourir ? / Les issues se font face, la glace est fendue / Tu aspires à l’espace, l’espace t’aspire / Tu choisis l’inconnu » déclame-t-il sur Ta Genèse, superbe leçon d’allitérations portée par une mélodie profonde et prenante, à l’image de l’ensemble du disque.
Sous la direction artistique de Pierrick Hardy, Chanteur Public frappe par une simplicité, une limpidité, acoustiques du meilleur effet. Finement soutenue par une guitare nylon, une clarinette (Catherine Delaunay) et une viole de gambe (Marie Suzanne de Loye), la voix d’Elie Guillou est claire, précise. Belle tout simplement, comme l’est ce disque auquel on revient sans lassitude. Avec Élie, vive le service public !
Ecoutez un extrait du prochain album d’Élie Guillou
J’apprécie hautement la belle sensibilité d’Elie toute empreinte de poésie.
Et puis le velouté de la clarinette. Accompagnement très réussi. J’attends le C. D.