Festival d’Île de France 2014 : Toi t’aimes les Tabous ?

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Photo David Desreumaux

Samedi dernier, se tenait au Trianon la soirée d’ouverture du Festival d’Île de France, avec un cabaret animé par Miss Knife. Les invités : The Tiger Lillies, Joey Arias, Baby Dee et Little Annie.

Photo David Desreumaux

Pour sa 38e édition, le Festival d’Île de France propose une programmation riche, diverse et étendue à toute la région sur le thème tout autant séduisant que subversif : « Tabous : musiques et interdits. » Ainsi, le festival brode autour de ce concept d’anthropologue qui met à mal la doxa, qui défie l’harmonie, qui contre l’orthodoxe et ce n’est pas un hasard s’il a choisi le cœur de Pigalle pour débuter. Les totems sont attendus et ennuyeux, les tabous audacieux et vivifiants. Au-delà de la pomme du péché ou de la discorde, mettre le tabou sur scène, c’est donner à voir tout ce que vous auriez voulu voir sans jamais oser le demander. Et justement, on n’a pas été déçus.

Samedi soir, le Cabaret de Miss Knife, personnage travesti créé par Olivier Py, s’est ouvert avec le récital exigeant et poétique bâti depuis 20 ans par le directeur du festival d’Avignon. Olivier Py, en effet, notre dramaturge national, l’homme du théâtre, le Molière de ce début de siècle, quand il ne monte pas des pièces fleuves, quand il ne s’insurge pas contre la montée du Front National, écrit des chansons et les interprète sur scène en robe et culotte pailletées, talons et perruque blonde, parce que sinon, il s’ennuierait.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Dans une ambiance de cabaret brechtien, Miss Knife, ce personnage inventé par l’auteur dans sa pièce Une nuit au Cirque, chante la mélancolie de la jeunesse passée et l’angoisse de la mort future. Les intermèdes cocasses, badins et joviaux de la diva viennent contrebalancer des textes poétiques et profonds. Le festival a d’ailleurs mis à contribution ce talent de présentatrice allègre afin qu’Olivier Py, en Miss Knife, présente les artistes avec lesquels elle partageait le plateau.  Ainsi, pour la suite de la soirée, notre maîtresse de cérémonie a renoué avec les vestiges du repère des Zazous et des existentialistes, le Tabou, en faisant de la Scène du Trianon ce que Boris Vian disait de la cave de Saint-Germain : « un centre de folie organisée. »

Avant de présenter les artistes qui se sont succédés sur scène et de te dire ce que tu attends de savoir lecteur : pourquoi étaient-ils scandaleux ? Après un directeur d’Avignon en Drag Queen, quels étaient les autres Freaks de la soirée ? Je tiens à te dire que sur scène, nous avons vu avant tout des artistes de haut vol, des chanteurs hors pair et des musiciens chevronnés. Des génies inclassables tout autant qu’incontournables. Ce cabaret transgenre pour l’anecdote, cette internationale des bas-fonds – Dark Cabaret serait l’étiquette commune qu’on pourrait coller à tous les artistes – nous a fait voir ce qui se fait de mieux en terme de show musical à Paris, à New York ou à Londres.

Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Les premiers artistes introduits par notre Miss Knife nationale étaient Baby Dee et Little Annie, un duo au groove assuré qui sévit à New York. Pour te donner une idée, bien sûr il y a Youtube, il y a surtout la vidéo qu’on te propose ci-après, mais imagine un truc entre Nina Hagen, Brigitte Fontaine et Janis Joplin et tu seras un peu renseigné.

Venait ensuite Joey Arias. A son entrée en scène, le public a vu un artiste transformiste performer et lorsqu’elle en est sortie, c’était devenu pour tous une chanteuse incroyable et drôle. Force et subtilité, professionnalisme et dérision. Parfaite héritière de Billie Holliday pour l’émotion et de Nina Simone pour le scat et le jeu, cet artiste se produit dans les clubs new-yorkais. Il vient de la culture underground et a côtoyé ses grands acteurs : Andy Warhol entre autres. C’est à New York, en Avril 2015, qu’il fêtera sur scène les 100 ans de Billie Holliday en interprétant son répertoire. Quant à nous, on espère vivement le retour de l’Arias sur une scène parisienne, tant il fut notre coup de cœur de la soirée.

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Photo David Desreumaux

Après ce plateau new-yorkais, c’est un groupe londonien qui a clos la soirée, les Tiger Lillies, du nom de ce personnage indien issu de Peter Pan, Lys tigré. Ce trio au maquillage clownesque et outrancier, version chapeau melon et scie égoïne, semble tout droit sorti d’un coupe gorge de Whitechapel. Ambiance l’homme qui rit mais qui déconne pas, la voix stridente de Martyn Jacques – le chanteur qui n’a de drôle que son nom, et encore, malgré lui – verse dans les ambiances glauques et serine au sujet des surineurs avec un accent cockney à couper au couteau. Bouhouh…

La soirée s’est terminée sur un Autumn Leaves collégial, et l’enthousiasme de la salle s’est mesuré au tableau de foire d’empoigne que représentait le comptoir à disques en sortie de salle. Petit stand où les vendeuses étaient perdues entre les piles de disques dans une main et les liasses de billets dans l’autre. Scène surréaliste à l’heure de la crise de disque… Comme quoi, le public sait toujours se montrer enthousiaste pour le talent. Quant au groupe The Tiger Lillies, il se tenait là, se laissant volontiers photographier avec le public. Tu verras sur leur site, il débute une tournée en France tout prochainement avec une première date à La Maison de la Musique à Nanterre. Va les voir, tu pourras toi aussi te faire tirer le portrait avec eux, à défaut de te le faire refaire…

Que dire d’autre de cette soirée. Que tu n’étais peut-être pas là et que c’est bien dommage. Mais que rien n’est perdu. Prends le temps d’éplucher le programme à venir du Festival d’île de France qui te propose jusqu’au 12 octobre une batterie de petites merveilles. On notera, entre autre, le Cabaret New Burlesque les 26, 27 et  28 septembre au Cirque d’Hiver avec Arthur H en invité.

Plus d’infos sur le site du festival : Festival idf


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