Keren Ann – Bleue

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Bleue marque le grand retour en français de Keren Ann : un événement musical qui rappelle la sombre beauté et la richesse folk de La disparition, paru il y a plus de dix-huit ans.

Bleue est un album placé sous le signe de l’eau, cet élément vital à la fois rassurant et insaisissable. Keren Ann y chante « Le long fleuve où on envoie les fous », le bleu amer de Ton île prison, les bains de minuit métaphysiques (Nager la nuit), les abysses de la douleur (Sous l’eau), la quiétude marine des Jours heureux, sans oublier Bleu, qui à une lettre près donne son titre à l’album.

Le dernier opus de Keren Ann est une réelle odyssée musicale, pour reprendre un autre morceau de l’album (Odessa, odyssée). Mais ce voyage est aussi et surtout intérieur. Keren Ann, de sa voix délicate, parle d’abord et avant tout d’elle-même, de l’amour et de la vie à deux, évoquant tour à tour l’aliénation (Le fleuve doux), la beauté (Bleu), les séparations inévitables (Le goût était acide) ou impossibles (Nager la nuit), et finalement le bonheur des Jours heureux : « Ne vois-tu pas / Venir les jours heureux ? / Ils sont bien là / Et dire que l’on vivait sans eux / Jusque-là. »

Avec Le goût d’inachevé, Keren Ann propose également un étonnant et mordant duo avec David Byrne, ex-Talking Heads. Reprenant un célèbre dialogue entre Winston Churchill et Lady Astor, le duo chante avec une amertume non teintée d’humour les amours impossibles et l’art « de souffrir en secret » à deux : « Si j’étais votre femme / Je mettrais du poison dans votre verre / Si vous étiez ma femme / Je le boirais. »

Bruno Chiron


Keren Ann
Bleue
Polydor – 2019

Chronique parue dans le numéro 12 de la revue Hexagone.


 

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