Jérémie Bossone n’a jamais su faire comme les autres, et c’est pourquoi nous sommes toujours à l’affût de son travail. Après Gloires paru en 2015, le natif de Loudun avait fait paraître à compte d’auteur – comme nombre de poètes du temps jadis – une série de Mixtapes, maquettes de chansons accouchées lors de sessions d’écriture intensive auxquelles il s’adonne régulièrement.
On le savait également en préparation d’un nouvel album qui, selon ses propres dires, ne laisserait pas insensible, album qui lui vaudrait probablement de perdre en route une partie de son public… Les mélancolies pirates ont paru. Qu’en est-il ?
Soyons franc ; on peut ne pas tout apprécier de cet album, mais on raffolera de sa douce folie essentielle, de sa générosité, de sa teneur littéraire, de son ambition. Un artiste sans ambition artistique est un artiste mort. Bossone est plus vivant que jamais et illumine la chanson d’un fatras improbable, savamment structuré, où se mêlent chansons très réussies et d’autres plus subalternes, prises dans les mailles d’un filet narratif dans lequel apparaissent Benoît Dorémus, Dimoné ou Nicolas Jules.
Projet discographique de dingo autant que suicide économique, ce grand-œuvre exigeant affirme le désir de l’auteur de faire sauter les cloisons entre littérature grand siècle, chanson, rap et feuilleton animé. Il fallait bien être deux pour tenir ce « radeau perdu en mer ». Bossone, le d’Artagnan de la chanson, trouve ici son double en Kapuche, une graine de flibuste.
Un morceau culte ? Écoutez en boucle Spirale dont la Betty rivalise sans aucun doute avec la Kim d’Eminem.
David Desreumaux
Jérémie Bossone
Les mélancolies pirates
Wolf Walk Unit – 2019
Chronique parue dans le numéro 12 de la revue Hexagone.