Romain Didier, le piano pour mémoire

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Romain Didier – Centre culturel de Lesquin – 31 janvier 2020

C’était la première fois que nous nous rendions au Centre culturel de Lesquin, tout près de Lille. Contactés dans la semaine par son aimable directeur, Alex Mélis, nous avons la pris la route le vendredi 31 janvier pour venir assister au spectacle de Romain Didier, Dans ce piano tout noir. L’accueil fut chaleureux, conformément à la solide et légitime réputation des gens du Nord quant à leur sens de l’hospitalité. De même, quelle agréable surprise d’observer dans cet auditorium un public des plus attentifs, respectueux de l’artiste, silencieux mais bien présent… et sans smartphones à la main !

Nous avions déjà mis en lumière ce spectacle dans le numéro 3 de la revue, mais il n’est pas superflu de redire ici à quel point ce moment de scène compte parmi les plus beaux qu’il nous ait été donné de voir ces dernières années. On associe régulièrement – et à raison – Romain Didier à de grands noms de la chanson aux côtés desquels il a débuté et mené carrière en tant que compositeur et/ou arrangeur, mais on ne souligne jamais assez que Romain Didier est un auteur qui compte, ayant produit une quinzaine d’albums personnels. Dans ce piano tout noir marque son désir de chanter à nouveau ses propres chansons, quelques années après le départ d’Allain Leprest avec qui il a longuement collaboré et auquel il est définitivement lié artistiquement et humainement. Au printemps 2017, Romain déclarait dans nos colonnes, à propos de l’album tiré de ce spectacle : « J’ai eu envie au bout d’un moment de retrouver mes billes : mon stylo et là où j’en étais. Non pas pour faire le bilan, mais remettre mes outils sur le bureau – d’où le parti pris de reprendre uniquement des chansons dont j’avais écrit les textes. Il n’y a dans cet album aucun des auteurs avec lesquels j’ai travaillé, que ce soit Leprest, Gilbert Laffaille, Pierre Grosz, Pascal Mathieu. Ma deuxième intention avec cet album a été d’emmener le public dans un voyage, et donc d’enchaîner les morceaux. C’est une idée que j’avais en tête depuis longtemps. Les arrêts systématiques entre les chansons, du fait des applaudissements, sont certes agréables pour tout le monde, mais j’ai eu l’envie de raconter le parcours chronologique d’une vie en partant de l’enfance, et j’ai envisagé d’enchaîner des chansons avec des thèmes communs : l’enfance, le premier amour, la vie, la mort… Ces thèmes faisaient surgir des chansons du patrimoine qui m’ont nourri et élevé. Plutôt que de laisser les gens applaudir, pourquoi ne pas écouter L’enfance de Barbara et imaginer les liens qui existent entre les chansons ? Ces chansons du patrimoine viennent en écho avec ce que je viens de dire dans la chanson précédente et ce que je vais dire dans celle qui suit. »

Chansons du patrimoine, certes, mais tirées de ses souvenirs personnels. Chansons du patrimoine et bande-son de nos propres existences également. Et c’est ce mélange d’intime et d’universel qui touche et frappe l’auditeur que nous sommes. L’ambiance que Romain installe au piano, ce non-stop entre les titres crée une tension, une apnée des plus surprenantes – quasi envoûtante – par laquelle on se sent irrésistiblement happé. Ce flot ininterrompu constitue une ossature parfaitement équilibrée pour une manière de communion, d’épiphanie collective. En un sens, en nous conviant à ce voyage et en livrant sa propre intimité à partir de ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, c’est comme si Romain Didier nous révélait à nous-mêmes : ses chansons nous appartiennent et font partie du patrimoine tout autant que La folle complainte ou Un jour tu verras. L’aéroport de Fiumicino, Julie la Loire, des souvenirs forts pour toute une – voire plusieurs – génération. « Les comptines, c’est bête / Mais faut les croire parfois » (Les comptines) : le public a entendu le message ce vendredi soir. Et à voir les mines réjouies en sortant de l’auditorium, il ne demandait qu’à y revenir, à remettre son écot dans ce juke-box de nos mémoires.

David Desreumaux 

Article publié dans le numéro 15 de la revue Hexagone – Printemps 2020

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