Festival Jacques Brel : Concours Jeunes Talents 2020

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Ben Herbert Larue ©Yves Petit - Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l'auteur

La spécificité du Concours Jeunes Talents

Les cinq artistes sélectionnés sont présents deux jours. Le samedi pour les Art(istes) dans la Ville, chacun donne un concert dans un lieu atypique, en proximité avec un public pas forcément habitué à venir aux spectacles chanson. Cette année, la météo incertaine et les fortes consignes de la préfecture ont recentré les trois premiers concerts dans le hall d’entrée du Théâtre Edwige Feuillère. Cette journée permet aussi aux artistes de se rencontrer et de limiter le stress de la compétition. Le dimanche, le concours se déroule sur la grande scène du théâtre devant un public attentif et nombreux et un jury professionnel parrainé cette année par Bertrand Belin.

Les jeunes talents 2020

Une belle sélection riche et diversifiée en expérience de la scène, style musical  et thématiques abordés : Matéo Langlois (en portrait dans le n° 15 d’Hexagone), Louise Combier, Ulysse Mars, Ben Herbert Larue (en portrait dans le n° 13) et Nour (chronique d’album dans le n° 7), suivant l’ordre de passage du concours.

Il est intéressant de constater les choix différents des artistes concernant le concert du samedi et le concours du dimanche. Les deux vraiment jeunes talents soit par leur âge (Louise Combier) soit par leur moindre expérience (Ulysse Mars) n’ont rien changé –  même ordre des chansons, même habit – avec bien sûr quelques titres en moins. Les autres ont plus fortement adapté leur prestation au concours.

Les trois premiers candidats

Matéo Langlois, gagnant de nombreux tremplins ces derniers mois (Pic d’Or, Prix Moustaki, …) ce toulousain est un OCNI (Ortiste Chantant Non Identifié) : une voix particulière, un musicien talentueux clavier-saxo, des textes marquants, un danseur à la chorégraphie personnelle, un artiste inventant un nouveau music-hall. Le samedi, à l’Espace Villon, il nous dévoile son évolution actuelle et future, semblant vouloir nous emmener encore ailleurs et plus loin, vers de nouvelles sonorités, utilisant beaucoup les « boucles » et les effets de voix. Le lendemain, il fera quelques modifications qu’il nous explique : « Moins de looper, moins de risque technique pour un concours c’est plus rassurant, plus confortable. Et puis c’est logique de proposer plus de titres chanson dans un concours de chanson ». Une belle prestation, mais sa visibilité actuelle ne nécessitait pas forcément un nouveau prix.

Louise Combier, jeune chanteuse lyonnaise d’une vingtaine d’années, remarquée dans « The Voice » 2020, nous saisit par sa superbe voix profonde et parfois tremblante. Le samedi, elle reprendra Nantes de Barbara. Chantant parfois derrière le pied de micro, parfois au clavier elle ne possède pas l’expérience de la scène des autres, ni semble-t-il la même qualité de texte voire la même complicité avec sa musicienne (« ma nouvelle pianiste » dira-t-elle). Un jeune talent, à revoir.

Ulysse Mars, venu de Rennes, jouait samedi au Café français. Avec ses trois musiciens (clavier, contrebasse ou basse, guitare), il nous confie ses histoires, souvent des portraits de gens (le routier, l’employé qui va tuer son patron, l’habitant d’un petit bourg ) ou de lieux, sur des mélodies agréables aux arrangements pertinents, avec un angle original de traitement. Entre les titres, un humour un peu décalé, second degré.  Il nous parle de son parcours : « J’ai quitté mon travail de barman, et j’ai commencé véritablement à me consacrer à la chanson avec beaucoup d’idées, beaucoup de passion et relativement peu de moyens. J’ai fait une première résidence, avec des bonnes conditions de travail, un ingénieur du son et François Lemonnier, qui croit au projet, en aide à la mise en scène. J’ai sorti cette année un EP 5 titres à tout petit tirage. Vesoul, c’est le premier concours auquel je candidate de ma vie. J’écris paroles et musique et je dessine la trame de l’arrangement ; le groupe façonne les arrangements et la palette sonore. De ce tremplin, j’attends d’apprendre des choses, de rencontrer des gens, d’être sur une véritable scène devant un public à l’écoute. Et évidemment que cela puisse déboucher sur d’autres concerts, avec la possibilité de sortir du réseau des bars, pratiqué ces dix dernières années. Car je vis déjà pour la chanson, donc j’aimerais en vivre. » Un jeune talent à suivre.

 

©Yves Petit – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

Les deux gagnants

 Ben Herbert Larue, vient de normandie avec le spectacle bien rôdé de son second album, accompagné de ses deux « alcoolytes » musiciens de talents – contrebassiste et multi-instrumentiste (clavier et trompette). Une voix grave, une écriture imagée, un angle original pour aborder les thèmes qui l’intéressent et nous touchent, un écrin musical différent adapté à chaque titre, une symbiose avec ses musiciens et une totale implication sur scène. De la chanson humaniste qui fait du bien. Le samedi, le public, qui comme le chanteur est « ravi d’être content », lui fait une ovation debout. Il a ému avec une superbe interprétation aussi bien vocale que musicale de C’est peut-être de Leprest, non joué systématiquement, et a surpris avec humour lorsqu’il évoque ses curieux rêves.  Deux titres, non joués lors du concours. Ben Herbert Larue, sur scène, vient « distiller un peu d’espoir dans tout ce gros bazar, avec un peu de poésie, un peu d’humour et d’amour ».

Le soir il nous explique sa présence au concours : « Je choisis les tremplins, ceux pour lesquels on peut jouer un bon moment, pas seulement un titre ou deux, et ceux qui donneront la possibilité de se faire connaître un peu plus. Ici, avoir un concert la veille c’est super, cela constitue un petit entrainement pour le lendemain. Et on a l’impression de monter vite en grade, car en un jour on passe du hall du théâtre à la grande scène. On rencontre des gens, on voit des concerts, j’en ai vu quatre aujourd’hui. Au-delà de Dijon je ne joue jamais, j’attends de ce tremplin de m’ouvrir un réseau dans l’Est de la France, et de pouvoir venir m’y balader ensuite. »

Pour le dimanche, il laisse son bonnet rouge au vestiaire, centre le cœur de sa prestation sur les chansons d’émotion évoquant Les mains de mes grands-mères, ou Myriam la jeune fille qui pendant la guerre à Alep « avec sa sœur chante pour ne plus entendre le bruit des bombes », nous fait sourire avec les questionnements d’enfant (Le deuxième) entre autres sur son instrument, l’accordéon, et modifie la fin en ajoutant Se battre des ailes (« Nous ensemble/ Se battre des ailes/ Qui rassemblent »). Il obtient naturellement le prix du public et le 1er prix du jury.

Nour
©Yves Petit – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

Nour est l’artiste qui a le plus modifié sa prestation entre le samedi et le dimanche. Et elle nous l’explique : « Quand tu n’as qu’une demi-heure pour le concours, tu vas à l’essentiel. A l’essentiel de ce que j’ai envie de dire, de ce qui est important pour moi. En plus, je dispose d’un piano  ce qui n’est pas du tout la même chose que le clavier hier, Et je suis pianiste bien plus que yukuleliste. » Aussi, pour le concours, elle laissera le yukulélé dans la loge, ne fera pas sa chanson drôle et longue avec intervention au milieu du public, changera de costume de scène gardant le rouge de la ceinture et des chausses, modifiera l’ordre des chansons démarrant en solo par Le tournis a capella et à percussion corporelle, puis restera au piano et ajoutera un titre musicalement plus adapté au piano. Nous avons, en plus des textes, apprécié la maîtrise de sa voix « mezzo colorature », ses moments de scat, son jeu de piano, sa présence sur scène, ses citations de Mussolini et Patrick Sebastien (!), sa chanson engagée où elle lève le poing sur « Pirouette Cacahuète ». Sans oublier la belle complicité et harmonie, et le plaisir palpable de jouer ensemble, avec sa violoncelliste Automne Lajeat (il paraît qu’elles n’avaient joué que deux fois ensemble avant, difficile à croire). Ce joli moment sera salué par le second Prix du jury et la sélection FrancoFans.

Les prix

Créé en 2000 pour soutenir et promouvoir les groupes et artistes émergents de la chanson francophone, ce concours Jeunes Talents est doté financièrement de 3000€ pour le premier prix (Ville de Vesoul) et 1500€ pour le second prix (Fondation La Poste). Et l’équipe du Théâtre met en œuvre un accompagnement avec la possibilité d’une programmation dans le cadre de l’édition 2021 du festival, de résidence ou d’ateliers sur le territoire.


Concours Jeunes Talents 2020 (11 octobre) – 1er prix du jury et prix du public : Ben Herbert Larue, 2ème prix et sélection FrancoFans : Nour.

Un grand merci à Charlotte Nessi, Sophie Gelinotte, Audrey Mizelle-Lattoni et Florence Beurey pour l’accueil ainsi qu’à toute l’équipe du théâtre pour l’organisation sans faille du concours et du festival.



Photo de une : Ben Herbert Larue
©Yves Petit – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

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