C’est avec la complicité de Mathieu Goust, co-compositeur de l’album, et sous la direction musicale de Fred Monestier que Yoanna a musiqué 2e sexe. Fidèle depuis ses débuts (Moi bordel – 2008) à son accordéon fétiche, la plus française des Helvètes s’est attachée dans cet album à rendre méconnaissable le piano à bretelles, soumettant les sons à de rudes contorsions, flirtant avec l’électro et l’urbain. Il ressort de ce bain de jouvence une belle réussite pleine d’audace.
Les mots habiles et rebelles, Yoanna, telle qu’on la connaît et l’apprécie, fait montre d’un tempérament bien trempé et d’une langue aussi franche que fleurie. C’est qu’elle n’a pas attendu la vague #metoo pour être féministe, et se permet même d’en remettre un coup aux gorets – paf, dans le groin ! – en réaction au harcèlement subi par les femmes (Balance). Derrière ce 2e sexe – à la fois titre de l’album et chanson phare qui s’attache à dépeindre et dénoncer les violences conjugales – on reconnaît aussi la référence à Simone de Beauvoir, grande figure du féminisme du XXe siècle.
Si Yoanna n’est plus l’artiste éruptive de ses tout débuts, elle conserve cependant toute sa détermination dans ses combats, dans ses prises de parole pour dire les dysfonctionnements navrants d’un monde « bolsonariso-trumpé ». Conscience écologiste (Plastique), mépris des puissants et du libéralisme (En marche)… Yoanna conserve entière sa fougue libertaire, indépendante, et porte sur son époque un regard salutaire de femme déterminée.
David Desreumaux
- Yoanna
- 2e sexe
- matcha – 2019
- Chronique parue dans le numéro 13 de la revue Hexagone.