Johnny Montreuil – Narvalo forever

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Johnny Montreuil ©David Desreumaux - Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l'auteur

Benoît Dantec fait paraître le deuxième opus des aventures de Johnny Montreuil. Un personnage de marlou de la zone, tendre et viril à la fois, qui lui permet de chanter les laissés-pour-compte de banlieue. Avec cette énergie d’artiste de bar et cette écriture empreinte d’une poésie rageuse, à l’image de son modèle, Johnny Cash.

On s’imaginait avoir rencard avec Johnny Montreuil dans sa petite carlo, dans les hauts de la ville à qui il a chouravé son blaze… C’est dans un rade, un vrai de vrai, que l’on retrouve Benoît Dantec, artiste de bar autoproclamé. Grâce à ce personnage haut en couleur, il est devenu une figure connue et reconnue à Montreuil City. Une réput’ qui dépasse ces frontières et le cercle des « rockerz » de l’Est parisien. La silhouette carrée d’ancien rugbyman de Fédérale 2 est bien là, mais les sourcils froncés et la dégaine de marlou-macho-rigolo sont aux abonnés absents.

 

« J’suis un artiste de bar, né sur un comptoir / C’est mon destin, ma route » Artiste de rue

 

Le sourire tranquille et la voix étonnamment douce, il ne s’offusque nullement d’une première question un peu lourdingue : « D’où viens-tu Johnny ? » « Du Petit-Clamart dans le 92. La cité-dortoir à deux voies. Métro, boulot, dodo et aliénation en mode chauffeur de bus, ou comme beaucoup de potes, business, deal, prison… » Lui qui a grandi au son des derboukas et empoigné la guitare pour jouer du Johnny Cash prend la tangente grâce à la musique. Et après être parti faire les vendanges comme tant d’autres et avoir bourlingué un peu partout en France ou en Europe, il revient à Clamart. Vite à l’étroit, il bouge sur Paname et atterrit fissa dans sa ville de cœur. Il traîne sa gratte et sa gouaille dans les bars de Belleville et de Ménilmontant, et ne tarde pas à s’acoquiner avec Clément Carle, un bateleur de zinc dans son genre, branché percus et piano à bretelle. Leur duo, Princes Chameaux, deviendra trio avec l’arrivée du bassiste Seb Collinet. L’aventure commencée en 2005 durera cinq belles années. Ils chantent le Vingtième popu, leurs « conneries » et la « brume éthylique », reprennent en live du Ludwig Von 88 (le fameux Houlalala). Trois disques et des centaines de concerts plus tard, le trio se sépare. Pour les motifs habituels, sans animosité. Plus la même énergie à donner, ni les mêmes souhaits d’évolution…

 

Johnny Montreuil ©David Desreumaux – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

 

Et Johnny naquit…
On l’appelle Benoï à l’époque, et s’il porte déjà la barbe de trois jours ou les rouflaquettes, Johnny Montreuil va lui permettre de se mettre aux bacchantes sans complexe. Et d’assumer pleinement sa volonté d’adapter celui que l’on surnomme « the man in black », chantre de l’Amérique des laissés-pour-compte. « J’écoutais de la musique cajun, du blues ou de la country. De la musique populaire jouée par des prolos. J’aime Johnny Cash pour sa voix, son style hillbilly et pour ses textes proches de la chanson réaliste. Des histoires de mecs au triste destin, traitées avec poésie et dérision. Et je trouvais marrant et culotté d’adapter ses textes en banlieusard. » L’acte de naissance officiel de Johnny Montreuil date de 2012, sur la scène Saint-Jean-d’Acre des Francofolies, pour la quatrième édition de France ô folies, un tremplin organisé et filmé par France Télévisions. « Un coup d’bluff. J’avais envoyé une maquette voix-contrebasse, car à l’époque il n’y avait encore rien d’enregistré, et nous avons été sélectionnés parmi les cinq groupes retenus. Ça nous a donné une sacrée visibilité. » « Nous », c’est lui et le violoniste et joueur de mandoline Emilio Castiello alias Géronimo, qui apporte la couleur tzigane, avec lequel il joue en parallèle avec Aälma Dili – « l’âme des fous » en rom, quatre allumés aux mines patibulaires qui distillent un western balkanique bien frappé. Sa créature prenant le pas ces derniers temps, Benoît vient d’ailleurs de laisser sa place à la contrebasse.

Docteur Benoît et Mister Johnny ?
Benoît rigole et assure qu’il n’y a vraiment aucun risque de schizophrénie galopante : « Au début de ce projet, se faire appeler Johnny, ça faisait un peu showtime. Mais j’assumais complètement le côté ringard. J’en ai même un peu joué, pour qu’on retienne le nom. » Pourtant le risque existait bel et bien. Lors de son premier concert aux Lilas, on lui apprend que Johnny de Montreuil avait vraiment existé. Un loub’, un vrai de vrai, un peu alcoolo et pas l’genre Ricky-Banlieue-fleur-bleue.

 

« J’regarde la pluie qui tombe par la fenêtre de ma caravane / Bien à l’abri du monde et de son vacarme » La dèche

 

C’est sûr, une telle conjonction des astres, ça calme. Mais Benoît est droit dans ses santiags sur ce coup-là, la calebasse bien sur les épaules : « Un personnage, c’est plus facile à faire évoluer qu’un groupe, qui peut peiner à se ressourcer. J’ai monté ce projet afin d’éviter d’être bloqué parce que quelqu’un décide d’arrêter, comme c’est son droit. Ça permet de donner la liberté à chacun de trouver sa place, de jouer ou de ne pas jouer. » Un propos qui fait référence à la période Princes Chameaux, mais qui s’applique également au JM Project. Le départ d’Emilio, capté par des projets perso et surtout son incorporation au sein du Soviet Suprem, permet aux autres musiciens de prendre chacun leurs marques. Kik Liard, cador de Montreuil avec le Gommard et Kik and the Aces, avait pointé le bout de son harmonica. Ronän « Droogish » le guitariste et Tatoo le batteur (remplacé depuis 2016 par Steven « Fatcircle »), il est allé les chercher. « Que des fortes têtes, du genre tout le monde veut jouer tout le temps, en même temps. » Un « crew prêt à tout déboîter sur scène » qui s’affûte et se discipline à l’école des bars. Parfois à l’arrache. « On s’branche, on joue… Des espèces de hold-up où on passe un chapeau. Pas un exercice de style, même si cela nous a permis de nous roder, avant tout un vrai plaisir. » Débridé, durant une période où de son propre aveu il n’avait rien d’autre à faire que d’aller jouer. Plus maîtrisé aujourd’hui ; il a quitté sa p’tite carlo pour une autre caravane, plus grande celle-ci, et près des murs à pêches a retrouvé sa chérie, est devenu papa pour la seconde fois. Et il a fallu conserver son énergie pour les concerts prévus dans le cadre de la sortie du second album – après Narvalo City Rockerz en 2015 – plus abouti selon lui que le premier, bonifié par deux années de scène. Un cap vient d’être franchi dans la vie de Johnny Montreuil, qui a pris une vraie épaisseur dans son format quartette. Sa bande de pirates constamment sur la brèche poussée par le démon du jeu, Benoît ne l’a pas construite comme un collectif, mais comme un ensemble de musiciens libres d’aller voir ailleurs. Une liberté qu’il s’accorde aussi à lui-même en mode duo intimiste, harmo et contrebasse.

 

Johnny Montreuil ©David Desreumaux – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

 

Johnny chante Montreuil : Riton, symbole du marlou poissard ; son pote Blacky à qui Benoît écrit une belle déclaration d’amitié, mais aussi les Roms dont il partage la vie « au grand air ». Un choix de vie risqué, assumé, mais sans aucune arrière-pensée « créatrice »… Avec ces gens « pas banals » qu’il côtoie, c’est avant tout une vraie histoire de vie : « Quand tu écoutes Renaud ou Brassens, leurs textes respirent leur vie. Et cette vie de bohème, plus facile à vivre quand tu as vingt ou trente ans, cette naïveté, j’ai envie d’en conserver l’esprit. Pas seulement pour écrire des chansons. Pour sa part de risque aussi, et parce que cela me permet d’aborder le côté artistique de façon plus sereine… C’est l’effet caravane ! » Son récent changement de cadre va sûrement lui permettre de raconter d’autres histoires, toujours liées à Montreuil. Entre-temps, Benoît Dantec se sera envolé pour Chicago, l’un des berceaux américains du blues. Avec une consigne à respecter de la part de ses commanditaires locaux : surtout chanter en français !

Mad


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