Bastien Lucas – Hymne à la légèreté

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1903
Bastien Lucas © David Desreumaux - Reproduction interdite

A 13 ans, Bastien Lucas a déjà plusieurs albums à son actif : partitions écrites et composées dans un cahier à petits carreaux muet, fermé à double tour comme un carnet intime. L’ombre de Cabrel plane sur les écrits du jeune auteur compositeur et pianiste qui déserte ainsi l’apprentissage classique de Mozart, Chopin et Debussy.
Mais il ne délaisse pas pour autant les études de musicologie : une science qui lui fait découvrir la fonction essentielle des harmonies. « L’étude de l’harmonie a changé ma vie », dit-il. C’est elle aussi qui lui donnera les moyens d’enrichir sa palette musicale.
Ce bagage théorique sera précieux pour faire sonner des textes de plus en plus libres et dépouillés des jeux de mots trop faciles.
Chez cet auteur compositeur, la technique efface la technique, faisant oublier le labeur.
Ainsi ce texte issu de son dernier album : « Mais ce que j’attends vraiment, c’est léger et c’est blanc… (…) en hiver la pluie recrute des gouttes en parachutes » (21 décembre). Ou comment évoquer la neige sans prononcer le mot, tout un art de l’ellipse et de la métaphore que Bastien pratique avec subtilité.
À la manière d’un William Sheller, il explore les ressources de la musique classique pour écrire et composer des chansons pop, faussement simples et toujours délicates.
Il nous suggère des instants, des sensations, transmet des sentiments, des réflexions parfois profondes mais sans emphase.

« L’étude de l’harmonie a changé ma vie »

Une façon d’écrire, de jouer avec des ambiguïtés sonores, des formules polysémiques qui laissent le champ libre à l’interprétation. Pour lui, l’auteur n’a rien à imposer : « Chacun a le droit d’entendre sa chanson. »
Ce qu’aime Bastien Lucas, c’est partager, créer ces moments intimes où l’émotion est comme un fil tendu entre le public et lui. Sur scène, Bastien nous fait pénétrer dans son univers en catimini ; la voix est douce, enveloppante, précise jusque dans les ultimes aigus.
A l’enchaînement parfois aléatoire des titres, il a préféré cette fois un récital entièrement scénarisé et écrit (mis en scène par Xavier Lacouture).
Ce spectacle, Tour du moi en solitaire, parle de nous à la première personne comme si ses souvenirs nous étaient familiers, presque communs.
Son premier album, modestement baptisé Essai, réalisé et produit par Gabriel Yacoub (ex-Malicorne), a obtenu en 2007 un coup de cœur de l’académie Charles-Cros.
Pour le second, FRACANUSA (2018), il retrouve le « rockeur » Daran, son mentor et complice désormais émigré au Québec. Là encore une très belle rencontre. Il y a quinze ans, Daran accueillait Bastien à L’Européen pour chanter l’un de ses titres. Aujourd’hui, il réalise cet album plus symphonique que rock. Plus qu’un choc de cultures, un mariage raffiné entre pop et chanson française où les cordes habillent avec élégance des textes patiemment épurés. Merci Bastien de nous rendre le monde plus léger !

Gérard Magnet



 

Portrait paru dans le numéro 11 de la revue Hexagone.


Photo de une : Bastien Lucas – © David Desreumaux – Reproduction interdite


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