Retour sur le festival Chansons en Fête du 5 au 7 mai

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Oui je sais, cela fait un mois que la 9ème édition du Festival Chansons en Fête a eu lieu, à Salins les Bains dans le Jura (39). Mais depuis, il y a eu les ponts et les aqueducs de mai, les premiers apéro-barbecue et quelques articles à écrire pour le prochain numéro d’Hexagone.  En ces temps où l’immédiateté de l’info est la règle, voici un peu de différé. Et c’est un plaisir d’évoquer ce « petit festival de proximité », comme on les aime.

© Patrick Boez

Le vendredi 5 mai, quand on arrive dans la maison familiale rurale un sympathique apéritif – buffet nous attend. Nous pouvons échanger avec les artistes se produisant les prochains jours comme Monique Brun, Hervé Lapalud & Jonathan Mathis. Puis Laurent Assathiany, l’organisateur en chef, ouvre le festival et cite les lieux d’origine parfois lointains de certains spectateurs – festivaliers. En ouverture, Laurent Berger en solo voix-guitare, avec son grain de voix particulier, nous présente ses Chansons de l’instant. Avec son écriture élégante, une inspiration large et de l’humour entre les titres, il nous offre quelques pépites comme celle sur la librairie « Au pas pressé », comme Sous un pont ainsi que le texte évoquant le lien entre une commode et les fesses féminines de plusieurs générations. Il interprète aussi trois textes de Dimey dont en dernier rappel Quand on n’a rien à dire en clin d’œil à la campagne présidentielle du moment, de l’instant. Pour info, le cinquième album est en préparation pour « sortir » à l’automne prochain.

© Patrick Boez

Le samedi 6 mai, trois concerts sont programmés, tous à la maison familiale rurale mais dans trois endroits différents. D’abord Monique Brun, dans une salle de classe aménagée, pour un intimiste et marquant Léo 38. Une chaise, un pupitre et une lampe : c’est dans une ambiance de confidence que cette magnifique comédienne dit des extraits d’entretiens de Léo Ferré et interpréte a cappella ses chansons plutôt méconnues. Une voix douce et profonde, pour une belle incarnation de la parole de Ferré, avec son débit caractéristique, sur des thèmes éloignés de la chanson mais qui nous révèlent une partie de sa vie et de sa personnalité. Un public suspendu à cette rencontre, à ce beau moment de partage.

 

© Patrick Boez

Dans une salle voûtée, toute en longueur, Mehdi Krüger – le n°3 d’Hexagone propose un entretien avec cet artiste – entre en scène. Amour des mots, urgence de dire. Une écriture originale et remarquable transcendée par une voix chaude et forte, un jeu avec les mots et les sons qui fait sens. Mehdi démarre avec Arabstrait, un portrait étonnant, il dit être un « Désertaire » (déserteur et libertaire), offre des moments forts comme Cause toujours (« J’ai besoin de défendre une cause toujours / Me remettre en cause« ) et conclut par un remarquable Une seconde avant l’impact prenant pour sujet un attentat terroriste. Des textes interprétés avec conviction et superbement portés par la guitare d’Ostax parfois au chœur. Un spectacle original, un bel exemple de l’éclectisme et du renouveau « de la chanson ». Un grand moment d’émotion pour le public qui pour la plupart le découvrait et ne l’oubliera pas. Le coup de cœur du festival de Barjac, l’été dernier, marque partout où il s’exprime. D’un naturel sympathique, et très souvent avec un sourire éclatant, il citera après le concert « la qualité du silence et d’écoute, la bienveillance du public ». Et le dimanche il animera un atelier d’écriture. Oui, car les samedi et dimanche des animations sont proposées : un espace de créativité, des goûters musicaux, une scène ouverte, une rencontre avec les chanteuses d’Evasion, des ateliers dont l’atelier « écriture slam » animé par Krüger. 

© Patrick Boez

Le troisième concert, celui du soir, a lieu à l’intérieur d’un chapiteau, sous une pluie battante. Et oui, on ne peut rendre compte de ce festival sans parler de la pluie persistante, invitée permanente, qui forcément a perturbé un peu beaucoup, notamment les moments d’échange et de convivialité entre les concerts. Evasion, groupe choral de cinq filles, chante Anne Sylvestre dans Les hormones Simone. Ce spectacle commence par ce titre et privilégie dans le répertoire de cette grande artiste, les chansons sur les femmes. Elles sont habillées en blanc et robes de mariées, puis en noir lors de la seconde partie. Les chansons d’humour ou de révolte, remplies d’humanité, sont adaptées pour un chant a cappella et polyphonique, avec une jolie mise en espace pour chaque titre. On en sort en se disant : « Quelles belles chansons, quelles jolies mélodies »  et  donc avec l’envie d’(re)écouter Anne Sylvestre. Un fort beau spectacle, drôle émouvant, gai. Cinq superbes voix, et une complicité apparente. Elles finissent par Une sorcière comme les autres et Frangines, et de leur album précédent La marseillaise de la paix.

© Patrick Boez

Le dimanche après midi David Sire – en portrait dans le n°3 d’Hexagone – joue son spectacle Avec sous le chapiteau.  Un superbe concert mémorable, rare, à ne pas rater. Comme pour Krüger, ceux qui ne le connaissaient pas sont plus qu’emballés et ceux qui ont déjà vu le spectacle le trouvent encore plus maîtrisé et réussi. Une prestation difficile à décrire. C’est étonnant, tendre, musical, subtil, drôle, frais, émouvant, parfois déjanté et surtout débordant d’humanité. Avec une énergie folle presque équivalente à sa générosité et à son talent, il propose une performance bourrée d’idées, d’humour et de poésie voire de «Bidulosophie» (pour ne pas citer le mot philosophie), pour une belle promotion du partage et de la vie qui vaut le coup. Un spectacle inclassable avec des guitares, des ballons, des pompes à vélo et des percussions corporelles. En duo avec son comparse et excellent guitariste, déjà présent dans l’ancien groupe Les drôles de Sire, Fred Bouchain nommé Cerf Badin – eh oui en plus, Sire est un spécialiste de l’anagramme qui transforme Fraternuitée en « Têter air neuf » et David Sire surtout pas en « Radis vide ». Les titres sont issus des trois derniers albums, preuve que le spectacle est la résultante d’une long cheminement d’artiste et d’humain.  

© Patrick Boez

Et le soir, en final, la Frater’nuitée : une longue soirée en deux parties pour permettre aux spectateurs à 20h de connaître les résultats de l’élection, et de se restaurer un peu. Une soirée, concoctée par Hervé Lapalud et son comparse Jonathan Mathis, qui avec leur talent de multi-instrumentistes (entre autres guitare, kora, sanza pour l’un, accordéon, orgue de barbarie, grosse caisse, clavier pour l’autre) se sont mis au service d’artistes amateurs et professionnels. On a reconnu, entre autres, Garance, Davy Kilembé, Claude Fèvre et Dora Mars. On a découvert Les Boites Frasniennes, Emilie Charoin, Louise Challieux, les enfants de l’école Montessori, des chanteurs amateurs de Di Dou Da (Arras),  le Pudding Théâtre et d’autres encore comme le groupe Tour de Bal. On a revu avec plaisir les artistes du festival : Monique Brun, Mehdi Krüger, Laurent Berger et David Sire. Au delà des sketchs et des rendus des ateliers d’écriture, nous avons beaucoup apprécié le final avec les organisateurs, les bénévoles et les artistes sur Bidonville de Nougaro. Pour ces trois jours, on décerne un grand bravo à Laurent Assathiany et à son équipe pour ce festival et sa belle programmation de caractère. Et perso, je remercie Patrick Boez pour ses photos qui illustrent cette chronique.

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