Chants de mars #11 : Mehdi Krüger + Gaël Faye

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© David Desreumaux

Le long du boulevard Joliot-Curie à Vénissieux, les trams défilent devant la salle Bizarre ! qui bizarrement, a caché son entrée de l’autre côté du bâtiment. Seuls les spectateurs avertis savent que se prépare en ce 24 mars 2017 un concert survolté avec Mehdi Krüger pour la couleur locale et Gaël Faye en tête d’affiche. De toute façon, les compteurs affichent complet. La salle de béton peinte en rouge et noir se remplit à mesure que le bar se vide. Ambiance tamisée sur fond de R&B en attendant le coup d’envoi : Bizarre ! annonce la couleur hip-hop de la soirée. Un verre à la main, les spectateurs se désaltèrent tandis que sonnent les premiers mots de Mehdi Krüger.

Les rôles sont bien répartis : Ostax aux chœurs, à la guitare et aux cheveux, Mehdi au crâne lisse et à la poésie crâne. Le premier tisse des atmosphères sur lesquelles se pose la voix du second. Identité mélangée, errance dans la ville et dans la vie sont quelques thèmes chers au poète, qui brasse nos aspirations et nos doutes avec douceur. Son slam calme sait se faire fougueux quand le public le rappelle. Improvisateur virtuose, son débit s’accélère comme s’il parlait en prose et nous laisse le cœur battant, prêts pour les rythmes de Gaël Faye.

Entouré de Blanka aux machines et de Guillaume Poncet au piano et à la trompette, l’écrivain et slammeur ambiance la salle de son flow vibrant. Mains en l’air, enfants, grands-parents, entre deux âges, femmes, hommes, noirs, blancs ou arc-en-ciel, tout le monde fait bloc autour de Gaël Faye. Un peu enfant du pays puisque son père est lyonnais, il en profite pour tisser avec le public une complicité familiale et prendre des nouvelles des cousins. Que l’on soit déjà fan ou que l’on découvre, que l’on ait lu son roman Petit pays (prix Goncourt des lycéens 2016) ou pas, il est difficile de ne pas être séduit par la force tranquille de ce rêveur ambitieux. Entre moments de danse et slam posé, il révèle un sens de la scène qui ne trompe pas : c’est le hip-hop qui l’a mené à l’écriture et non l’inverse. Sa scansion précise et pulsée envoie ses mots comme des balles vers le public qui le lui revaut bien — chacun peut se retrouver dans son identité métis et ses envies d’ailleurs. Chantre tout comme Mehdi Krüger d’une France mélangée où le ici et l’ailleurs sont secondaires, il livre une musique résolument populaire, en phase avec son époque. La chanson d’aujourd’hui bat pour le slam, ce concert en est la preuve. Peu importent les courants, les chapelles, tant que le public est là, debout dans la danse, ouvert au chant du monde.

« Quand deux fleuves se rencontrent, ils n’en forment plus qu’un et par fusion, nos cultures deviennent indistinctes, elles s’imbriquent et s’encastrent pour ne former qu’un bloc d’humanité debout sur un socle » (Métis, Gaël Faye)

Le nouvel EP de Gaël Faye, Rythmes et botanique, sort le 14 avril. Ceux de Mehdi Krüger, L’écume des nuits et Saint-Germain d’après, est disponible en téléchargement gratuit (mais équitable) sur son site.

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