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Hexagone, bilan 2016 et feuille de route 2017

Jean-Claude Deret – © David Desreumaux

Une année débute, accompagnée de toutes les (bonnes) résolutions que nous certifions pouvoir tenir et que nous abandonnerons dès la semaine prochaine. Alors, avant d’envisager quoi que ce soit, avant de prendre des directions et des initiatives, revenons plutôt sur l’année 2016 qui vient de s’achever. Les seules certitudes que nous avons sont toujours derrière nous.

2016 s’est achevée comme elle avait commencé. Par une hécatombe dans le domaine de l’art et de la chanson en particulier. Je ne m’aventurerai pas à énumérer toutes les occasions que nous avons eues d’écrire de vilains « RIP » mais je mentionnerai simplement deux des plus récentes disparitions : celles de Jean-Claude Deret et de Pierre Barouh parce que ces deux artistes reflètent l’idée que nous nous faisons de la chanson et du spectacle à Hexagone. Un art de proximité, de simplicité mais d’exigence. Deret et Barouh avaient en commun une discrétion qui n’avait d’égal que leur grand talent. Qui n’avait d’égal peut-être que leur goût du partage avec l’autre. Leur engagement aussi. Deux gamins de 95 et 82 ans ont cassé leur pipe et vont laisser un grand vide, une faille, dans notre petit monde de la chanson. On se sent déjà en manque de repères, en mal d’assurance, mais ce sont les séparations également qui complètent les apprentissages. Même si on souhaite ces séparations les plus tardives possible.

Couverture n°2 Hexagone avec Jérémie Bossone et Batlik  – © David Desreumaux

Mais 2016 n’a pas fait que compter ses morts. Elle a enfanté également. Chez Hexagone notamment. J’avais annoncé la nouvelle au premier de l’an 2016 et neuf mois plus tard, en septembre, le mook était né. Une revue papier de 196 pages réalisée en 2016, un truc de dingues ! N’empêche, il faut voir les retours et réactions incroyables que l’on a reçus ! « Ils l’ont fait », beaucoup se sont exclamés. « Le rêve devenu réalité », ont dit d’autres. En fait non, pour être parfaitement lucides, ça ne commence que demain. Rien n’est vraiment commencé.

En effet, sortir un numéro un et un numéro deux (le numéro 2 ci-contre est disponible depuis peu), c’est formidable mais il faut dire, redire, rappeler encore et encore que nous n’en sommes qu’aux balbutiements et que le projet de revue Hexagone n’est pas gagné. Loin s’en faut, et je peux te l’assurer à l’heure où je termine le bilan financier 2016. Si l’on est très satisfaits de cet exercice, ces premiers bons résultats pourraient ne pas suffire à terme. Entrons dans les détails, rappelons la situation.

Hexagone est une association à but non lucratif. Nous sommes une bonne douzaine de rédacteurs-photographes-dessinateurs-maquettiste-relecteurs-administrateurs-comptable-secrétaires-touche-à-tout à oeuvrer régulièrement pour que paraisse chaque trimestre un numéro que nous souhaitons de la plus belle facture. Qu’ils soient tous remerciés ici pour leur implication. L’exigence est une marque de respect à l’égard du lectorat mais également vis à vis de nous-mêmes : qualité rédactionnelle, information de première main, qualité et originalité des photos, humour et impertinence, qualité graphique, etc. restent notre ligne de conduite immuable. Tout cela réclame beaucoup de temps, d’énergie, de disponibilité. Beaucoup de beaucoup en fait. Pour réaliser tout ça, ces quelques 1 255 158 258 654, 57 heures de travail par numéro, toute l’équipe est bénévole. En clair, personne ne touche un centime. C’est un premier problème, nous y reviendrons. Présentons les choses positives d’abord.

Askehoug – © David Desreumaux

Quand nous avons lancé le projet début 2016, nous n’avions rien en main hormis le désir farouche de faire cette revue. Aucune connaissance du milieu de la presse papier et du monde de l’édition, aucune connaissance des outils de publication de cette même presse. Rien, on était vierge de tout, on savait juste qu’un gros manque existait pour ce type de publication depuis la disparition de la fort regrettée Chorus. On s’est lancés dans un numéro zéro qui a mis quelques mois à sortir de terre avant de débouler sur la toile. Ce numéro zéro, c’était notre carte de visite, notre promesse, celle pour laquelle on se battrait et que nous tiendrions parce qu’on ne fait pas dans la politique. En avril donc – c’est fou comme tout se passe toujours un 14 avril (ou à peu près) à Hexagone depuis sa création ! – ce numéro zéro est lancé en version numérique. Comme au poker, pour voir, sauf que ce numéro était gratuit. En quelques jours, le numéro a enregistré plusieurs milliers de vues et les commentaires les plus encourageants ont commencé à nous parvenir. Il semblait donc qu’on ne s’était pas trompés, il y avait une attente.

Dès avril, nous avons commencé à enregistrer nos premiers abonnements sur nos seules promesses. C’était une marque de confiance que les lecteurs nous adressaient et cela a lourdement pesé sur l’envie de conduire ce projet jusqu’à sa réalisation finale. Huit mois après le lancement de ce numéro zéro, nous sommes fiers de t’annoncer que nous comptons au 31 décembre 2016, 450 abonnés. Ca peut te sembler peu à l’échelle de l’humanité. A l’échelle des amoureux de la chanson d’expression française, je trouve – à titre personnel – que c’est un démarrage des plus encourageants. Fier de cette annonce disais-je, fier également de te signaler au passage que de ce fait l’impression des numéros 3 et 4 est d’ores et déjà acquise. Tout cela, grâce à toi, espèce de gue-din de lecteur que tu es. Ne change rien, tu es parfait, et on te remercie mille fois.

Zaza Fournier – © David Desreumaux

Ces abonnements qui représentent la principale entrée financière sur 2016 n’est pas notre seule source. Nous avons eu sur les deux premiers numéros – et poursuivrons sur les suivants – recours à la publicité, dans une proportion raisonnable. Cette ressource demeure aujourd’hui un complément indispensable à la vie de la revue. Les annonceurs qui nous ont fait l’honneur d’encarter dans nos pages ont d’ailleurs bien compris notre démarche, ont saisi également l’importance qu’une revue comme Hexagone existe. Hexagone a besoin d’annonceurs, les annonceurs ont besoin d’annoncer. Si Hexagone existe, tout le monde est gagnant à l’arrivée. C’est ce message qu’il faut retenir. En premier lieu « nous » sommes heureux de faire vivre ce projet, ensuite le lecteur et l’annonceur sont satisfaits de voir une offre se diversifier et apporter un éclairage sur des artistes qui ne seraient peut-être pas éclairés ailleurs, de les éclairer autrement, ou tout simplement de les éclairer davantage, en complément des médias déjà existants. Nous évoluons dans un espace artistique relativement peu médiatisé, l’arrivée d’un nouvel organe papier ne peut être que salué positivement. C’est donc ce qu’il s’est passé en septembre. Les lecteurs ont applaudi, en ont redemandé. Les professionnels également, pour la plupart, ont salué publiquement notre arrivée. Pour conclure au rang des ressources financières, signalons que nous avons déposé des dossiers de demande de bourse à l’émergence de la presse et de subventions pour lesquels nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse. Mais ce chapitre reste très aléatoire…

Alors, quoi ? Tout va bien non ? Pourquoi me posais-je en Cassandre en début d’article ? Comme je disais plus avant, nous sommes aujourd’hui tous bénévoles, c’est la raison de la réussite temporaire de notre entreprise. Mais la situation ne pourra durer ainsi bien longtemps. Pour pérenniser la revue, il nous faudra créer rapidement un emploi à temps complet d’homme orchestre et probablement, dans un second temps, un temps partiel. Et les rédacteurs-dessinateurs-et-les-autres devront bien trouver une satisfaction, une gratification à un moment donné. C’est là que les choses se compliquent. Et sans cette création d’emploi indispensable, la revue ne pourra exister au-delà de 2017. Alors, tout est foutu ?

Planche « C’est pas sérieux » n°1 Hexagone

Non, rien n’est foutu mais il faut serrer les dents, poursuivre et accélérer les abonnements, consolider les annonces publicitaires et penser à d’autres rentrées potentielles (vente de photos, etc.). Générer un (petit) salaire en comprenant les charges revient en gros à 40 K€ par an, soit un peu plus de 700 abonnements à 55€ à ajouter aux 450 déjà enregistrés et qui permettent pratiquement d’imprimer et d’expédier les 4 numéros d’une année. Rien n’est foutu mais la situation est compliquée. Tu as donc ton rôle à jouer, Hexagonaute. Tu es déjà abonné(e), j’en suis sûr, mais continue à parler de nous autour de toi, va à la médiathèque de ta ville, montre-leur le mook, incite-les à faire une bonne oeuvre. Ca ne semble pas grand-chose mais c’est essentiel. On a constaté parmi nos principaux problèmes, celui de l’ignorance de l’existence d’Hexagone. Les gens qui sont reliés aux réseaux sociaux connaissent Hexagone, pas les autres. Ou peu d’entre eux. Il faut aller les chercher. C’est ce que font déjà quelques bénévoles formidables comme Daniel Maillot, Laure Lauvergeon, Chantal Bou-Hanna, Garance Bauhain, Nicolas Bacchus, Gilles Roucaute, Gilles Tcherniak et d’autres qui font entendre nos voix partout où ils en ont l’occasion. L’Hexagonaute n’est plus un simple lecteur, il devient acteur de sa revue. Nous avons besoin de cet écho, le plus largement possible. Donc, comme je disais plus haut, le rêve n’est pas encore devenu réalité. Il ne commence que demain et nous n’avons pas fini de nous relever les manches. On savait la partie compliquée. Nous l’avons bien entamée, nous sommes en droit d’espérer une réussite durable, mais il faut persévérer. Et c’est en se mettant à tout plein qu’on ira plus loin, plus longtemps. En tout cas, n’hésite pas à nous faire part de toutes tes remarques, de tes idées ou suggestions, de tes propositions d’aide ou de participation, en nous contactant ici.

Sur le plan du contenu, il faut que je dise deux mots également. Déjà, tu auras remarqué que nous avons modifié notre façon de travailler. Forcément, avec la création d’une revue sur papier, on ne publie plus indifféremment sur tous les supports. On a mis en place ce que l’on appelle chez nous un « média à 360° ». Ca veut dire quoi ? Ca veut dire utiliser tous les moyens de communication disponibles en ne conservant uniquement que ce qu’ils ont d’intéressant à proposer. Ainsi, sur le site (ici où tu me lis), on publie essentiellement des contenus en rapport avec une actualité immédiate ou proche : annonces de spectacles, programmations, retours vidéos ou photos, reportages concerts.

Bernard Joyet – © David Desreumaux

Sur Facebook et Twitter, on fait le relais de toutes les informations en lien avec cet Hexagone à 360°. Sur Youtube, tu continues d’avoir des petits bouts de concerts captés à gauche et à droite dans les salles de spectacle, y compris ceux filmés à La Blackroom, notre petite salle de concerts et de sessions privés. Enfin, la revue. Notre mook. C’est l’endroit où l’on se pose, où l’on prend le temps de s’entretenir longuement avec les artistes et acteurs du monde du spectacle. C’est le lieu où l’on peut être presque exhaustif, où l’on peut ré-introduire le Beau par le biais de chouettes photos imprimées sur un papier de qualité et épais. Ce n’est pas un retour vers un temps d’un autre âge, c’est, là aussi, une exigence vis à vis de soi-même. Ne pas verser uniquement dans la tendance du robinet d’informations ininterrompues du net, mais prendre le temps de discuter avec soi-même, une revue entre les mains. Je ne suis pas en train de dire que l’on ne peut pas entrer en réflexion avec internet, mais le fermer de temps en temps ne nuit pas.

Pour finir, je redirai qu’à Hexagone la chanson reste notre seul objet et le seul axe que l’on entend traiter tout en tachant de ne laisser aucune tendance sur la touche. Nous aimons la chanson, au sens large, toute la chanson. Qu’elle soit dite de patrimoine, littéraire, de variété, pop, rock, slam, rap, punk ou je ne sais trop quoi pas encore inventé, ce qui nous intéresse c’est que cette chanson ait quelque chose à dire et à offrir. Qu’elle soit chantée par un gamin ou par un aîné. On s’en moque, on ne fonctionne qu’à l’émotion, le seul « juge de paix » qui ne trahit pas. C’est à partir de celui-ci que l’on entend construire nos articles, délaissant de fait les projets moins enthousiasmants au profit de ceux qui nous enthousiasment. Louis Aragon écrivait : « La critique devrait, en matière de littérature, être une sorte de pédagogie de l’enthousiasme ». J’ai toujours considéré la chanson comme faisant partie de la littérature. L’académie du Nobel ne démentira pas.


 N’hésite pas à nous faire part de toutes tes remarques, de tes idées ou suggestions, de tes propositions d’aide ou de participation, en nous contactant contact@hexagone.me

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2 Commentaires

  1. « On savait juste qu’un gros manque existait pour ce type de publication depuis la disparition de la fort regrettée Chorus. » Quelle hypocrisie et quel manque de considération pour toute l’équipe de FrancoFans qui oeuvre depuis plus de 10 ans pour la scène francophone indépendante

    • C’est une grande méprise Audrey. Nous respectons considérablement le travail de FrancoFans, nous y sommes abonnés, mais nous ne faisons pas le même objet final, n’avons pas le même format, la même périodicité, la même approche. C’est autre chose tout simplement, sans aucun jugement de qualité ou de quoi que ce soit. Il n’y a ni hypocrisie ni manque de considération dans tout cela. Il suffit de nous lire pour le savoir.
      Je salue dans cet article également le travail de tous les « activistes » de la chanson. FrancoFans en fait partie, comme Vinyl, Nos Enchanteurs, Mandor, Claude Fèvre et son blog « Chanter c’est lancer des balles », Norbert Gabriel, etc. On a besoin de tout le monde et Hexagone souhaite davantage se poser en rassembleur plutôt qu’en diviseur. Comme beaucoup, et certainement comme l’équipe de FrancoFans, nous avons été affectés par la disparition de Chorus. Chorus a laissé un manque, c’est reconnaître leur travail que de le souligner. Reconnaître le travail des uns ne disqualifie pas celui des autres.

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