Mine de rien, Barrio Populo, ils étaient aussi bons les uns que les autres…

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La Mine de Rien - FGO Barbara 1/12/16
Crédits photos © Rodolphe Goupil

Soirée particulière ce premier décembre au centre FGO Barbara ; après douze ans de « groupe commun », les lyonnais de La Mine de Rien vivaient leur dernier scène ensemble. Et pour les accompagner lors de cet enterrement de première classe, aussi riche d’émotions positives que des funérailles à la Nouvelle Orleans, les potos de Barrio Populo avaient fait le déplacement de Saint Etienne. Le Mad aussi, mais Félicie n’étant pas disponible, il s’est acoquiné avec Rodolphe Goupil, dont les clichés illustrent ce live-report… Euh, reportage, reportage ! – Pfuii, l’est encore passé à ça de la lourde pour emploi prohibé d’anglicismes barbaresques, celui-là…

Lorsque mon fidèle assistant photographeu le Goupil et moi, nous nous avançons pour présenter nos billets exos, une femme, plus bon genre que réellement chic, nous prend de vitesse autant qu’elle prend de court le cerbère posté à l’entrée de la salle.

– A quelle heure commence le spectacle ? s’enquiert-elle.

Le salarié du centre, un rien engoncé dans son costard et sa cravate de fonction municipale, la regarde avec des yeux ronds.

– Vous voulez dire le concert ? Bah, à vingt heures trente…

– Mais il est vingt heures trente ! Ils sont en retard donc…

– Euh… bah, oui mais c’est comme ça et vous avez le temps d’aller boire ou manger quelque chose…

– Ah. Bien. Je vais faire ça alors.

La Mine de Rien - FGO Barbara 1/12/16
Crédits photos © Rodolphe Goupil

Le Goupil me jette un regard circonspect ; dans quelle galère l’avais-je donc entraîné pour cette première collaboration hexagonale… Si le public du concert ressemblait à ça, ça allait drôlement le changer de ses plans wak’n’roll habituels. Moi-même, qui venait d’entendre Yannick Châtelain, chanteur de La Mine de Rien, confier à une « spectatrice » qu’après il se la jouait solo, avec peut-être un gus aux machines « mais que cela restait avant tout chanson« , je commençais à me demander si ce soir, ça allait swinger à FGO… Le Goupil et moi sommes des pros ; on a signé, alors on fait le job quoi qu’il en coûte à nos esgourdes et on entre de concert dans la salle, tels les Starky et Hutch de la zik critique. Sans roulé-boulé quand même, on n’est pas doublé… Surprise ! En lieu et place d’amateurs de théâââtre vieillissants, une foule de jeunes, rassemblés en groupes éparses et déjà un brin excités. Dès l’extinction des feux, ceux-ci deviennent plus sages que des images, prennent des mines quasi extatiques et c’est dans un silence recueilli que le bien nommé Guillaume Dubois pénètre le premier sur scène et se lance dans une intro au sax. Yannick Châtelain, puis bassiste et batteur le rejoignent pour ensemble Faire face. Avec le jazzy Tes yeux noirs qui suit, le public se met à bouger dans tous les sens ; c’est pas l’pogo réglementaire mais ils se la donnent bien quand même.

La Mine de Rien - FGO Barbara 1/12/16
Crédits photos © Rodolphe Goupil

Rassurés nous sommes le Goupil et moi ; on risque pas de s’endormir ! Yannick, visiblement ému s’épanche sur cette aventure de 14 années qui se termine et est bien vite rassuré par les choeurs tonitruants  – « aux enfers !!!  » – sur Démons et merveilles. Il calme les ardeurs pour La vie est brève – « celle-là, on va avoir besoin de calme » – mais bien vite, toutes et tous sifflent à l’unisson avec lui. Josselin Doubliez le batteur passe sur le devant de la scène avec sa caisse claire pour « La tête allant vers », superbe titre orientalisant, qui déchaîne à nouveau les p’tits jeunes. Renaud Colominos prend lui la contrebasse sur L’envers du décor, un titre poignant dédié « à tous ceux qui fuient et atterrissent dans des villes dans des conditions misérables« . Nos deux compères de la section rythmique emmènent littéralement « Fils du vent » mais la clarinette crypto klezmer de Guillaume Dubois est la vraie reine de ce morceau. Quant à Yannick, si sa future formule solo ressemble à ce qu’il donne avec L’un contre l’autre, ballade ironique mi-reggae, mi-chanson, il ne va pas séduire que les chansonniers d’Hexagone, c’est moi qui vous l’dit ! Après une Petite voleuse limite funky, La Mine de Rien se transforme en trio rock pour Avec des Si. Retour à la klezmer attitude avec La boîte noire et aussitôt après, ils nous emmènent en Roumanie, inutile de préciser que tout le monde est du voyage. Yannick ne résiste pas à évoquer le fait « qu’on va tous crever et La Mine de Rien, c’est ce soir » pour A petit feu, mais avouez que c’est de circonstance… Autant que le rappel, pour lequel « tout en essayant de ne pas chialer« , nos quatre Mine de Rien poussent leurs Emmène-moi au soleil à l’unisson avec un public. Mine de rien, j’me sens vaguement couillon de découvrir un tel groupe alors qu’ils plient leurs gaules. M’enfin… La Mine de Rien est morte, Vive La Mine de Rien !

Barrio Populo - FGO Barbara 1/12/16
Crédits photos © Rodolphe Goupil

Après nous être acquitté – avec le sérieux qu’on nous connait – de notre pause syndicale autour d’une binouze, mon compère et moi rentrons à nouveau dans l’arène. « Dammed !« , qu’on s’dit in petto en notre fort intérieur, « y a plus un rat, les fans des mineurs se sont cassés…« . L’en faut plus pour impressionner les Barrio Populo. Arthur le batteur fait une entrée remarquée sur scène lançant la machine Barrio, suivi de Thomas à la basse et par Maxence à la guitare. Le reste de la troupe – Anthony et Antoine aux cuivres, l’autre Thomas aux percus et Yoann aux claviers -s’installe et quand Victor entonne ses Oh la la la, Barrio Populo ! en souhaitant la bienvenue au public, celui-ci bel et bien revenu, réagit au quart de tour. C’est comme ça à chaque fois avec les Barrio. Faut dire qu’ils envoient les p’tits gars de Sainté ; tous habillés de blanc pour leur set annuel à la capitale – faudrait voir à s’faire un peu moins rares quand même – ils n’ont pour autant pas perdu leur attitude frondeuse et leur franc-parler de va-nu-pieds. Pour preuves, Dan ce salut doux amer « à un copain » à eux, condamné d’office par la société. Ou Dunkerque, le brûlot de leur dernier album, qui surprend un temps le public par ses fulgurances qui fleurent bon le Noir Désir et qui se transforme presque en Emeute… Et que dire de leur hommage à leur cité de Saint Etienne et à des racines populaires auxquelles ils sont furieusement attachés. Ils l’ont prouvé avec leur spectacle « Cris d’écrits » – que l’on aimerait d’ailleurs voir un jour sur Paname – les Barrio Populo aiment à rendre justice aux grandes plumes de la littérature ; c’est à Prévert et à sa cène iconoclaste qu’ils donnent un coup de chapeau….

Barrio Populo - FGO Barbara 1/12/16
Crédits photos © Rodolphe Goupil

Après un Cuba caliente juste-ce-qu’il-faut, les stéphanois prouvent qu’ils sont tout aussi fortiches côté groove avec Foutu combat ; trombone, trompettes et percus s’emballent pour notre plus grand plaisir. Comme Ferré avant eux, les Barrio se payent le luxe d’adapter L’adieu d’Apollinaire et force est de constater que ça bouge un peu plus que dans la version du vieil anar de légende… Histoire de nous laisser respirer deux secondes, nous avons droit à une pause avec Fatima, chanson inspirée par une belle rencontre avec une vieille dame marocaine. Belle version également de ce titre issu de leur second album Kordobella, les cuivres rutilants soutiennent avec brio les inch allah de Victor. Orage et sa déferlante de guitares crée une rupture à laquelle nous nous adaptons bien vite. On a plutôt intérêt car Victor nous prend à nouveau par surprise en déclamant un magnifique texte sur fond de dub, un des plus beaux moments de ce set. Tout aussi gonflée, est l’adaptation pleine de vie de J’écris ton nom d’Eluard, avec laquelle ils concluent leur concert. Alors que le cerbère de la salle, pressé de nous voir tous dehors, cherche à nous déloger, je capte les échanges de quatre jeunes que j’ai aperçu bien bouger tout au long du set et qui s’extasiaient devant les textes. Mission accomplie pour vous les Barrio ; ils se font rares ceux comme vous, qui parviennent à allier des textes qui font vibrer nos coeurs et nos intellects, à un son qui nous fait bouger des pieds, et des mains, et la tête… Non, ça on l’a déjà écrit, pâté d’alouettes donc.

– Le Mad ! T’as pas pu t’empêcher de terminer par une co… billevesée, tu sors !

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