VIOT, « en chanson, j’ai toujours besoin de noircir le tableau »

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Adrien Viot, je l’ai découvert avant qu’il ne devienne VIOT. Il s’appelait alors AV et chantait Venus Bar, titre issu de son EP éponyme. Il avait déjà des accents de Bashung dans les cordes vocales, couplés à des arrangements électroniques. J’avais aimé cette faculté qu’il avait à nous embarquer dans un univers particulier, qu’on imagine se passer au beau milieu de la nuit, tantôt sous une lumière tamisée, tantôt sous l’agressivité des lampadaires. Sorte d’errance, sans visage, un peu floue qu’on a du mal à saisir, durant laquelle le temps n’a plus réellement d’emprise. Son second disque Astana est sorti le 8 avril, mais cette fois, il le dévoile sous son vrai nom. Un peu plus rock mais toujours plongé dans ce clair-obscur qui lui est propre, il traite davantage les émotions, celles un peu violentes, qui surviennent en fin de relation. Après l’avoir vu sur la petite scène du Truskel pour sa release Party, j’ai voulu en savoir un peu plus sur ce personnage qui dit “vouloir devenir un indien”.

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Photo Astrid Karoual

Hexagone : Tu as commencé par travailler à la radio, qu’est-ce qui a été le déclic pour passer de l’autre côté ?
VIOT : Je venais de banlieue parisienne et je voulais trouver un moyen d’entrer dans le milieu de la musique, de rencontrer des gens. J’ai alors fait une école de radio-journalisme. Durant mon adolescence, j’ai connu l’âge d’or de la radio, c’était un univers qui me faisait fantasmer depuis longtemps. En sortant de l’école j’ai été recruté à OÜI FM et  j’ai ensuite atterri sur d’autres radios beaucoup moins Friendly. J’ai fait ce métier pendant trois ans, puis j’ai eu le sentiment d’en avoir fait le tour. Aujourd’hui, je fais complètement autre chose et me consacre en parallèle à mon projet musical. C’est beaucoup plus épanouissant pour moi et je prends beaucoup plus de plaisir d’être sur scène que derrière un micro de radio.

Hexagone : Est-ce que travailler à la radio t’a aidé à te lancer dans la musique ?
VIOT : J’ai rencontré pas mal de musiciens grâce à la radio et ça m’a aidé à prendre confiance en moi. Quand j’ai commencé, je bégayais, j’étais timide. Ça m’a permis d’être plus à l’aise. Ça m’a aussi appris la séduction, car à la radio comme en musique, il faut séduire son public.

Hexagone : Tu as vécu à Manchester, ça ne t’a pas donné envie d’écrire en anglais ?
VIOT : Non, au contraire. Quand je suis parti en Angleterre, la langue française me manquait terriblement. Je n’ai jamais autant écrit en français que là-bas.

Hexagone : Qu’est-ce que tu retiens de ce séjour ?
VIOT : Je suis allé là-bas dans l’optique de me mettre en quarantaine. Je venais de travailler pendant un an dans une radio et l’épreuve avait été éprouvante. Je travaillais beaucoup et j’avais besoin de partir en Angleterre. J’avais des amis déjà sur place. C’était un moyen de m’isoler et en même temps de me confronter à la langue anglaise. Même si je n’écrirais jamais en anglais, c’est une langue que je voulais apprendre pour comprendre un certain nombre d’auteurs comme Nick Cave, Lou Reed ou des des auteurs appartenant à la beat génération.

Hexagone : AV ce sont les initiales qui signaient ton album Venus Bar et tu as entre temps changé pour signer de ton nom « Viot » ton nouvel album Astana. Pourquoi avoir changé de nom ?
VIOT : AV c’était une sorte de camouflage, une façon de faire les choses de manière non officielle. Avec Astana, c’était le moment de défendre mes chansons sous mon vrai nom. J’étais un peu plus à l’aise avec ma gueule et mes titres.

Hexagone : Qu’est-ce qui a changé entre temps ?
VIOT : Quand j’ai fait la chanson Venus Bar, je n’étais absolument pas prêt aux répercussions que cela allait avoir. C’était un accident. Ce n’était même pas une chanson que j’avais écrite pour moi. Même si je n’en fais pas encore mon métier, je n’imaginais pas que ça prendrait autant de place quand j’ai commencé la musique. Entre temps, j’ai beaucoup travaillé ma voix et mes textes et j’ai réussi à devenir moins pudique, à moins me cacher derrière un univers cinématographique et à écrire des chansons plus personnelles. Il y a eu un vrai pas en avant.

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Photo Astrid Karoual

Hexagone : Astana c’est assez mystérieux comme titre d’album. Pourquoi avoir choisi la capitale du Kazakhstan ?
VIOT : Astana sonnait comme un prénom féminin. Cela veut dire “capitale” et toutes les chansons peuvent se dérouler dans une capitale. Dans les grandes villes nous sommes naturellement plus exposés à l’infidélité, à la trahison, à la tentation. L’album est une allégorie entre une femme infidèle et une cité du vice.

Hexagone : Dans ton titre Devenir un indien, tu parles de trahison et en même temps tu as recours à une image assez enfantine qui est celle de l’indien. Il y a une sorte de dérision là-dedans, non ?
VIOT : À la base, je voulais écrire une chanson dans l’esprit du film De la guerre de Bertrand Bonello. Je voulais parler de l’état sauvage qu’on a tous en nous et qui peut ressortir dans des moments difficiles. Au final, je suis parti sur un tout autre délire. J’en ai fait une « murder song » assez pop et légère. Petit, j’ai toujours été un grand fan de westerns. Je suis revenu là-dessus un peu par accident avec cette chanson pop, l’une des seules d’ailleurs de l’album. C’est peut-être pour ça que c’est la plus sanguinaire..

Hexagone : La trahison est une thématique qui revient souvent. Penses-tu que l’amour est un jeu où on part forcément perdant ?
VIOT : Les Rita Mitsouko l’ont très bien résumé par « les histoires d’amours finissent mal en général », c’est probablement vrai. Je suis fasciné par la trahison, par la rupture car cela symbolise la renaissance. Ces étapes nous font devenir quelqu’un d’autre. Dans l’album, je me mets dans différents rôles, parfois je prends la place de la personne en face de moi. Je dois être un peu maso.

Hexagone : On sent une inspiration très Bashungienne dans tes compositions notamment au niveau de ta voix. Qu’est-ce qui te plaît autant dans le style de Bashung ?
VIOT : Je suis un grand fan de cinéma et Bashung c’est quelqu’un de très intéressant car il construit ses albums comme des films, avec des castings différents pour se renouveler à chaque disque. Il trouve un angle et un concept différent à chaque fois. Avant d’être un chanteur fascinant, c’est surtout sa discographie qui est fascinante. Comme il y a plusieurs Neil Young, Dylan, ou Bowie, il y a plusieurs Bashung, tant dans sa voix que dans ses albums. J’ai eu la chance de le voir 4 ou 5 fois en live et il est incroyable. C’était un vrai chaman. Il fait partie, même sans le vouloir, des héros de mon enfance qui passaient à la radio avec Bowie, Prince, Gainsbourg ou les Cure.

Hexagone : Dans ta chanson Métier, ce désir d’écrire/jouer est comme un cri. Est-ce que ça a toujours été évident pour toi d’écrire et de jouer ?
VIOT : J’ai commencé à écrire quand j’ai eu ma première histoire d’amour au lycée. Je lisais beaucoup de poésie. J’étais assez timide et le seul moyen pour moi d’atteindre les filles, c’était d’écrire des poésies, des lettres d’amour. La suite logique quand on écrit de la poésie, c’est d’être un peu mégalo, d’écrire des chansons et de prendre le micro. C’est une chanson cynique car le métier de chanteur ou d’artiste n’existe pas vraiment. On n’a pas de salaire à la fin du mois, il y a une précarité qu’on retrouve dans peu de domaines. Il y a un peu d’humour là-dedans et en même temps, c’est un cri de frustration et de désespoir.

Hexagone : Est-ce qu’il faut souffrir pour écrire ?
VIOT : Ça dépend ce que l’on écrit. Quand on écrit des chansons romantiques oui, mais quand on fait de la chanson pop pas forcément. Picoler et discuter avec les copains, permet parfois de déclencher une chanson. Les chansons romantiques sont aussi une façon de se confronter à sa frustration, mais sans pour autant d’aller dans quelque chose de complètement cliché.

Hexagone : Ton écriture est plus mûrie ou impulsive ?
VIOT : Pour ma part, l’idée est impulsive et ensuite j’essaye de réfléchir à un angle, à un vocabulaire, à un mot qui va déclencher le reste de la chanson. Gainsbourg disait : « Si on a le titre de sa chanson et l’idée, on a fait 90% du boulot. » Et c’est complètement vrai.

Hexagone : Après ta release party, tu as passé quelques jours en studio, déjà en préparation d’un nouvel album ?
VIOT : Oui, je prépare un nouvel album plus éléctro, je vais essayer de le terminer cet été . Il devrait sortir l’année prochaine.

Hexagone : Quels sont tes prochains projets, tes prochaines dates ?
VIOT : Je vais faire  un concert-anniversaire au Glazart, le 27 juillet et probablement un concert à la rentrée. J’ai une date à Bordeaux le 11 juin et après je vais travailler sur le prochain album pour pouvoir proposer un titre en début d’année prochaine. Je vais également prendre le temps d’écrire pour des personnes qui me l’ont demandé ces derniers mois.

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