Amélie les Crayons, « j’aurais du mal à vivre loin de la mer »

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Je me souviens très bien du 14 décembre 2014. Bon, le 14 décembre c’est mon anniversaire, à la longue c’est bien enregistré. Et cet anniversaire là, je l’ai fêté avec ma compagne en allant au Transbordeur, une belle salle lyonnaise, pour le concert d’Amélie les Crayons. Invitée par Frédérique et Marc d’A Thou Bout d’Chant, elle achevait à Lyon, sa ville, une très longue tournée avec son dernier album, Jusqu’à la merUn an plus tard, j’ai fait la connaissance de Bruno Cariou le fondateur de Neômme, le label lyonnais d’Amélie, qui a également sous son aile Sarah Mikovski que j’ai rencontrée pour Hexagone il y a quelques semaines. Bruno m’ayant annoncé le passage d’Amélie, qui vit depuis 7 ans en Bretagne, je me suis dit que c’était l’occasion de parler avec elle de ses années lyonnaises, de la Bretagne et de son actualité musicale la plus récente. Avec une grande gentillesse elle a accepté ce rendez-vous, et nous avons longuement échangé dans un bar de la Montée de la Grande Côte, un axe emblématique de la Croix-Rousse lyonnaise qu’Amélie connaît très bien. Elle exprime joliment son amour de Lyon et de la Bretagne et raconte les expériences musicales qu’elle y vit avec simplicité. J’ai pris depuis rendez-vous avec Bruno Cariou, pour qu’il vienne présenter ici son label, à l’occasion d’un beau rendez-vous qu’il donne au public lyonnais en février prochain. En effet les 19 et 20 février, Amélie les Crayons et les artistes de Neômme seront sur la scène d’A Thou Bout d’Chant pour deux soirées programmées par la nouvelle équipe de la rue du Thou.

Photo Thomas Gasparetto
Photo Thomas Gasparetto

Hexagone : Quels sont tes rapports avec Lyon et la Bretagne ?
Amélie : Je suis arrivée à Lyon en 1999 en provenance de Vienne en Isère où je suis née. Je ne suis pas bretonne mais ma mère l’est. Ma grand-mère a fini ses jours en Bretagne, il y a quelques années et j’ai passé beaucoup de vacances là-bas, dans les Côtes d’Armor, en Centre Bretagne. Je suis venue faire mes études à Lyon après le lycée de Saint Romain en Gal. J’étais donc à l’Université Lyon 2 en Lettres et Arts du spectacle, option Théâtre. J’ai eu une maîtrise en Arts du Spectacle.

Hexagone : Tu es arrivée à la chanson par hasard.
Amélie : Oui, tout à fait par hasard. Ca s’est fait malgré moi. J’écrivais de petites chansons depuis l’école primaire dès que j’ai commencé à savoir écrire. J’inventais des paroles sur des musiques que je connaissais. Les chansons que j’avais écrites pour des copains m’ont un peu échappé. Je les ai faites écouter un jour à Bruno Cariou (ndlr : le fondateur du label Néômme), en 2001. Il m’a dit aussitôt « si tu veux les chanter, je veux bien te filer un coup de main.»

Hexagone : Que reste-t-il comme souvenirs marquants des 15 années que tu as passées à Lyon ?
Amélie : Je me sens vraiment appartenir à cette ville. Il y avait à l’instant une lumière merveilleuse qui éclairait la Confluence dans le lointain, quand je descendais la Montée de la Grande Côte, et c’était magnifique. C’est une ville où tout est beau partout, dans les recoins comme dans l’ensemble. Il y a quelque chose d’esthétique et de fort. Et j’y retrouve chaque fois tellement de gens que j’aime. Mon cœur est là, c’est ma ville. Aujourd’hui, j’habite à la campagne mais il n’y a qu’en ville où l’on peut être tous les soirs dans un lieu différent, rencontrer toutes sortes de gens, écouter de la musique dans un endroit incongru. Quand j’y étais, Lyon foisonnait pas mal et c’était utile tout simplement pour chanter. Au début des années 2000, c’était aussi l’émergence de ce qu’on a appelé la « nouvelle scène française.» J’ai donc commencé avec un piano au Café de l’Harmonie. Ce qu’il y avait d’original c’était d’être une femme auteur-compositeur-interprète. On était peu nombreuses à l’époque. Bien sûr, il y a eu Anne Sylvestre, ensuite Linda Lemay, Clarika et enfin cette génération du début des années 2000 avec Jeanne Cherhal, Emilie Loizeau, et puis Camille bien sûr.

AmelieLesCrayons2009_FrancisVernhetHexagone : Quels souvenirs gardes-tu des scènes lyonnaises ?
Amélie : Je me souviens bien sûr de ma première scène au Café de l’Harmonie qui ne doit plus exister aujourd’hui. J’étais toute seule au piano et j’ai été moi-même spectatrice de mon spectacle puisque je ne l’avais encore jamais joué devant un public. Là, j’ai vraiment pris conscience que c’était quelque chose que je savais et que j’aimais faire. Etre sur scène et chanter des chansons, c’était pour moi tout à fait naturel. Certes j’avais fait du théâtre mais ce spectacle était vraiment nouveau pour moi. Je n’étais pas du tout intimidée et c’était vraiment très impressionnant. Le premier grand concert devant 200 personnes s’est passé ensuite au café Le 203, à l’Ovale, rue Garet, pour fêter l’arrivée du premier EP. Les gens avaient souscrit pour cet album et on le distribuait ce soir-là. C’était vraiment le premier vrai concert. On était très peu connu, et 200 personnes, c’est beaucoup pour notre sixième concert. Pour la petite histoire, mon docteur était dans la salle, un docteur sur lequel j’avais écrit justement Mon docteur, et c’est à la fin du concert que je me suis aperçu qu’il était là avec sa femme qui était enceinte…. et l’enfant est né le lendemain. C’était un concert chargé d’émotions car mes parents aussi étaient là, ainsi que tous mes amis d’enfance. Plus tard, il y a eu le théâtre romain pour les Nuits de Fourvière en 2004 et le théâtre antique de Vienne en 2006, pour le Festival « Les Authentiks ». Le théâtre antique de Vienne, c’était chez moi, et quand j’étais petite, j’y avais chanté avec la chorale de l’école. Ce sont-là deux endroits vraiment extraordinaires dans un cadre chargé d’histoire. Le public y enveloppe la scène. C’est très fort. Il y a eu aussi A Thou Bout d’Chant. Je venais de changer de musiciens et c’était donc une nouvelle équipe avec qui j’ai découvert ce jour-là ce que je pouvais faire.

Hexagone : Tu avais chanté à l’époque une chanson avec Vincent Gaffet sur son premier album.
Amélie : Je suis très contente qu’il ait recommencé à chanter avec son nouveau projet -Vous-. Vincent est un auteur extraordinaire. On a eu l’occasion de faire ensemble un projet formidable. Nous sommes partis 3 semaines au Québec pour créer là-bas un spectacle avec des québécois qui sont venus ensuite créer un spectacle avec nous en France. Ca s’appelait le Grand Huit, et c’était merveilleux : nous étions 4 français et 4 québécois. La semaine dont je sors est chargée de rencontres comme celles-là. Car c’est tellement important de pouvoir rencontrer d’autres artistes et de pouvoir partager les choses du quotidien de notre métier car nous sommes très solitaires la plupart du temps.

Hexagone : Tu reviens du Train Théâtre de Portes-lès-Valence ?
Amélie : C’est un projet qui s’appelle « Chansons primeurs » dont l’idée vient d’Ignatus qui est lui-même auteur-compositeur-interprète. Il a créé il y a quelques années un spectacle qui s’appelle Sous la contrainte pour montrer qu’on peut écrire des chansons « sous la contrainte ». Il a proposé à plusieurs ACI de venir s’enfermer ensemble pendant trois jours et d’écrire des chansons qui seront présentées au public le 4ème jour. C’est une épreuve terrible de se trouver de cette façon devant des spectateurs. On a pourtant accepté de le faire une première fois à Nantes et ça a été une belle expérience qu’on vient de recommencer au Train-Théâtre avec Pauline Croze, Lili Cros et Thierry Chazelle, Buridane, Marie Normand (Cap au Nord), Hervé Peyrard (Chtriky), Pierre-Yves Serre (Horla). Ignatus était le maître de cérémonie et nous fixait les contraintes. Par exemple le premier jour il nous a demandé d’écrire un texte sur quelque chose qui nous énerve. On écrit nos textes, on se les lit. Il nous a proposé ensuite d’écrire des chansons sur des thèmes bien définis : un champ lexical de la montagne et de l’autre côté une sonorité qui se rapproche du mot montagne. Ensuite, on croise les deux listes de façon à produire des choses incongrues avec ces deux ensembles…. par exemple matinée avec rappel. Et c’est là qu’on se rend compte que la poésie naît souvent d’associations incongrues. En une heure on devait faire un texte avec tout ça et l’après-midi quelqu’un écrivait une musique sur ces paroles. On a tous une personnalité musicale différente et on a souvent du mal à en sortir. Et là, c’est génial d’avoir une autre manière d’aborder les mots, l’harmonie, la mélodie et la rythmique. Le concert final s’est hyper bien passé. On a répété un peu le 4ème jour mais on est extrêmement fragile. On a nos textes sur scène, on se plante, on recommence….C’est une présentation de travaux d’atelier inachevés et c’est très beau à voir nous ont dit les spectateurs. Ensuite certaines chansons peuvent se réinsérer dans le répertoire de chacun et je vais peut-être garder la chanson que j’ai écrite pour mon prochain album.

Hexagone : Pourquoi as-tu quitté Lyon pour aller t’installer en Bretagne?
Amélie : La Bretagne a toujours représenté pour moi les vacances. C’était un peu un fantasme de petite fille que d’aller vivre à l’endroit où l’on passe ses vacances. J’ai donc fait le pas, ce qui n’était pas évident pour moi. Je ne le regrette pas car je ressens un attachement fort à cette culture et à cette terre-là. Et j’ai fait la rencontre de la mer, et ça c’est assez incroyable comme relation, et, aujourd’hui, j’aurais du mal à vivre loin de la mer. Certes tous les gens avec qui je travaille sont à Lyon, en dehors de l’ingénieur du son qui est venu s’installer pas loin de chez moi. Mais aujourd’hui c’est simple de travailler à distance. Quand je viens à Lyon je fais 25 répètes, 15 réunions et voilà.

Photo Dupertuis
Photo Dupertuis

Hexagone : La musique bretonne compte pour toi ?
Amélie : Oui, vraiment. Les Filles des Forges de mon dernier album peuvent être dansées. Et je danse moi-même les danses bretonnes. Et la musique bretonne m’influence depuis toujours. Dans Mon ami, du dernier album, il y a aussi une influence irlandaise. Cela fait maintenant 7 ans que je suis en Bretagne et cet album, Jusqu’à la mer, parle de la mer et de ce pays qui est complètement magique. D’ailleurs tout est magique là-bas… irréel. Dès qu’il y a une petite brume, ou un petit vent, le paysage devient tout de suite surnaturel. Pour moi, c’est ça la Bretagne ! Et puis c’est pas du tout la même énergie avec la mer, le granit…. c’est beaucoup plus mouvementé. Ca peut être plus difficile à vivre parfois, mais en tout cas il se passe toujours quelque chose.

Hexagone : Tu as pu chanter en Bretagne ?
Amélie : J’ai chanté en Loire Atlantique mais je ne suis pas encore allée dans le bout du Finistère. Quand j’habitais dans les Côtes d’Armor, j’ai travaillé pendant 2 ans avec une salle, à Trégueux, à côté de Saint Brieuc, où j’étais artiste associée. On a fait plein de projets incroyables avec cette salle. J’ai fait de la musique en live pour un ciné-concert sur des films d’animation pour enfants. J’ai fabriqué avec Lili Cros un spectacle de théâtre et chansons. Et j’ai monté un trio de théâtre de rue avec 2 copines, Marion Rouxin et Johanna Rousset. C’était des commandes de cette salle de Trégueux. Et maintenant, je peux y retourner quand j’en ai besoin.

Hexagone : As-tu fait connaissance avec la nantaise Delphine Coutant ?
Amélie : Elle a participé avec moi à la première expérience de « Chansons primeurs » à Nantes. Elle est incroyable cette fille. Elle a deux métiers puisqu’elle est aussi paludière à Guérande où elle fabrique du sel. Et c’est elle qui a écrit la musique d’une des chansons que j’ai faites là-bas.

Hexagone : As-tu un projet de nouvel album ?
Amélie : Un nouvel album est prévu. Je suis en train de l’écrire tranquillement mais dans un an il y aura du nouveau…

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