« Oh ! Tant que je tangue / Yes ! je parlerai d’amour / D’un écho sur ma langue / Sans faire un long discours » prévient Eric Guilleton en ouverture de son nouvel opus, Ces temps d’errance, paru tout récemment.
Comme il est mentionné en quatrième de couv’ du livret, l’album a été « enregistré à l’ancienne au Théâtre d’Etampes, les 2 et 3 septembre 2014. » A l’ancienne peut-être mais pas n’importe comment ni avec n’importe qui. Ô magie du festival de Concèze et de ses rencontres aussi flamboyantes que créatrices, c’est l’Ensemble Déc’OUVRIR dirigé par Etienne Champollion qui a mis ce disque en boîte.
La chaleur de l’ensemble à cordes (violon, violon alto, violoncelle et contrebasse), associée aux claviers, clarinette et cor d’harmonie, viennent draper comme du satin les textes d’un Guilleton qui peaufine tel l’artisan sourcilleux. Le verbe est beau, profond, puissant comme du vécu et passé en bouche jusqu’à son polissage ultime. La voix intense et boisée réinvente Molière façon amerloque. Le son nourrit le sens et le sens s’inspire du son.
Une chanson d’Eric Guilleton, c’est un morceau de vie, des éraflures, une peinture à l’image fulgurante qui ne puise pas son inspiration mais la laisse s’imposer. « Les soirs de sky sans ciel / Les jours où fumer tue / Quand je me ramasse à la pelle, » raconte-t-il sur L’eau de feu. Ce sont ces soirs-là que la muse est convoquée et magnanime accorde sa plume au poète. La muse s’appelle Pierrot comme il le chante à renfort d’images au refrain : « Oh ! Mon ami Pierrot / Prête-moi ta plume / J’ai l’âme à l’enclume / La rime à zéro. »
Plonger dans les Temps d’errance de Guilleton, c’est certes parler d’amour – qu’importe si l’on tangue – mais c’est aussi se faire la promesse de l’écoute. La promesse d’une forme de compassion à l’égard de celui qui ne possède plus que ce qu’il a perdu. Errer humanum est.