Buridane, « jouer c’est la seule chose qui compte »

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Photo Claude Gassian

Buridane, je l’ai découverte sur scène en 2009 au Festival Brassens de Soucieu-en-Jarrest, non loin de Lyon. Rouennaise, elle assurait la première partie d’un autre Rouennais, Allain Leprest. Elle chantait alors depuis 2 ans seulement et on sentait déjà la forte personnalité de cette jeune artiste. Pour Hexagone elle m’a proposé de nous retrouver au Sofffa, le premier « anticafé » lyonnais (Payez au temps, consommez à volonté!), un nouveau concept de bar du bas des Pentes de la Croix-Rousse. Buridane s’apprête à ouvrir la première saison de la nouvelle équipe d’A Thou Bout d’Chant, les 17 et 18 septembre. C’était une belle l’occasion d’évoquer avec elle ses débuts à Lyon dans la chanson. Pour la suite de son parcours, on a déjà convenu de se retrouver au moment de la la sortie de son second album, très probablement en 2016.

Photo Claude Gassian
Photo Claude Gassian

Hexagone : L’événement chanson de la rentrée à Lyon ce sont tes 2 concerts à A Thou Bout d’Chant où tu ouvres la première saison de la nouvelle équipe. Faisons d’abord un petit retour en arrière. Comment as-tu connu A Thou Bout d’Chant ?
Buridane : Je viens de Rouen et je suis arrivée à Lyon en 2003 pour y faire une formation de danse, car je voulais devenir danseuse. J’ai manqué d’un peu de ténacité pour m’engager professionnellement dans ce métier. L’écriture a alors été pour moi le liant entre la danse et la chanson. Etant quelqu’un de très timide, je me suis dit que ça serait une jolie façon de se faire violence que de faire des chansons. Et puis j’avais vraiment envie de garder ce contact avec la scène. J’ai donc passé une audition au conservatoire de Lyon en « musiques actuelles » pour me mettre à l’épreuve. J’y ai été admise en 2007. La même année j’ai été lauréate du tremplin « Et en plus elles chantent ». Dans le jury se trouvait Olivier [Boccon-Gibod] de Caravelle*. Quelques mois plus tard, il est venu me proposer de travailler ensemble. Le comble pour une danseuse, c’est que je ne me suis jamais sentie aussi handicapée avec mon corps que lorsque je me suis retrouvée à chanter sur scène : il faut dire que chanter avec une guitare dans la main et un micro devant soi, ça réduit les capacités gestuelles. Mais je crois que je vais revenir à ce premier amour d’une façon ou d’une autre**… Je lui tourne autour.

Hexagone : Ta première scène c’était donc au Kraspek pour le tremplin « Et en plus elles chantent  » ?
Buridane : Non, c’était à A Thou Bout d’Chant. Ce concert intégrait le cursus du Conservatoire. Les débuts étaient des expériences assez éprouvantes et pendant deux ans je me suis même demandée si c’était un métier taillé pour moi. C’était une véritable violence, mais pas une violence destructrice. Une violence qui allait me construire. J’ai donc persisté et, sans dire que je m’y suis habituée, la peur est devenue de moins en moins paralysante, voire carrément moteur. A Thou Bout d’Chant étant un lieu réputé pour défendre la chanson française, presque dans une forme de résistance, c’était une vraie fierté que de pouvoir y faire mes premiers pas.

Hexagone : Tu avais déjà des chansons toutes prêtes pour cette occasion ?
Buridane : Pour passer l’audition d’entrée au Conservatoire il fallait présenter un répertoire personnel. Tout cela était très frais et balbutiant. Je devais en avoir une petite dizaine, j’avais fait un peu de guitare classique étant enfant mais ça s’arrêtait là. J’ai donc appris toute seule à m’accompagner, en repiquant à l’oreille des chansons de chanteurs que j’aimais bien. J’ai appris à force de concerts.

Hexagone : Et l’écriture du texte d’une chanson, tu as appris toute seule ?
Buridane : Ecrire c’est la pierre fondatrice. J’avais envie d’exprimer des choses. La chanson permet la poésie, la pudeur, la sublimation, la frontalité. C’est une vraie soupape, une décompression, une façon d’exorciser des choses. Pour moi c’était donc en effet d’abord écrire, et mettre ces textes en musique, une façon de pouvoir les partager. Besoin que ce soit dit et de faire entendre ma voix.

Photo Claude Gassian
Photo Claude Gassian

Hexagone : Tu n’as pas pensé à devenir romancière un jour ?
Buridane : Oui j’en ai envie. Mais il est pour moi plus facile d’écrire un format court qu’un roman. J’aurais peur de me diluer dedans. Pourtant arriver à tout dire dans une chanson est un exercice pas simple, et cette nécessité de devoir aller à l’essentiel peut être parfois frustrante. Le roman demande une certaine rigueur un peu mathématique dans la construction que je n’ai pas. Bien que ça me travaille quand même.

Hexagone : Tu avais écouté beaucoup d’artistes avant de commencer à écrire tes propres chansons ?
Buridane : J’ai commencé à écouter de la chanson au lycée. C’était à l’époque l’essor de la nouvelle scène française : Vincent Delerm, Pauline Croze, Keren Ann, La Grande Sophie… Et puis il y a eu un déclic avec Batlik. Je me suis dis « la chanson française ça peut être ça aussi, on peut dire tout ça ». Il y avait là quelque chose d’assez effronté et hors cadre dans la construction, les thèmes choisis, la façon d’en parler. Quelque chose de très différent de la chanson « de variété ». Depuis je l’ai rencontré et j’ai eu l’immense honneur d’être invitée par lui ( sur Myspace !) à faire sa première partie au Zèbre de Belleville à Paris. C’était une reconnaissance d’un père/pair qui était valorisante et qui me disait « Continue, tu as le droit d’être là. »

Hexagone : Tu as été beaucoup aidée par Caravelle et Olivier ?
Buridane : J’ai appris à distinguer « se sentir redevable » et « être reconnaissant ». J’ai donc une reconnaissance infinie (et donc une fidélité solide) envers Olivier et l’équipe de Caravelle. Ils ont été là dès le début, à une époque où il y avait encore beaucoup de travail, et sont encore là sept ans plus tard, m’ayant permis entre temps d’aller aux Chantiers des Francos, de sortir des EP, de rencontrer Sony mon éditeur et le label Believe. Les relations ont toujours été saines, stimulantes, transparentes. Caravelle aujourd’hui s’est muté en Horizon, et je suis heureuse de faire toujours partie du bateau. Ça a beaucoup de valeur, dans une période où les partenaires ont tendance à n’être excités que par la trouvaille, et à zapper l’artiste une fois la phase émergence un peu épuisée. Je compare ça aux histoires d’amour ; au début c’est génial et la phase ascendante est assez évidente et puis arrive un moment où ça devient plus compliqué, où il faut redoubler d’efforts, renouveler son choix, entretenir la confiance et ne pas se lasser lorsque nous nous retrouvons dans une phase de travail souterraine et moins valorisante. Je trouve ça fort et courageux.

Hexagone : Tu as beaucoup fréquenté le Kraspek à Lyon également ?
Buridane : En effet avant de travailler avec Caravelle c’est Pascal Valy du Kraspek (fondateur du tremplin « Et en plus elles chantent » et du label Poon) qui m’a « prise sous son aile ». Venant un peu de nulle part je me suis retrouvée au milieu de cette famille « punk », qui m’a ouvert grand ses bras et donné la confiance nécessaire pour oser prendre une place dans ce métier.

Photo Claude Gassian
Photo Claude Gassian

Hexagone : Tu gardes donc toujours le contact avec ces petites scènes lyonnaises ?
Buridane : Je ne suis pas quelqu’un qui oublie. Ces gens m’ont poussée, donné confiance. Tout cela compte et a contribué à ce que je suis devenue aujourd’hui. Et puis Lyon reste une ville de cœur et Paris est beaucoup trop grand pour moi !

Hexagone : Et comment as-tu occupé les deux années de « répit » que tu viens de vivre ?
Buridane : Ca m’a permis d’aller chanter à l’étranger : au Japon, au Canada, en Allemagne, en Russie. Je n’ai jamais autant voyagé de ma vie. J’ai aussi donné des ateliers d’écriture de chanson dans des prisons, des collèges, des maisons de quartier, un peu partout en France. Me rendre compte que j’avais envie de transmettre et que j’en étais capable a été une expérience fondatrice. J’ai vécu des moments très denses et très intenses, très différents les uns des autres. J’avais une hypothèse que j’ai pu confirmer : n’importe qui est capable d’écrire pour peu qu’on lui donne confiance. Ça n’a pas de prix que de voir des gens émerveillés et surpris d’eux-même. Je sais que la musique fait du bien, mais je me suis sentie utile autrement. Le fait d’être moins sur la route m’a donné aussi du temps, pour intégrer et accepter (pas encore tout à fait !) que ce métier est fait de pleins et de vides. Ce qui m’a permis d’investir des zones de ma vie plus personnelles qui étaient en jachère…

Hexagone : L’équipe d’A Thou Bout d’Chant est donc venue te chercher ?
Buridane : J’avais déjà croisé Lucas [Roullet-Marchand ] et j’étais ravie d’apprendre que ce soit lui qui reprenne A Thou Bout d’Chant. J’ai eu très envie de dire oui, une façon de soutenir leur démarche, qui semble suivre l’engagement de Marc [David]et Fred [Gagnol]. Je serai en solo et ce sera pour moi l’occasion de confronter quelques nouvelles chansons au public lyonnais dans une proximité toujours impressionnante. C’est aussi une façon de dire « je n’oublie pas », qu’avoir eu le bonheur incommensurable de jouer par deux fois aux Nuits de Fourvière, sincèrement sans démagogie, n’efface pas le reste. Parce que jouer c’est la seule chose qui compte.


*Caravelle est un tourneur et producteur de concerts lyonnais qui a travaillé jusqu’il y a peu avec Sloe Joe, Coralie Clément, Radio Elvis, Lior Shoov et quelques autres. Olivier a quitté Caravelle et créé Horizon dont aura j’espère l’occasion de parler prochainement sur Hexagone .

**On peut en voir une sorte d’ébauche sur des vidéos accessibles sur Dailymotion comme celle de Sauvage


A Thou Bout d’Chant

2 rue de Thou 69001 Lyon

Tarif
Plein tarif | 15€
Tarif réduit | 10€

+ 2€ d’adhésion annuelle au premier concert

Abonnement
5 spectacles (dont 1 maximum au tarif 15€) | 34€
Abonnement illimité saison 2015-2016 (septembre à juin) | 150€

Réservations
Sur notre site internet www.athouboutdchant.com
Par téléphone au 07 56 92 92 89 (nom et nombre de place à indiquer sur le répondeur)
Autres points de vente | FNAC – BilletReduc

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