Lise Martin & Danny Buckton Trio, pas que beaux sur un bateau !

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Photo David Desreumaux
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Hexagonaute salut. Ca y est, on est en juillet. Suffit de passer le tarbouif à la fenêtre pour s’en rendre compte tu me diras. 40° à Londres et un peu plus au soleil. Y a de quoi avoir envie de rester les doigts de pieds en éventail à siroter une petite fraicheur de saison. Mais moi, les doigts de pieds en éventail, j’aime pas ça. Faut que ça bouge et même quand le bon Dieu te caillasse de ses rayons de feu, moi j’y vais dans les salles ! En plus, souvent, y a la clim. Alors, le plus dur, c’est d’y arriver. Jeudi soir, j’ai à nouveau embarqué sur le Bateau El Alamein, sur le Quai Mauriac. A Paname. Une belle affiche que je voulais surtout pas rater et qui était tombée à l’eau il y a quelque temps à cause de la crue de la Seine. Donc, comme elle avait dégonflé la Seine, c’était hier le concert. Danny Buckton Trio pour ouvrir la soirée et ensuite Lise Martin pour la fermer. La soirée je veux dire.

Photo David Desreumaux
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Je vais pas en écrire des kilomètres, il fait chaud et je vais choper des ampoules au bout des 2 index qui me servent à taper sur ce clavier sinon. Mais je vais te dire quelques mots quand même, histoire que tu sois pas venu pour rien. Danny Buckton Trio d’abord. Je les ai vus pour la première fois à Taparole le mois dernier. Comme ça, en plein dans l’après-midi à l’heure où souvent le public pense plus à boire des bières qu’à voir des concerts. Mais là, il était là le public et moi aussi, et on regardait cet étrange trio enchainer des chansons bien fagotées comme une lycéenne à la rentrée des classes. Du coup, j’ai voulu les revoir. Pas les lycéennes. Danny et sa bande. Pareil. Séduit pareil j’entends. Le Danny déjà, avec sa tronche mi-Brassens mi-Lapointe, il abat un boulot de Titan sur scène. Je dis ça parce que c’est pas évident de s’en rendre compte sur l’instant mais c’est une pointure sur les planches ce gars-là ! Il tient son sujet avec maîtrise et s’il est habile guitariste, il n’en est pas moins bon comédien. Il donne corps à des chansons où le raffinement le dispute au burlesque, parfois, comme sur Le facteur (cf. vidéo filmée à TaParole) qui n’est pas sans nous rappeler Tati. Jacques, pas le soldeur. Cette chanson donne une image assez juste de ce qu’est ce trio. Déjà, simuler un orgasme sur une scène, moi j’avais jamais vu ça avant. Tu avoueras que c’est glissant et casse-gueule mais Danny simule très bien et le public prend plaisir.

Aux talents du chef Sioux du groupe sus-évoqué, il faut ajouter ceux des deux garçons qui l’accompagnent. Sans eux, rien ne serait exactement pareil. Eux, c’est Côme aux percus et guitare additionnelle et Renan aux baryton, mélodica et métallophone. Le métallophone, c’est comme un carillon comme on appelait ça au collège en cours de musique, mais pour des types qui savent s’en servir. Ce Renan, avec son groove, ses petits instrus et son air de pas y toucher, il apporte une couleur et un dynamisme épatants. Comme Côme. Voilà pour Danny Buckton Trio dont je te reparlerai forcément plus en longueur d’ici quelque temps. Il y a matière.

Photo David Desreumaux
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En seconde partie de soirée, Lise Martin. Elle portait une robe blanche-euh, elle qui les aime-euh tant. Ca change des robes grillées d’Alain et du Nouveau Roman. J’avais quitté Mademoiselle Martin sur un très bon souvenir en novembre dernier, aux Trois Baudets. J’en avais même parlé des Trois Ânes à Lise et tu peux relire la mienne ici. Du coup, jeudi je voulais m’assurer que mes souvenirs étaient à la fois fidèles et justes. On a programmé Lise à La Blackroom en novembre prochain, j’aurais pas voulu faire une connerie tu vois. Pour le coup, j’avais amené dans mes bagages mon juge d’épée vers qui je me tourne régulièrement pour recueillir l’avis. Ben oui, tu crois quoi toi, c’est un travail d’équipe tout ça. Quand au bout de quelques chansons, j’ai vu Flavie changer de place et se mettre devant la scène, j’ai compris que je ne m’étais pas planté. Que c’était pas juste parce que ma caméra la dérangeait. Je raconte, bouge pas.

Lise Martin venait faire son chaud show avec comme prétexte la re-sortie de son premier EP, Gare des silences. L’an dernier, elle a sorti son vrai premier album qui est un double-album et qui s’intitule Déments songes. Toi qui commences à nous connaître à Hexagone, toi qui sais qu’on tuerait père et mère pour un bon mot et un calembour, tu vois de suite que cette fille présente de sérieux arguments pour nous séduire.  Tu vois dans quelle catégorie elle joue. Pourtant ces deux titres d’albums qui résonnent l’un envers l’autre ne disent pas tout. Loin s’en faut et tant mieux. Il y a un jeu de cache-cache dans cette gare des silences, dans ses songes déments. On garde le silence et madame rêve ad libitum. Ca sonne Bashung mais ça résonne Lacan. Le psychanalyste, pas la chanteuse.

Photo David Desreumaux
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Ses textes à Lise Martin, il faut s’y arrêter comme on s’arrêterait en gare. Sont-ce songes ? Des songes si déments décidément que si ciment de l’âme ils sont et nous scient, ils nous ferrent aussi à l’hameçon quand ça cause de l’âme soeur. On est séduits par l’enchainement d’images, de peintures à 3 couches. Au moins. C’est du Delaunay en chanson. Sonia Delaunay. Celle qui illustra La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France de Cendrars. D’ailleurs, là aussi il est question de gares et de trains. De l’Est aussi, si cher à Lise.

Ses chansons à Lise, ça cause d’amour. Souvent. D’elle, de lui, des qu’on connait pas. Et l’on ne comprend pas bien pourquoi ni comment mais tous ses mots parviennent à nos oreilles en créant un sentiment de dépaysement singulier. Ou pluriel, je sais pas. Mais attention, chez Martin, amour ne rime pas avec toujours et la bluette n’a rien à faire là. Le sentiment est questionné en profondeur et la part du mystère toujours conservée. « Tes mots sont des murmures / Pour ne pas qu’elle entende / Tes mots tu les emmures / Tes mots pourtant si tendres » remue-t-elle sur Tes mots. Ou plus universelle sur Songez : « Songez qu’au moment même / où nous n’osons pas vivre / Quelque part il en est / qui combattent et qui meurent / Meurent pour qu’ils puissent enfin / aimer à en être ivres / Des qui avancent droits / en oubliant la peur / Des qui avancent fiers / en oubliant la peur. » D’ailleurs, à la lecture de ces lignes (pas l’auteur de Mort à Crédit), Flavie qui durant l’année partage ma vie, mes enfants et mes dictionnaires, disait que l’écriture de Lise Martin – Lise qui chante aussi Baudelaire et mieux que Ferré – se lisait comme du Racine. Sur des rythmes très souvent ternaires comme me le faisait remarquer fort justement Gauvain Sers, présent dans la salle. On se sent happé et baladé dans les contrées de l’Europe de l’Est ou tout simplement celles de notre imagination.

Photo David Desreumaux
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Parce que c’est cette force rare et surprenante que possède Lise Martin. Celle d’inviter à l’imagination à partir de ses chansons à elle. Oh elles ne sont jamais bien longues ses ritournelles mais un rêve ne dure jamais très longtemps non plus. Mais son souvenir… ça c’est autre chose. Il est des rêves fugaces qui t’habitent à vie (non non, pas de jeu de mots ici. On contrepète au-dessus de la ceinture chez Hexagone) comme de brèves chansons te suivront tout le long de ton existence.

Je résume. Des textes qui imposent un univers onirique, de subtiles mélodies, assez linéaires peut-être mais redoutablement efficaces. Le tout emmené par un groupe à la corde sensible et bien présente. Pas moins de cinq musiciens : contrebasse toute nouvelle, violon, violoncelle, guitare et percus aussi. Sur tout ça, une voix étonnante, atypique. Puissante et fragile, avec toujours un petit coin de vibrato. Il y a de l’intemporalité chez Lise Martin, je disais ça il y a quelques mois, je le confirme. L’intemporalité, c’est un peu de l’éternité qui nous serait accessible. Salut Hexagonaute.


3 Commentaires

  1. Et ben ça valait le coup de braver la chaleur pour aller au bateau ! merci David pour ce moment d’ « intemporalité » . J’aime beaucoup Lise Martin, et je découvre Danny Buckton Trio .

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