Lise Martin ébaubit les Baudets

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Photo David Desreumaux
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Photo David Desreumaux

Ce mercredi 12 novembre 2014, Lise Martin se produisait sur la scène des Trois Baudets, à Paris. On imagine que pour un artiste, c’est toujours un moment un peu particulier que celui d’inscrire son nom, pour la première fois ou non, au tableau d’honneur de cet illustre endroit qui a vu défiler des pointures et pas des moindres. Certes les Baudets d’antan ne sont pas ceux d’aujourd’hui, cependant il flotte dans l’air et les esprits des parfums de ritournelles célèbres entre ses murs refaits à neuf. Donc Lise Martin a dû avoir un peu les chocottes hier. Ben ouais, ça se comprend.

Au printemps dernier, Lise Martin a sorti un nouvel album entièrement fait, paroles et musiques, avec ses petits doigts. A l’heure où la règle tend vers l’EP, Lise a sorti un double album. Déments songes. Pour autant de rêves d’amours fous, d’illusions perdues. Deux disques de 12 chansons chacun. On y voit là une forme de générosité que l’on retrouve aussi bien dans les chansons du disque comme sur scène où cela était fort palpable mercredi.

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Photo David Desreumaux

En formation guitare (et banjo) (Cyrille Aubert), violon (Florence Breteau), violoncelle (Francis Grabisch) et voix (Lise Martin), c’est bien un groupe qui s’est produit devant nos yeux. Ils jouent ensemble depuis longtemps et ça se voit. Il est notable que Lise, qui compose ses musiques, ne joue d’aucun instrument sur scène et se concentre ainsi sur l’interprétation. Très vite entrée dans le concert, Lise Martin ouvre avec le titre liminaire de l’album, Derrière le mur. Un texte fort qui parle d’un enfermement de velours et résonne en cette période où l’on fête les 25 ans de la chute du mur de Berlin. Du destin collectif au destin individuel, les méthodes sont les mêmes. On veut le bien de son proche, on pense pour lui et on lui sculpte un avenir sans horizon. « Mon père a bâti une maison / Avec sa force et son courage / Pierres de colère ciment de rage / Il s’est improvisé maçon » avant de poursuive : « Cette maison est confortable / Solide, rassurante, invincible / Cette maison est insensible / Cette maison est invivable. » Dans la salle, ça fait bing ! Il y a tout Lise Martin dans ces quelques vers. La qualité d’énonciation, le choix des thèmes forts, l’inscription dans une chanson trad qui va puiser de l’autre côté de l’Atlantique et qui nous revient fraiche et dynamique. Il y a surtout la patte de Lise, une écriture solide. Les parallélismes confortable / insensible et invincible / invivable sont d’une force imparable.

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Photo David Desreumaux

Sur la scène flottent des cordes tantôt retenues, tantôt lâchées sur lesquelles Lise assoit ses textes avec aisance, avec métier malgré son jeune âge. Ses textes puissants, qui parlent d’amours souvent, n’ont d’égale que sa voix. Une voix qui happe. Non pas d’une puissance démesurée mais d’une profondeur, une voix habitée mais sans chichis, le truc qui fait mouche à chaque fois. On n’ira pas chercher ni puiser dans des comparaisons hâtives et forcément réductrices quant à cette présence vocale posée  sur un écrin acoustique dépouillé, fouillé, simple mais riche. Cependant l’on fera remarquer que Lise Martin, sacrée folkeuse au fier aplomb, a ce quelque chose d’intemporel, d’inclassable qui fait l’étoffe des grands. Elle nous rappelle à considérer la relativité du temps. Elle écrit des chansons qu’on aurait pu entendre il y a quarante ans à Greenwich Village (et c’est ici un compliment !) et que l’on écoutera encore dans autant d’années. En attendant, Lise Martin est bien une ACI d’aujourd’hui, il suffit de l’écouter pour s’en convaincre.

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Photo David Desreumaux

Lecteur, toi qui lis ces colonnes avec régularité et une vibrante émotion, tu sais qu’à Hexagone on ne vit pas que par la voie débranchée de l’acoustique et je peux te garantir que mercredi soir, j’ai été frappé d’une évidence aux Trois Baudets. Lise Martin, parfaite avec une Martin (Comme il y a 3 baudets, il n’y a pas qu’un âne qui s’appelle Martin) ou une Guild acoustique peut et pourrait sans problème oser la transition électrique comme l’avait fait – à grand bruit – un certain Robert Zimmerman en 1966… Non pas que l’on y tienne absolument mais juste pour signaler que ses chansons ont cette  capacité de pouvoir s’adapter à nombre de formes et formules. Une chanson très ancrée dans une veine trad mais qui surgit polymorphe à une oreille bien tendue. Lise, si tu nous lis, essaie. Comme ça, dans ta chambre, ton grenier, un garage ou une cave si tu veux. Balance-nous une Telecaster là-dedans ! Juste pour essayer. Après avoir apporté le renouveau de la chanson folk, subtile et classe qu’on attendait depuis un moment, tu pourrais fort nous réconcilier avec le rock en français. Like a rolling stone!


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