Jeny June, « Créer, c’est la vie mais en plus beau »

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Jeny June était en concert au HideOut, une brasserie proche de la gare du nord. Un endroit qui leur semble presque destiné, quand on connait le titre de leur album. Jeny June ce n’est pas une personne, mais un duo composé d’Audrey Person, la chanteuse et Julien Varigault, le guitariste. C’était leur dernière date dans ce lieu après y avoir déjà joué cinq fois cette année. C’est avec enthousiasme qu’ils m’ont accueillie à leur table pour me raconter leur « belle échappée. »

Photo Déborah Galopin
Photo Déborah Galopin

Hexagone : Votre album La belle échappée est sorti l’année dernière, en 2014. Comment l’aventure a commencé ?
Audrey : Ça commencé à Rennes, en 2008. Quand on s’est rencontrés, on composait d’abord en guitare voix, avant de collaborer avec d’autres musiciens. On jouait principalement dans des bars. C’est après la sortie de notre premier EP en 2010 qu’on a fait pas mal de Tremplins dans de belles salles. Ensuite, on a vraiment eu envie de se professionnaliser et de porter le projet un peu plus loin. Nous avons décidé de nous recentrer sur nous deux et de prendre une année pour réaliser notre premier album.
Julien : L’écriture, la composition et les arrangements, on l’a fait tous les deux. Ça a pris environ un an et demi d’autoproduire les douze titres de La belle échappée. On a vraiment pris le temps pour le réaliser.
Audrey : C’était un peu compliqué car nous n’étions pas dans la même ville. Julien était sur Paris, moi sur Rennes. Nous avions des petits boulots à côté, donc dès qu’on se retrouvait on enregistrait. Même si cela n’a pas été évident de tout concilier, au final nous sommes contents car nous avons vraiment eu le résultat que nous voulions. C’était une chouette aventure.

Hexagone : Comment la collaboration s’est faite entre vous deux ?
Audrey : J’ai passé une annonce à la fac de musique quand j’étais à Rennes. Julien s’est proposé en tant que guitariste. On a été se prendre un verre et immédiatement il y a eu un bon feeling entre nous. Le même jour, une première chanson est née, L’autre univers. On l’a d’ailleurs longtemps jouée dans les bars.

Hexagone : Qu’est-ce qui vous a plu dans l’univers de l’un et de l’autre ?
Audrey : Au départ, il n’y avait pas d’univers, puisque ni lui, ni moi n’avions de groupe. Nous avions des goûts différents mais nous avions les mêmes envies. Quand on fait de la musique, il y a une espèce d’évidence, on se comprend. C’est aussi une histoire d’amitié.

Hexagone : Vous êtes indépendants, êtes-vous passés par un crowfunding ?
Audrey : Non, en revanche on a eu la bourse du CRIJ à Rennes.
Julien : On a tout autoproduit. On a été acheté un peu de matériel, mais c’est principalement grâce à nos connaissances et du système D que l’album a pu sortir. Aujourd’hui, avec les ordinateurs on peut faire de belles choses. Dans les années 70, il n’aurait pas été possible de faire ce que nous avons fait.

Photo Déborah Galopin
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Hexagone : Pourquoi ce choix ?
Julien : On a postulé à MyMajorCompany en 2010, mais nous n’avons jamais eu de réponse. Ils commençaient à être saturés de projet après l’explosion que la découverte de Grégoire et Joyce Jonathan a provoquée. Après on ne s’est pas réellement posés la question non plus. Aujourd’hui, on aimerait bien passer par un financement participatif pour réaliser le clip de La belle échappée.

Hexagone : Avez-vous été entourés de personnes qui avaient déjà un pied dans le métier ?
Audrey : Oui, il y a eu principalement trois personnes qui nous ont aidés. Ludo, un ami prof de musique, nous a prêté sa maison en normandie. C’est un endroit magique au milieu de la campagne. Il y avait également un piano à queue. Ce lieu a beaucoup participé à la naissance de La belle échappée, car il n’y a rien d’autre à faire qu’à composer. Il est ressourçant et inspirant.
Julien : On a également notre ingénieur du son, Baba. Il a fait tous les mix de notre album. Quand il est là en concert, on est contents. Et Oliver, notre photographe, qui a su capter notre univers et le retransmettre. Aujourd’hui, on ne fait pas seulement de la musique mais aussi de l’image.

Hexagone : Concernant la création de vos morceaux, comment ça se passe ? Est-ce l’un de vous qui écrit et l’autre qui compose ? Ou vous faites les deux ensemble ?
Julien : J’écris la partie primaire musicale et Audrey pose des mélodies dessus avec des textes. Ensuite on assemble le tout, en y ajoutant un peu de couleurs grâce aux arrangements.
Audrey : Parfois le texte est déjà né et il se pose parfaitement à la mélodie que je viens de créer, ou alors j’écris un texte sur une composition de Julien et ça fonctionne. C’est vraiment magique. Il n’y a pas de règles. Cette partie-là est très intuitive.
Julien : Après, je tricote les accords et si ce n’est pas les accords, ce sera autre chose.
Audrey : Il est très perfectionniste, mais c’est avant tout un travail d’équipe.

Photo Déborah Galopin
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Hexagone : Le rythme de vos chansons est plutôt joyeux alors que vos textes sont plus mélancoliques. Si on prend en exemple votre première chanson, Bye bye, le départ est lié à une rupture. Est-ce une façon de transformer un évènement négatif en positif ?
Audrey : Ce que j’aime le plus c’est quand derrière la joie, il y a de la mélancolie. Il faut qu’il y ait de la nuance, car la vie ce n’est pas tout blanc, ce n’est pas tout noir. Bye bye c’est vrai que ça parle d’une rupture. La fille est un peu en colère mais elle est déterminée aussi. C’est notre chanson la plus narrative de l’album.

Hexagone : L’album commence avec Bye bye et termine sur Légèreté. Est-ce qu’il ne s’agirait pas d’un voyage intérieur sur l’amour, ses attentes et ses deceptions ?
Audrey : L’amour est une source d’inspiration. Cela fait partie des expériences universelles de la vie, parmi les plus belles et les plus sombres. Il est vrai que c’est aussi un voyage intérieur. C’est un appel à la réflexion sur qui l’on est et sur la liberté. La belle échappée est un album de jeunesse donc il ne comporte pas encore énormément de désillusion. C’est un album qui dans le fond est toujours positif parce qu’on choisit de prendre le bon côté de la vie.

Hexagone : Plusieurs titres comportent des prénoms féminins, est-ce un album qui parlera davantage aux femmes ?
Audrey : Non, ça s’adresse à tout le monde. En fait, chaque prénom a sa propre référence. Oh Betty ! est inspiré du film 37°2 le matin. L’écriture de ce texte a été totalement spontanée, car je me suis identifiée à elle, à petite échelle car elle est vraiment folle dingue. J’ai compris d’une certaine façon ce qu’elle pouvait ressentir. Il y a une citation dans le film qui la résume assez bien : « Betty, je crois que le monde est trop petit pour toi ». C’est une éternelle insatisfaite. Elle n’arrive pas à se contenter de la vie telle qu’elle est. Emily à minuit, c’est par rapport à l’auteur Emily Brontë, qui a beaucoup marqué ma vie d’adolescente et d’adulte. Elle a vécu recluse et elle est capable de parler de tous les sentiments humains. Et Lolita en herbe, c’est par rapport au livre de Nabokov.

Hexagone : Une chanson est intitulée June Carter, est-ce en référence à la chanteuse ? Vous a-t-elle inspirée ?
Audrey : June Carter est une artiste que j’ai découverte dans le film Walk the line. Je l’imaginais passer devant un jukebox. Ce n’est pas un hommage particulier, car même s’il s’agit d’une figure importante aux Etats-Unis, je n’ai pas été biberonnée à June Carter. C’est plus un petit clin d’œil, notamment par rapport au nom de notre groupe.

Photo Déborah Galopin
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Hexagone : D’où vient votre nom, Jeny June ?
Audrey : On cherchait un nom de groupe. June on trouve que ça sonne folk, notamment par June Carter. Nous voulions un deuxième prénom qui sonne bien avec le premier, pour former une entité. Quand les gens font l’erreur, nous les corrigeons, ce n’est pas Jeny and June mais Jeny June.

Hexagone : Est-ce que vos deux régions, la Bretagne et la Normandie vous ont inspiré ce désir d’évasion qu’on retrouve dans vos chansons ?
Audrey : J’habite à Langueux et c’est vrai que j’aime beaucoup la grève. Je suis également fascinée par les landes du nord de l’Angleterre. Ce sont des paysages désolés mais remplis de beauté. Quand je suis dans les embouteillages, ça fait du bien de se dire que des paysages déserts comme ceux-là, existent encore.
Julien : Moi, j’adore la pluie. Ce qui est agréable, ce sont les variations de temps, que ce ne soit pas toujours pareil. Le soleil c’est chiant.

Hexagone : Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’aventure musicale ?
Julien : Au début, je détestais le studio. J’y allais avec la boule au ventre et maintenant j’adore ça. Prendre le temps de la création et passer des heures sur les arrangements pour que ça sorte du lot. J’aime le côté éphémère et itinérant des concerts. Tu arrives à un endroit et tu poses ton univers. Le lendemain, il n’y aura plus rien, tu seras ailleurs.
Audrey : Ce qui est magique, c’est quand une musique prend vie. Il y a une citation de Georges Braque que j’aime bien « être artiste, c’est épuiser ses rêves à l’infini ». Créer, je trouve que c’est la vie mais en plus beau. Les concerts, c’est concret, on essaye de donner le meilleur à l’instant T, même quand les conditions ne sont pas faciles.

Hexagone : « La belle échappée » c’est quand vous rentrez en Bretagne / Normandie ou quand vous arrivez sur Paris ?
Audrey : Ni l’un, ni l’autre. « La belle échappée » c’est plutôt le fantasme du voyage, l’envie de partir. C’est ce qu’on ne connaît pas encore.

Hexagone : Quels sont vos projets à venir ?
Julien : On va sortir un nouvel EP pour 2016 qu’on va commencer à enregistrer cet été. Notre défi est qu’il ait un côté prononcé Seventies, tout en restant moderne. Sinon on aura une jolie scène à Egly le 14 novembre pour les Agla’scènes.

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