Mokaiesh & Mirabassi, Grand Blanc : soirée Sacem aux Trois Baudets

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Photo Déborah Galopin
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La salle des Trois Baudets est devenue mon salon, les sièges en tissu rouge, mon canapé. Je me sens presque comme chez moi depuis le temps que j’y traine, sauf que c’est encore mieux qu’un ciné, car je n’en ressors jamais déçue. Ce mercredi 21 mai n’a pas fait exception.

C’était la dixième et dernière soirée organisée par la SACEM. La société des Auteurs, compositeurs et éditeurs de la musique. En quelques mots, cet organisme protège, représente et défend plus de 153 000 membres en France et à l’international. Ils aident et accompagnent des projets musicaux afin de faire émerger de nouveaux talents. La SACEM nous a présenté Cyril Mokaiesh, chanteur et Giovanni Mirabassi, pianiste de jazz en duo ainsi que le groupe Grand Blanc.

Après une brève présentation de ces artistes, la lumière se tamise pour accueillir le duo sur scène. Les notes d’un piano à queue s’élève dans la salle. Caché derrière son instrument, Giovanni Mirabassi est seul. Bientôt, une voix scande « écoutez, écoutez moi ». Le spectateur se sent concerné et ne peut qu’apporter une attention plus grande à cet homme qui s’avance vers nous. Le voyage musical que nous préparent Cyril Mokaiesh et Giovanni Mirabassi commence ainsi et il commence fort avec cette reprise de Jacques Debronckart. Ces deux hommes s’attaquent à des morceaux particuliers. Des textes comme on n’en fait plus, qui ressemble davantage à de la poésie qu’à de la chanson, une poésie dans la chanson, tant la parole a une place importante. Le piano accompagne et donne une dimension douce, mélancolique. Elle apaise presque ces textes violents écrits par des chanteurs de talent, écorchés, torturés, à la recherche d’une gloire qu’ils n’obtiendront jamais vraiment. Parce que les concerts ne sont pas seulement là pour transmettre la joie, mais aussi la douleur et la tristesse.

Photo Déborah Galopin
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Cyril Mokaiesh avait face à lui, un pupitre, parce qu’il lui arrive que ces textes rebelles lui échappent, nous confie-t-il, preuve de leur complexité. Entre deux chansons, il aime à nous parler de Philippe Léotard ou bien encore de Daniel Darc. Il évoque leur « parcours romanesque, lumineux, désastreux » et même quand il parle, c’est beau. Parce qu’on ressent ce lien intime qui l’anime, comme quelque chose de confidentiel et de fort, surtout lorsqu’il évoque qu’à 11heures du matin, le café ne suffisait plus pour parler avec les anges de Vladimir Vyssotksy dans la cabine d’enregistrement. « Rien ne va, non plus rien ne va » clame-t-il et ma chair frissonne. Il ne fait pas seulement rendre hommage à ces personnages de la chanson Française, mais il les incarne. Il transmet l’émotion même quand il danse, dans ses gestes saccadés. C’est digne d’une représentation théâtrale tellement on est au-delà de la musique. Un digne interprète.

Je pourrais m’attarder longtemps sur cette première partie de concert, tant les morceaux sont plus forts les uns que les autres, qu’il chante Les enfants rouges de Mano Solo ou bien La chanson pour terminer de Bernard Dimey. Ce qui est certain, c’est que j’aurai grand plaisir de retrouver la voix merveilleuse et émouvante de Cyril Mokaiesh et la délicatesse de Giovanni Mirabassi sur leur album qui sortira le 11 septembre prochain.

« Je deviendrai si con, et si content de l’être

Que pour votre plaisir, je vous ferai pitié

Avant d’aller sauter, bon Dieu ! par la fenêtre

Pour aller jusqu’au bout, des risques du métier.»

Photo Déborah Galopin
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Grand Blanc, c’est un tout jeune groupe qui nous vient de Metz. Quatre membres dont deux chanteurs qui maitrisent chacun un instrument. Les cordes d’une basse et d’une guitare se mêlent à l’électronique d’une batterie et d’un synthétiseur. Ils ont déjà une trentaine de date à leur actif et ont également accompagné Fauve à plusieurs reprises en première partie. Ce qui les rapproche ? Ce désir d’extérioriser la solitude d’une jeunesse amère et en manque de sensations.

Dans l’obscurité de la salle, un fond sonore fait monter la pression. La voix juvénile et délicate de Camille entonne « Dans la nuit noire, noire, le cœur comme un frigo. Il n’y a plus rien à boire dans mon cœur comme un frigo. Passion normale, degré zéro. » La musique monte en puissance et vibre dans ma cage thoracique. Quand la batterie électronique s’éveille et fait trembler la salle, rester assise me devient insupportable. Mon corps se sent à l’étroit dans ce siège rouge autrefois confortable. Bien que je connaisse leur EP, je n’étais pas préparée à cette puissance. La voix rauque et tonitruante du chanteur dégage quelque chose de sombre, comme quelque chose qui proviendrait des profondeurs de son être. Les mots presque déconstruits deviennent bientôt comme un exutoire. On ne comprend pas toujours tout avec Grand Blanc, mais c’est ce mystère qu’on aime, ajusté sur une ambiance électrique où les lumières bleues clignotent par intermittence.

« Fou-rire fourrière rebours repère faubourg folie salope samedi la nuit ! »

Photo Déborah Galopin
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C’est puissant, incroyable, entêtant, entrainant… Leur musique c’est à la fois l’embrassement du merveilleux et du terrible, créant un concert explosif. Le silence après le passage de ce requin est difficile à croire, presque insupportable. Attendre début 2016 la sortie de leur album, va être long.

Si le premier concert a été un voyage au cœur d’un superbe répertoire, la plongée dans le Grand Blanc a été immersive et intense. Deux univers différents, incomparables mais qui nous prend aux tripes d’une façon ou d’une autre. Sortie de la salle, j’ai ressenti des choses étranges. Des trucs qui secouent, qui donnent le sourire, qui font du bien… Les lumières des projecteurs dans mon ventre que je ne veux pas voir s’éteindre.

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