Manu Galure
Vacarme
11 titres – 42 minutes
2010
Kiui
Quand en 2008 on a découvert Le meilleur des 20 ans de Manu Galure , enregistré en public au Bijou – haut lieu de la chanson à Toulouse – on a senti immédiatement que l’on avait maille à partir avec un sacré phénomène. Manu Galure, drôle et talentueux autant qu’impétueux et insolent comme on en raffole, s’amusait, à la façon de la Marquise que Brassens chanta naguère à vociférer nous crachant d’entrée ses 20 ans à la gueule. (« J’ai 20 ans, je vous emmerde… »
Cette belle énergie, cette causticité, cette jouissance de la jeunesse mène le jeune Galure à courir 11 nouveaux lièvres sur l’album Vacarme qu’il nous soumet aujourd’hui. Onze nouveaux lièvres à ce point que l’invention sans borne du toulousain le conduit à explorer les multiples facettes de son art dans ses onze nouveaux titres dont la direction artistique a été assurée par Juliette.
Fidèle à la formule piano-voix de l’album précédent, virevoltant entre cabaret, swing et quelques moments de reprises de souffle (Bijoux), le dernier opus s’affranchit cependant de son aîné en introduisant parfois chœurs et claviers comme échappés des années 80 (Captain Ravage, Je vous crache) tout en confirmant une plume fantaisiste ciselant personnages et situations trempés dans un bain proche d’un imaginaire à la Thomas Fersen, notamment sur la superbe Eléphant à mi-chemin entre fable et bestiaire.
Mais là où Manu Galure excelle, là où il figure à la droite du grand Jacques Higelin, c’est lorsqu’il donne libre court à sa géniale folie, lorsque sans retenue il joue sur le registre du cabaret débridé, bonimentant ses histoires abracadabrantesques aux ambiances troubles et étranges comme sur Du vacarme, Berlin-lycanthropes, Méliès ou encore sur l’effrénée Quelque chose en mi.
Sur le titre clôturant l’album, Le cabaret de Galure , l’auteur / compositeur / interprète se met lui-même en scène dans « un cabaret noir et fumant, un cabaret plein de gens gris » où un singe court de table en table alors que Galure fait résonner un rire goguenard avant de se confier au public du cabaret : « vous mes semblables, vous mes frères, ici je dépose mon cœur sur les affres d’un vieux piano, regardez-le saigner à flot, regardez couler sa liqueur, ici je dépose mon cœur et vous pouvez en disposer ». Il conclut par ce « spectateurs, applaudissez, enivrez-moi de vos caresses et rendez-moi mon cœur en liesse que je l’emporte tout gonflé » qui semble vouloir tisser le lien indispensable entre l’artiste et le spectateur et nous rappelle que s’il est important de faire des disques, c’est avant tout sur scène que la chanson a vocation à s’exprimer.
Avec ce fracassant Vacarme, enregistré et réalisé par Alain Cluzeau (Olivia Ruiz, Bénabar, Thomas Fersen, etc.) aux studios Acousti, Manu Galure le déluré confirme tout le bien que l’on pensait de lui. Album hétéroclite mais lié par le fil conducteur de l’invention, Vacarme est un disque salutaire en ces temps de pénurie d’audace musicale.