Nicolas Jules : « J’essaie de me surprendre »

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Photo ©Thomas
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Tendrement déjanté, tignasse en bataille, Nicolas Jules chante des charmes désopilants où le réalisme se réfugie et s’excuse derrière le surréalisme. A Paris, au café littéraire de La Maroquinerie où il a établi son siège tous les vendredis de mars, il se raconte sans se la raconter.


Hexagone : Peux-tu raconter en quelques mots le chemin qui t’a conduit à la chanson ?
Nicolas Jules :
J’ai commencé à chanter dans un groupe de rock à l’âge de 18 ans. Des amis cherchaient un chanteur. Je me suis mis à écrire des textes. J’ai monté 2 groupes qui ont pas mal tourné, puis, est arrivé un moment où j’avais envie de dire des choses plus personnelles, j’avais envie de composer aussi, de chanter sous mon nom. Donc, voilà, j’ai pris goût à ça.

Hexagone : L’envie d’écrire et de chanter sont des choses qui ont toujours existé chez toi ?
Nicolas Jules :
Ce n’est pas du tout un rêve d’enfant. C’est venu en le faisant. J’avais vachement envie de m’exprimer artistiquement. Alors ça passait par le dessin, par le théâtre, par la peinture et un peu par l’écriture. La chanson c’était le moyen de combiner toutes ces choses.

Hexagone : C’était une période de recherche ?
Nicolas Jules :
Oui. J’aime beaucoup la chanson. En tant qu’auditeur, j’en écoutais beaucoup. Ensuite, ça permet de combiner le dessin et de faire mes affiches, la scène, le théâtre où je peux parler, je peux chanter. Aussi, comme je dirige un peu ma barque, je peux faire ce que je veux. C’est une certaine liberté qui est plutôt agréable.

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Photo Flavie Girbal

Hexagone : Quel a été ou qui a été ton déclic ?
Nicolas Jules :
Comme je disais, ce n’est quelque chose qui m’a pris dès l’enfance. C’est un brassage d’influences – qui allaient de Brassens à Higelin, à Trenet – qui a fait que la chanson est vraiment la forme artistique qui m’intéresse le plus. On peut ajouter à ça mon expérience rock de la scène.

Hexagone: Des influences rock aussi ?
Nicolas Jules :
Oui, beaucoup d’influences rock. J’adore Chuck Berry, les Rolling Stones, Iggy Pop, etc.

Hexagone : Auteur/compositeur/interprète : c’est pour toi un postulat, quelque chose d’immuable ?
Nicolas Jules :
Oui plutôt. Je prends tellement de plaisir à écrire une chanson. J’ai vraiment envie de trouver la cohérence en faisant ça moi-même.

Hexagone : J’ai lu que tu avais écrit des centaines de textes. Est-ce une boulimie incontrôlable ou bien une règle de travail que tu te fixes ?
Nicolas Jules :
J’ai écrit des centaines de textes au début surtout. C’était une sorte de boulimie pour essayer de trouver quelque chose mais plus le temps passe moins j’écris. Mais j’essaie d’aller plus loin. Je suis beaucoup plus satisfait des chansons que je fais aujourd’hui mais j’en écris beaucoup moins.

Hexagone : Tu es plus exigeant avec toi-même ?
Nicolas Jules :
Oui peut-être. Je ne sais pas si c’est vraiment de l’exigence. J’essaie de me surprendre et de ne pas aller dans des facilités d’écriture que j’ai pu avoir avant.

Hexagone : Ton univers textuel est pour le moins décalé, à deux pas du surréalisme. Tu joues sur les mots, le sens, les images, l’humour. Quel rapport entretiens-tu avec la langue, la poésie, la littérature ?
Nicolas Jules :
Ca, je ne sais pas trop. Quand on écrit, on a toujours des passages où l’on s’amuse, où c’est assez ludique. On joue avec les mots, on s’amuse avec les sons. Après, la difficulté, l’intérêt, c’est d’essayer de dépasser ça en essayant de dire des choses. Je ne lis pas énormément mais je lis essentiellement des poètes. J’aime les formes courtes.

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Photo Flavie Girbal

Hexagone : Une certaine catégorie de poètes j’imagine ?
Nicolas Jules :
Oui, des auteurs tels que Raymond Queneau, Henri Michaux qui sont peut-être un peu décalés justement.

Hexagone : Il y a une constante dans tes textes, c’est l’humour. Comme un fil conducteur de ton univers. Est-ce un cautère pour cacher une certaine timidité, notamment sur scène ?
Nicolas Jules :
Ah ! oui certainement. L’humour m’est devenu indispensable au fil du temps. Je ne me sentirais pas de chanter littéralement dans le premier degré. J’ai besoin de ce décalage. La scène c’est un espace où l’on retrouve beaucoup de conventions et j’aime bien tourner autour justement.

Hexagone: Cette réelle timidité n’en joues-tu pas sur scène pour arriver à la vaincre ?
Nicolas Jules :
Oui, oui. J’ai parfois bien conscience d’être dans la caricature, voire le cabotinage poussé à l’extrême. (rires) C’est certainement une forme de timidité mais l’originalité d’un spectacle vient de ce qu’on est, alors j’essaie de mettre le plus possible de ce que je suis, y compris en exagérant mes défauts ou en me moquant un petit peu de tout le monde et de moi en particulier.

Hexagone : Sur scène donc, tu joues beaucoup avec un humour sur le fil. Tu courtises presque le public. Cet échange, cette complicité est-elle nécessaire pour entrer dans tes chansons ou bien n’est-ce qu’un jeu théâtral ?
Nicolas Jules :
C’est un peu des deux. Je trouve que le public en général – et je m’inclus dedans – a tendance à être un peu passif surtout par rapport aux textes, à ce qui est dit dans les chansons puisque lorsque l’on entend une chanson pour la première fois, c’est difficile de rentrer dans le texte. Donc, j’anticipe en donnant un peu un axe à la chanson en racontant un peu à l’avance ce que je vais dire, en essayant d’attirer l’attention sur un mot. C’est un moyen de rentrer un peu plus fort dans les chansons. Et puis, c’est aussi un moyen de s’amuser et d’échanger avec le public. J’essaie de faire en sorte qu’un concert ne soit pas un spectacle de cinéma.

Hexagone: Tu séduis tout le monde, garçons, filles, des jeunes aux cheveux bleus. Comment expliques-tu cela ? Est-ce que ça s’explique déjà ?
Nicolas Jules :
Non, ça ne s’explique pas, je ne me rends pas compte. Dans le lot, il y a certainement des gens qui sont un peu hermétiques à ça, qui n’aiment pas. Evidemment les gens qui aiment s’expriment plus que ceux qui n’aiment pas. Heureusement, ça serait déprimant sinon. J’essaie d’être assez sincère même si je déconne, même si je ne suis pas toujours dans le premier degré et que je raconte un peu n’importe quoi quelque fois, j’essaie de le faire avec sincérité quand même.

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Photo Flavie Girbal

Hexagone : J’ai l’impression que c’est une formule qui te tient à cœur : « du n’importe quoi » ?
Nicolas Jules :
Oui oui. (rires) J’aime assez une certaine forme de surréalisme et la logique des choses. C’est à dire que si l’on essaie de décortiquer les mots, les images en les expliquant de façon très logique, on finit par aboutir à quelque chose de complètement surréaliste parce que tout ne peut pas s’expliquer de façon logique en fait.

Hexagone : C’est de la chanson à la limite de la pataphysique.
Nicolas Jules :
Un peu, mais je ne considère pas que je suis complètement dans le surréalisme parce que je n’intègre pas du tout les notions d’écriture automatique. Au contraire, j’ai plutôt une écriture très classique dans la forme. Avec des vers réguliers, des vraies rimes.

Hexagone : Dans la presse, on peut lire de façon récurrente : « gueule d’amour, le fort mignon Nicolas Jules », « Gueule d’ange », « on lui donnerait le bon dieu sans confession », « belle gueule lunaire », « sa voix de séducteur », etc. » C’est facile à assumer cette étiquette de beau gosse ?
Nicolas Jules :
Euh… pfffff. Non, c’est ni facile ni difficile. Tu sais bien comment ça marche. Il suffit que quelqu’un écrive ça pour que les autres le reprennent. C’est dans le dossier de presse et voilà… Je crois que ça ne veut pas dire grand chose. Les étiquettes sont toujours gênantes et réductrices mais en même temps je suis optimiste par rapport à ça parce que je me dis que ça peut se décoller.

Hexagone : Sur scène, tu dis que tu ne chantes que tes tubes. A qui s’adresse tes chansons, ce qu’on pourrait appeler ta « Métaphysique des tubes » ? S’adresse-t-elle à un public particulier ?
Nicolas Jules :
Non, mes chansons ne s’adressent pas du tout à un public particulier. Je déconne beaucoup avec tout ça mais évidemment, je ne sais pas du tout comment on fait un tube.

Hexagone: Tu as fait la première partie de nombre d’artistes que l’on a coutume de dire « engagés ». (Tachan, Higelin, Chelon, Sanseverino, Sarclo, etc.) Peut-on en conclure que tu te sens proche de ces artistes-là ou bien c’est un hasard ?
Nicolas Jules :
Ce sont des hasards parce que les premières parties, je ne les choisis pas forcément. C’est sûr que si l’on me propose demain la première partie de Michel Sardou, je vais refuser. Les gens que tu as cités, c’est des gens que j’aime bien. C’est sûr que parmi les artistes dont j’ai fait les premières parties, il y en a que je préfère à d’autres. Je me sens plus d’affinités par exemple avec Sarclo qu’avec Henri Tachan.

Hexagone : Donc, ce n’est pas du tout une question d’engagement ?
Nicolas Jules :
Non. D’ailleurs, qu’est-ce qu’un chanteur engagé ? Je ne sais pas. Il y a des chanteurs lourdement engagés et des chanteurs légèrement engagés. Ce qui est important, c’est surtout le style, la façon de dire les choses. C’est un devoir moral d’être plutôt contre les injustices, après, il y a mille façons d’en parler. Il y a des chanteurs qui en parle bien comme Sarclo par exemple, ou comme Brassens en son temps, et il y a des gens qui en parlent mal. J’ai du mal avec les chanteurs dont le discours essentiel des chansons est une lutte très affichée contre le capitalisme et qui s’habillent des pieds à la tête en Nike par exemple.

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Photo Flavie Girbal

Hexagone: On disait tout à l’heure que tu as rédigé des centaines de textes. Tu as sorti seulement 3 mini-albums ? (De l’oreillette au ventricule – 6 titres, Doigts dans les doigts – 5 titres, Tête à cloaque – 5 titres) Ce n’est pas paradoxal ?
Nicolas Jules :
Non, autant je fais de la scène depuis assez longtemps et je m’y sens bien, autant faire un disque est quelque chose qui me paraît difficile. Après, effectivement j’ai écrit des centaines de chansons mais ça ne veut rien dire. Je préfère écrire dix bonnes chansons que cent mauvaises. Ce n’est pas une prouesse d’écrire une centaine de chansons.

Hexagone : La suite du parcours de Nicolas Jules ? Que va-t-il se passer ?
Nicolas Jules :
La suite, c’est des concerts, toujours des concerts et encore plus de concerts j’espère. C’est la chose qui me tient le plus à cœur depuis toujours. Ensuite, c’est un disque sur lequel je commence à travailler, aidé par un arrangeur qui s’appelle Mathieu Ballet. Ce disque devrait – je l’espère – sortir en février 2004.

Hexagone : Ce serait quel type de disque ? Un studio, un live ?
Nicolas Jules :
Ce serait un disque complètement en studio. Un vrai disque avec une douzaine de chansons. (rires)

Propos recueillis par David Desreumaux
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