Laurent Kebous : you’ve got a Télégram

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Chloé Legrand, Laurent Kebous, Vincent Serrano et Julien Perugini. Photo Pierre Wetzel

Ce n’est pas une première pour Laurent Bousquet alias Kebous, que de « s’escaper » des Hurlements d’Léo, dont il est le co-fondateur avec Erwan Naour, un autre amateur de noms d’apache et connu de nos services sous le blaze de R1 Wallace. Après quelques albums solos, désireux de se la jouer collectif, il s’est lancé dans un nouveau projet. Avec moins d’envergure côté effectif peut-être, mais toujours avec cet esprit libre et libertaire qui le caractérise. Mais il chante aussi en anglais… On t’entend déjà frémir, toi le fidèle d’Hexagone, voire crier à l’hérésie, à la trahison ! Calme ta joie, bois un coup et aie confiance (on t’a pas dit « trust us » hein !). Télégram et son « folk rock stomp », ça envoie ! A l’image de cet entretien rock n’roll, avec un bonhomme, un vrai… un frelot, quoi

Télégram - couverture albumHexagone : Après un album hommage à Mano Solo avec les Hurlement d’Léo – avec la tournée qui a suivi – et avant celle qui va vous réunir à nouveau avec les Ogres de Barback, tu t’es lancé dans un autre groupe avec Télégram. T’es du genre boulimique ou quoi ?
Laurent Kebous : Non, pas du tout ! C’est juste que ma conception de la musique, c’est de toujours me remettre en question et pour ça, de rencontrer des gens avec lesquels je n’ai pas forcément travaillé auparavant. Comme Chloé Legrand de Cafeteria roja, qui est la guitariste de Télégram. On s’est rencontrés le 12 janvier 2012 à Barcelone lors d’un plateau croisé avec les Hurlements d’Léo et on s’est plus quittés depuis. Et on a donc cherché à développer un projet commun ; ça tombait bien, je me sentais plus trop de mener quelque chose en mon nom propre. On a concocté quelques morceaux chez nous et quand on a commencé à songer à monter un groupe, Chloé a suggéré qu’il soit de formation réduite, orienté un peu world, sans batterie. J’ai donc sollicité Julien Pérugini, un ami contrebassiste qui fait de la batterie avec ses pieds, sur une base de stomp. Et pour donner une couleur particulière à chaque morceau, j’ai fait appel à Vincent Serrano, qui maîtrise la kora, l’oud, la caisse claire en plus du violon, de la steel guitare et du saxophone qu’il joue déjà pour les Hurlements! 

Et Télégram était sur les rails… sur les fils plutôt !
Oui, et rapidement de six morceaux, on est passé à douze. On les fait écouter aux producteurs de l’album Les Hurlements d’Léo chantent Mano Solo, qui nous proposent de les enregistrer… Une fois dans la boîte, ils font écouter ça à Musicast, un distributeur qui dit « banco » et dans la foulée, nous proposent de nous faire tourner ! Raconté tel quel, ça fait un peu « conte de fée », mais c’est vraiment comme ça que ça s’est passé. Et du coup, on a commencé à tourner depuis la rentrée…

Vous n’aviez pas déjà fait quelques dates en début d’année ?
Oui, ce n’était pas vraiment une tournée ; on a joué dans des bars, des salles des fêtes, des places l’été… Ça nous a permis de nous rôder et d’oublier en quelque sorte notre background personnel. Si tu réfléchis, tout ce que tu as pu faire avant, qui est une richesse, peut aussi te desservir. Parce que tu cours toujours le risque d’être le has-been de quelqu’un… On a donc voulu proposer quelque chose de nouveau, de frais et pour ça, on est revenus à nos fondamentaux. Cela nous a permis de renouer avec l’élan de nos débuts et de retrouver le même engouement, la même énergie.

C’est un nouveau départ pour toi ou une façon de prendre d’autres chemins de traverse ?
Disons plutôt que c’est un chemin qui était tout tracé pour chacun d’entre nous. On avait tous cette même volonté de revenir à ce que nous faisions au départ.

Le choix de votre nom, s’inspire de Overseas telegram de Gainsbourg et du coup, vous vous fendez évidemment d’une reprise… Au fait, tu sais qu’un groupe londonien de « glam-kraut-pysche-proto punk » vous avait devancé ?
Oui, à ceci près que nous avons conservé les accents du terme français et adopté l’orthographe anglaise. On a fait du franglais, quoi… On nous a bien dit que ça faisait un peu « téléphoné » mais en fait, c’est aussi un clin d’oeil à ce « vieux » moyen de communication pour lequel tu te devais d’être concis et précis. « Je vais bien – stop – rendez-vous à telle heure – stop – Au revoir ». Si tu compares avec les réseaux sociaux qui nous prennent beaucoup de temps et sur lesquels on en fait des caisses… Le choix du nom fait aussi écho aux textes que j’ai écrits pour Télégram. Mon écriture est plus condensée et du coup, plus claire. Pour moi, ce qui est important, c’est d’avoir une ambiance musicale très forte par chanson.

Une volonté qui n’est pas uniquement de ton fait ; cette multiplicité des styles, c’est le fruit des influences, des désirs musicaux de chacun d’entre vous
L’idée, c’était que la personnalité et le son de chacun ressorte, mais qu’au final, cela fasse un tout. Par contre, on est encore un peu jeune, un peu trop « vert ». Mais si on y arrive, on tiendra le bon bout parce que de toute façon, on ne peut pas exister les uns sans les autres. C’est primordial pour nous, qui nous sommes « choisis » de parvenir à ce résultat.

 Sans surprise au vu de tes antécédents persos et avec les Hurlements d’Léo, tes textes sont sinon engagés, disons très concernés. Humana pour n’en citer qu’un..
Je pense aussi à Moins qu’un chien

Télégram - Laurent Kebous / Vincent Serrano / Chloé Legrand / Julien Pérugini - Photo Pierre Wetzel
Télégram – Laurent Kebous / Vincent Serrano / Chloé Legrand / Julien Pérugini – Photo Pierre Wetzel

 Moins qu’un chien, avec lequel tu te fais en quelque sorte le porte-parole de personnes qui n’ont plus leur mot à dire dans cette société, parce qu’ils n’y ont plus de place…
Je ne suis le porte-parole de personne, parce que les meilleurs porte-parole, ce sont ces gens eux-mêmes. Il suffit de les écouter, d’échanger avec eux ; un zonard, un cousin, une poche… T’as la vie sous tes yeux, si tu prends ce temps-là… Parce qu’on véhicule tous – ou presque – une « bonne » parole. Et vis à vis des gens que j’ai aimés et qui m’ont fait devenir ce que je suis, je ne peux pas rester sans voix et ne pas parler d’eux. Je souhaite juste offrir une fenêtre sur une société que j’apprécie. Pour moi, c’est le bassin, la souche, la racine… Je ne peux pas faire comme s’ils n’existaient pas. Mais bon, il y a aussi des chansons « nombril », qui parlent d’amour et tout ça !

 Tu as donc piqué Chloé Legrand à Cafeteria roja…
Non ! Je ne l’ai pas « piquée », on est en train d’enregistrer un album avec eux ! Chloé a beau être ma compagne ; ne t’inquiète pas, elle fait exactement ce qu’elle veut dans sa vie… 

Tu as tout de même embarqué ton « collègue » Vince dans l’aventure. Pour ses talents de multi instrumentiste, on n’en doute pas…
Et pour ses talents de camarade ! Lorsque je lui ai proposé de se joindre à nous, il a tout de suite accepté. Ce qui m’a surpris, parce qu’on se connait depuis plus de 10 ans et comme je pense que je peux être un peu usant, je pouvais m’attendre à ce qu’il refuse… Depuis ces deux dernières années, on s’apprécie d’une autre façon. On ne vit plus « en meute » et surtout je vis à son rythme. Vince, c’est Mister Cool. Il a toujours beaucoup de recul sur les choses et moi, je suis plutôt tendu et teigneux ! Du coup, on est complémentaires. Il n’y a jamais de problèmes avec lui, toujours des solutions. On est là pour faire de la musique et ça, ce n’est pas rien pour lui.

Vous vous êtes offert de sacrés guest ; Melissmell sur L’enclume des jours, Arno Future, ex-Sales Majesté sur Les ornières et Benoit Dantec alias Johnny Montreuil sur L’addiction. Normal d’inviter un « artiste de bar » pour un titre à la Johnny Cash …
On a enregistré l’album pendant que nous étions en tournée avec Les hurlements chantent Mano Solo. Johnny Montreuil a fait une de nos premières parties et je suis resté scotché pendant tout le set. Ses textes, sa musique, avec Kik à l’harmonica.. C’est une vrai fusion de genres, que j’aurais bien aimé faire d’ailleurs. Je n’en suis pas capable, lui si ! On se parle, je lui propose de faire une de ses premières parties et il me dit okay. Ça se fera à Bordeaux en février ! On a un background commun et j’ai retrouvé avec lui la fraternité des débuts des Hurlements. Des frelots et qui se foutent de ce que l’un et l’autre a fait avant, ce qui compte, c’est que quand on s’est parlé, on s’est reconnus.

Vu votre reprise de Gainsbourg, on va t’épargner la question bateau, « quelle chanson auriez-vous aimé reprendre »… Mais qu’est ce qui t’a décidé à reprendre Tainted love ? Un titre qui parait assez éloigné de ton univers musical, qu’il soit interprété par Gloria Jones, Soft Cell ou Marylin Manson…
J’ai joué dans un groupe de rockabilly étant plus jeune et ce morceau est avant tout pour moi un standard du rockab’. Pour une raison que je ne m’explique pas d’ailleurs, la rythmique peut-être… Lors d’une tournée en Australie avec les Hurlements, j’ai vu le groupe Living end qui le jouait bien péchu, façon Green day avec une contrebasse et ça m’a donné envie de le chanter moi aussi. Bon, certains trouveront que je n’ai pas un bon accent anglais, mais de toute façon, hors de France, on le trouve charmant, « nice, amazing » comme ils disent. Et puis, l’important, c’est de se faire plaisir !

Même question pour la cover de I’m your man que vous trahissez avec talent, avec le concours de Twan de la Cafeteria Roja, au slam in « deustch sprache »… Parce qu’à la base, malgré une mélodie magnifiée par la voix de Cohen, les arrangements au synthé limite vasouillards, c’était pas forcément gagné, non ?
J’adore Léonard Cohen. Dans un autre groupe avec lequel je joue El Communero qui reprend des chants de luttes antifascites espagnols, on a fait une version de Partisan que Cohen a lui-même adapté de La complainte du partisan, une chanson de la résistance… C’est mon premier vrai contact avec Cohen. Et un jour, je fais tourner une grille d’accords sur laquelle je trouve que l’anglais sonnerait mieux. Je trouve ce texte dans un recueil, que je prends pour un poème. On fait un essai avec Twan qui y pose son slam et c’est a posteriori que je découvre la version de Leonard Cohen ! Finalement, cette chanson, fausse reprise donc parce que les accords sont différents, c’est une sorte d’accident…

Chloé Legrand, Laurent Kebous, Vincent Serrano et Julien Perugini. Photo Pierre Wetzel
Chloé Legrand, Laurent Kebous, Vincent Serrano et Julien Perugini. Photo Pierre Wetzel

Open your eyes est un autre morceau en anglais et très rock de fait.
C’est Julien Pérugini qui est venu avec un jour en répet et on l’a pris de suite. Dans le prochain album, j’aimerais bien que Chloé et Vincent chantent eux aussi. J’ai vraiment envie que l’on soit un groupe à part entière et que petit à petit, je lâche la bride, pour le chant comme pour le fait de s’exprimer au nom du groupe… J’assure ça pour le moment parce que c’est plus simple, avec mon background mais après je passe le relais.

Nous avons interviewé récemment Romain Humeau, qui a écrit plusieurs morceaux en anglais pour son album Mousquetaire #1 et il justifiait son emploi ainsi : « mon niveau d’anglais est plutôt limité, mais c’est presque une richesse. Son utilisation me permet de dire des choses plus simples, plus crues, l’anglais ayant déjà la diphtongue poétique. Cela permet de prendre un autre chemin poétique, plus naïf.« 
Je connais bien Romain, qui est un ami et qui a été mon voisin à Bordeaux. Il a produit et arrangé mon premier album solo. Je n’ai pas l’assimilation qu’il a de l’anglais, d’un point de vue littéral. Le fait de chanter en anglais, me permet d’être plus mélodique, plus fun, de me lâcher même par rapport aux paroles. J’ai le français pour donner du poids aux mots.

C’est ce que dit également Romain Humeau. Il utilise l’anglais, qui lui permet une approche plus directe tant musicalement que sur le sens des paroles.
Le sens des paroles en anglais, je m’en fiche presque. C’est ma cour de récréation… Et après avoir tourné avec Les Hurlements dans pas mal de pays non francophones, ceux pour qui nous avons chanté n’avaient rien à faire de ce que l’on racontait mais appréciaient la musique et la façon que l’on avait de leur transmettre. C’est un bon exercice et une bonne leçon ; en France, on a tendance à donner beaucoup d’importance au texte. C’est important pour soi, pour ceux et celles à qui on s’adresse. Mais si ta musique suffit pour exprimer ce que tu souhaites faire passer, ce n’est pas la peine d’en rajouter, voire d’expliquer ta chanson avant même de l’avoir chantée !

 

Ça va faire débat à Hexagone, ça ! On va changer de sujet, hein… Votre tournée a débuté en septembre et se conclura dans les Charentes en décembre. Et vous serez passé deux fois par Paris ; après l’Alimentation Générale en septembre, vous vous produirez le 30 novembre au centre Barbara FGO à la Goutte d’or…
Oui et on aura des dates en hiver et au printemps, avec beaucoup de premières parties. Et l’été, je tourne avec les Hurlements et les Ogres de Barback mais sans le chapiteau de Latcho drom cette fois-ci. Pour ces vingt dates, on a choisi des festivals de moyenne envergure, pour pouvoir jouer pendant une heure trente et pas juste un set de quarante-cinq minutes. On fait cette réédition avec les Ogres pour retrouver tous les brothers, pour leur rappeler qu’on est toujours là !

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