David Sire, « je ne suis pas une orchidée »

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Photo Emilie Micou
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J’ai testé la bidulosophie à travers plusieurs expériences. David Sire est associé cette saison à La Bouche D’Air à Nantes. C’est une association qui organise, depuis 30 ans des concerts dans une salle nantaise, notamment des concerts de chanson française. J’ai commencé par un cercle « bidule » en février. Il s’agissait donc, ce soir-là d’une petite soirée avec une dizaine de personnes dans un appartement nantais. Chacun devait apporter un bidule. « Un bidule ? Quelque chose auquel on tient tout particulièrement, quelque chose qui nous tient, nous aide à pousser, à grandir, devenir. Une sorte d’arbre à l’intérieur de l’intérieur. Un bidule peut être matériel ou immatériel. Il peut se raconter, se montrer, se chanter, se danser, se goûter, se murmurer. Il peut être présent ou absent. Discret ou grande gueule. Passé, présent ou futur. Il n’y a aucune limitation d’aucun ordre à la liberté d’un bidule. Un bidule, c’est imprévisible et il n’y a aucun jugement à porter dessus… » Un moment unique de partage, de confiance, d’émotion, de douceur qui fait du bien. On apprend à se connaître différemment, on découvre des choses que l’on ne soupçonnait pas chez ses voisins de canapé, on est ému, touché, on rit, on discute… Et puis David chante de jolies chansons comme ça, parce qu’il en a envie, parce que ce qu’on vient de lui dire le fait penser à une de ses chansons. Il a fait plusieurs cercles bidules sur Nantes, il est venu aussi pour son concert jeune public Niet popov ! Avant d’assister au concert, David Sire s’est gentiment et simplement prêté au jeu de la rencontre papotage.

Photo Emilie Micou
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Hexagone : Est ce que tu pourrais me présenter ton parcours un peu original ?

Photo Emilie Micou
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David Sire : J’ai commencé par voie détournée, j’ai fait des études (de philosophie), dites hautes pour être universitaire à la base mais je n’ai pas trouvé suffisamment de joie et de liberté là dedans. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire, alors de façon très naïve, candide, je me suis lancé là dedans. J’ai fait un premier concert en juin 1998 devant tous mes copains dans un théâtre parisien et j’ai perdu ma voix rapidement, ça a duré 4 à 5 minutes. C’était un peu chaotique, pas très élaboré mais l’envie était là. Au début, j’ai travaillé en groupe, je n’assumais pas seul ce que je faisais, ça s’appelait Drôle de Sire, on a travaillé ensemble jusqu’en 2006, on a fait quelques centaines de concerts. Jusqu’au moment où j’ai réalisé que j’étais prêt à livrer des choses plus personnelles, et à les assumer, alors je suis parti en solo. J’ai fait des tournées à bicyclette que j’ai montées et préparées pendant un an, il fallait trouver des concerts. J’ai rallié Paris à Sète la première année puis Strasbourg à Ouessant la deuxième année. La première tournée a été l’élément déclencheur, j’ai fait tourneur mais c’est pas facile de convaincre les gens. J’ai découvert aussi une façon très libre de faire le métier de chanteur. C’est vraiment là que j’ai commencé finalement, 10 ans plus tard, j’ai trouvé ma place. Je me suis dit que j’étais prêt à assumer tout seul. Faire de la chanson seul en scène, c’est une proposition assez sobre musicalement en guitare-voix ou corps-voix, ce sont des choses minimalistes mais qui doivent tenir la route. Ca a questionné l’intensité poétique et l’intensité d’interprète, je devais voir jusqu’où ça tenait seul. Ce chemin de tournée à vélo a été la démarche initiatique, j’ai découvert une façon particulière de faire ce métier, une façon d’aller à la rencontre des gens. A partir de là, j’ai eu envie de prolonger dans la diffusion mais aussi dans les cercles bidules.

Photo Emilie Micou
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Hexagone : Bidule est né à ce moment là alors?
David Sire : Oui, Bidule chanson pour voix et pompe à vélo est née à ce moment là. Le délire artistique, l’envie de créer la bidulosophie ont fait le reste. J’ai retrouvé avec la bidulosophie, une façon de faire de la pensée, de produire de la pensée de façon active, vivante, incarnée et surtout en partage. Ne serait-ce que pour le feu que ça crée, la bidulosophie est une réussite pour moi. Evidemment, ça va évoluer, je ne sais pas où ça va m’amener. J’ai vraiment le trac avant chaque cercle bidule, ça demande à se tenir au bord, sans prévoir. Il ne faut pas que ça devienne une routine!

Hexagone : Au début, tu faisais uniquement de la chanson pour adultes?
David Sire : Ça reste mon activité principale, c’est là que je passe la majorité de mon temps de création. Aujourd’hui, le temps de tournée, c’est principalement avec le jeune public mais ce sont deux secteurs différents. J’ai la chance d’avoir des spectacles jeune public qui marchent très bien et qui me permettent de financer ce que je fais pour le tout public.

Hexagone : Tu préfères faire des chansons pour quel public ?
David Sire : Je préfère les adultes mais y’a des choses en jeune public que j’aime énormément, une simplicité plus récurrente, les gens sont moins bouffés par l’image, l’apparence. Si tu manques d’intensité, les enfants vont te le dire et c’est bien, grâce à ça, tu progresses énormément. Le jeune public c’est une très bonne école. Par contre, il y a moins d’étages, les émotions sont plus palpables mais le vécu est moins présent, c’est normal, ils ont moins vécu, le second degré n’est pas toujours présent, il faut faire attention dans l’écriture, c’est un appui qu’on ne peut pas utiliser. Dans les deux, je trouve mon compte, les deux réunis créent un équilibre. Je ne suis pas une orchidée, je fais de la danse, de la chanson pour enfants, de la chanson pour adultes, des livres pour enfants.

Hexagone : Tu es donc une marguerite avec tous ses pétales ?
David Sire : Il y a des artistes orchidées mais pas moi, il faut accepter d’être ce qu’on est.

Photo Emilie Micou
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Hexagone : Comment as-tu atterri à Nantes, avec le projet d’artiste associé à La Bouche d’air?
David Sire : La bidulosophie est née au fin fond de la Picardie, j’avais été associé à ce moment là avec un théâtre, c’était intense et beau de travailler en confiance avec des gens de monter un projet, les gens donnent plus facilement accès  à des espaces et des lieux quand la rencontre s’inscrit dans la durée. André Hisse (directeur programmateur de la Bouche d’Air) a contacté mon ancien tourneur, très vite j’ai eu besoin de rencontrer du monde. Le projet a commencé en décembre 2013, on a démarré en octobre 2014 avec la présentation de saison de la salle, puis les rencontres avec des gens de plusieurs horizons (accueil de jour des restos du cœur, maisons de quartier, une résidence pour personnes âges, un lycée, des associations, …). Pour moi c’est hyper important d’avoir une petite maison, de suivre un projet. Le cercle bidule est une expérience humaine, sociale, anthropologique, il se passe beaucoup de choses émotionnelles, psychiques mais j’essaie de recentrer vers l’artistique Je trouve fabuleux dans ce dispositif que les gens comprennent très vite le fonctionnement, on ne juge pas on ne jauge pas, on se donne. Il y a une écoute inconditionnelle, accueil inconditionnel de la parole. Le collectif se prend en charge lui même. Ça m’intéresse de faire se connaître les gens. L’aventure continue, je ne sais pas où je vais, je vais avoir besoin d’une pause, ça demande de l’énergie, j’ai besoin de recul pour écrire.

Hexagone : Est ce qu’il t’arrive d’animer des ateliers d’écriture ?
David Sire : J’en ai fait il y a quelques années mais je suis moins à l’aise avec ce dispositif, je suis moins inventif avec l’écrit  et ce n’est pas quelque chose que je désire. Je vais animer bientôt un stage d’interprétation, je vais découvrir, mais ça va être hyper vif, je vais apprendre plein de trucs, ça reste un jeu. Quelques nouveaux pétales à la marguerite.


Photo Emilie Micou
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Quelques heures après cette rencontre, j’ai assisté au spectacle jeune public Niet popov ! Titi et Zinzin parlent en toute simplicité de la différence de la liberté et de plein d’autres choses  dans un décor original. Une semaine après le spectacle jeune public, David sire est revenu présenter son spectacle bidulosophies. Le jour de son anniversaire, soirée particulière à bien des égards.

Sur la scène, une dizaine de chaises, avec une amie participante au cercle bidule, on s’est dit qu’il fallait peut-être qu’on participe, mais non,nous on était pas prêtes. On se cale bien dans notre siège et on attend.
Et David joue de la guitare, des percussions corporelles, il dit ce qu’il est. Il se livre, il nous livre à travers un joli texte très inspiré écrit à partir des rencontres aux cercles bidules. Il partage tous ces « toi(s) sous le même toit », il est ému, ça se voit, ça se sent, mais il n’hésite pas à chanter, à danser, à donner tout ce qu’il a. Un vrai beau moment qui fait du bien.

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