Nicolas Jules : « J’avance vers des châteaux imaginaires »

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Photo Flavie Girbal

Nicolas Jules. 20 ans de boutique et pas une ride ! Aussi bien artistiquement que physiquement. Le genre de client rare, très rare, trop rare. Poète subtil, musicien précis, clown joyeusement triste, Nicolas Jules écrit sa carrière au quotidien, lentement, à son rythme, à sa façon et sans compromissions. On a voulu le rencontrer pour faire une interview qui poserait un regard sur ses 20 ans de carrière. On a retrouvé cet homme précis, qui pèse chacun de ses mots dans une générosité peu commune. A l’arrivée, tout le talent, la classe et la lucidité de Nicolas Jules se retrouvent dans cette interview. Un moment précieux.


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Hexagone : L’idée de cette interview bilan part d’une de tes déclarations sur scène. « Ça fait 20 ans que je fais des concerts et au bout de 20 ans, il se passe un truc… C’est que j’en ai plein le cul. » Comment pourrais-tu succinctement résumer ces 20 ans de carrière solo ?
Nicolas Jules : J’ai l’impression d’être resté le même. C’est-à-dire quelqu’un qui cherchait et je cherche toujours. J’ai un sentiment confus de ce que je cherche et le sentiment de ne l’avoir pas trouvé, et c’est en fait mon moteur. Je continue à chercher et continuerai à chercher tant que je n’aurai pas trouvé. Et l’expérience aidant, j’ai un peu le sentiment maintenant que je ne trouverai jamais. Mes chansons représentent tous les chemins de traverses que l’on prend pour viser un but qu’on n’atteint jamais.

Hexagone : C’est un langage psychanalytique ça.
Nicolas Jules : Je le dis en souriant mais c’est un peu ça. Ça fait 20 ans que je m’auto-psychanalyse pour éviter d’aller voir un psychanalyste et pour pouvoir faire des chansons. Si j’allais voir un psy, j’irais peut-être mieux mais je ne ferais pas de chansons.

Hexagone : Sur le plan discographique, on note que tu n’as fait aucun album durant tes 10 premières années de carrière. Pourquoi ?
Nicolas Jules : C’est assez simple. Je n’ai jamais eu de plan, j’ai toujours eu un problème avec le passé qui m’encombre souvent, le présent que j’essaie de vivre le plus à fond possible et le futur que je n’envisage jamais… Ce qui fait que je me suis retrouvé à chanter par hasard, j’ai aimé ça, c’était mon présent, c’était faire des concerts. Et je ne projetais pas du tout de faire un disque. Et ce premier album, je l’ai fait le jour où j’étais dans la merde, où je tournais en rond, où je n’avançais plus. Les dates faiblissaient un peu et il fallait qu’il se passe quelque chose de nouveau. J’ai donc fait ce premier disque et de la même façon que j’ai aimé faire de la scène en faisant de la scène, j’ai aimé faire des disques en faisant celui-ci.

Hexagone : Aujourd’hui, tu as 5 albums de sortis. Peux-tu dire quelques mots sur chaque. Les particularités de chacun, les conditions de leur sortie, les envies artistiques, etc.
Nicolas Jules : Le premier, Le cœur sur la table, en 2004, est venu d’une nécessité d’évoluer comme je le disais. C’était quelque chose de vital. C’est un disque qui a été fait sans aucun moyen, avec un ingé son des Deux-Sèvres, en bricolant, sans maquetter, en jouant les chansons live dans un studio.

Hexagone : Un vrai premier album en fait, un peu une compile des titres accumulés ?
Nicolas Jules : Oui, c’est ça, une espèce de sélection de 10 ans de chansons que j’avais accumulées.

Hexagone : Le deuxième album, c’est le live.

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Nicolas Jules : Oui, le Live à L’Atelier. Je n’avais pas envie de faire un live mais on me tannait pour que je le fasse. Alors je l’ai fait avec des amis à Orléans. C’est une période où je tournais beaucoup en solo et j’ai mis sur ce disque beaucoup des chansons qui avaient également existé dans les 10 premières années et qui n’étaient pas sur le premier album. Je n’ai donc pas vraiment écrit pour ce disque non plus.

Hexagone : Ta réticence aux albums live, tu peux l’expliquer ?
Nicolas Jules : Je crois qu’un live, ça se vit. Ça se vit physiquement, pour un musicien mais pour un spectateur aussi. Un disque live ou un DVD, ça prend juste un moment et encore un moment déformé par une image ou le son d’un disque. C’est aussi pour ça que pour moi cet album à L’Atelier est plutôt un reportage plutôt qu’une captation live.

Hexagone : Powète en 2008 ?
Nicolas Jules : Autant les 2 premiers albums étaient presque des disques faits dans l’urgence, autant Powète est un album réfléchi. J’ai tendance à considérer que c’est mon premier album. C’est un album pour lequel j’ai choisi des musiciens, sur lequel il y a eu l’envie d’une esthétique qui me ressemble plus. C’est aussi la première fois que je commence à assumer vraiment les enregistrements.

Hexagone : Shaker en 2010 ?
Nicolas Jules : Shaker est né de la rencontre avec 2 amis québécois qui sont Urbain Desbois et Fred Boudreault. Ce disque est particulier parce que c’est que du matériel neuf. Ce ne sont que des chansons neuves écrites en l’espace de deux mois, ce qui est inhabituel pour moi car je suis plutôt lent. Et on a enregistré en 5 jours, à Montréal. C’est un disque qui s’est fait rapidement, dans l’énergie du présent.

Hexagone : Et le dernier ?
Nicolas Jules : La nuit était douce comme la queue rousse du diable au sortir du bain, en 2013. C’est encore autre chose. C’était l’envie d’enregistrer et de réaliser un disque moi-même de bout en bout. Avec des choses plus neuves dans l’écriture où j’essaie d’aller vers une sorte d’épure. C’est un disque qui est plus personnel, peut-être plus compliqué, avec certains sens cachés. Il faut plus de temps pour entrer dedans.

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Hexagone : On sent une évolution dans ton œuvre au fil des albums. Plus tu avances et plus tes univers musical et textuel sont dépouillés, presque au scalpel. Paradoxalement, tu es passé à la guitare électrique et l’attitude est très rock. Mais ce rock, tu es parvenu à le mater, à le contenir pour ne livrer que la quintessence sans fioritures. Est-ce que tu te reconnais dans cette affirmation ?
Nicolas Jules : Oui, ce qui m’intéresse, c’est d’aller vers l’épure et vers la tension. La tension, ça veut dire d’avoir une espèce d’énergie maitrisée. Je n’ai pas envie que ma musique soit comme un cri mais je n’ai pas envie non plus que ce soit comme quelque chose d’étouffé. J’ai envie qu’on sente une capacité à pouvoir crier mais sans le faire. Comme sur scène, qu’on sente une présence mais qui ne passe pas par la force ni par une prise d’otages mais plus dans le fait de s’assumer soi et d’aller chercher en soi. Soi-même, on n’est pas plus fort, plus puissant, plus présent ou plus en tension qu’un autre mais on est tout simplement plus soi. Et le fait d’être plus soi, c’est aller le plus possible vers quelque chose de juste. Et cette évolution passe par de nombreux chemins, qui m’éloignent de ce que je faisais à mes débuts et en même temps – presque paradoxalement – qui me rapprochent un peu de ce que je suis dès le départ. Et dès le départ, je suis quelqu’un qui viens du rock. Et j’ai commencé à faire des chansons en m’auto-formatant, ce qui est un drame finalement. C’est malheureusement un écueil qu’on évite rarement.

Hexagone : Que veux-tu dire par « auto-formater » ?
Nicolas Jules : Je me suis auto-formaté dans le sens où j’ai fait des chansons comme « on fait des chansons ». L’idée serait plutôt de faire des chansons qui soient au plus proche de soi.

Hexagone : Quelle est l’importance pour toi de faire un disque, d’un point de vue artistique comme commercial ?
Nicolas Jules : D’un point de vue commercial, c’est assez simple et clair, je ne me pose pas la question. Comme évidemment les disques se vendent de moins en moins, ce qui me touche peu puisque je n’en ai jamais vendu beaucoup, je m’arrange pour que mes disques coûtent le moins cher possible. Je les enregistre moi-même, je travaille avec des amis, etc. Ce qui fait que je n’ai pas le problème de la rentabilité. J’ai juste le problème et le besoin de faire exister des choses qui vont dans un sens artistique.

Hexagone : Du coup, le choix de l’autoproduction pour toi coule de source ?
Nicolas Jules : J’aurais peut-être ma liberté avec une maison de disques mais comme je ne cherche pas, je ne trouve pas. Les gens viennent rarement vers vous, il faut plutôt aller vers eux et je n’y vais pas.

Hexagone : Quand tu es période de création, quelle est ta façon de travailler ?

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Nicolas Jules : Je n’ai pas de période de travail, j’essaie de faire ça tout le temps. J’imagine que c’est comme quand on court, moi qui ne cours pas, c’est-à-dire que plus on court, plus c’est facile. Il y a des moments où je n’ai pas écrit depuis longtemps et c’est laborieux. Et plus j’écris, plus ça vient. Je pars toujours des mots, c’est ce qui me donne le plus de mal. J’accouche difficilement des textes et très facilement des musiques. J’écris des textes en vrac sur des carnets. J’ai une sorte de méthode ; je marche, toujours en milieu urbain, je réfléchis. Je m’arrête à des cafés. J’écris dans les bars en général mais j’écris très peu, des bribes. Je peux réfléchir des heures parfois pour sortir 2 mots. Jamais de flots, c’est plutôt des expressos.

Hexagone : Pour toi donc, l’écriture est un travail du quotidien qui ne se fait pas au quotidien ?
Nicolas Jules : Voilà, c’est ça. Je suis toujours connecté mais c’est le mouvement qui va être le déclencheur. Si je suis assis dans un train par exemple, il ne va rien me venir mais bizarrement c’est en allant du wagon au wagon-bar, que ça va venir.

Hexagone : Qu’est-ce que tu cherches à mettre dans une chanson ?
Nicolas Jules : Exactement, je cherche à éviter nombre de choses. Une fois toutes ces choses évitées, il ne reste pas grand-chose. C’est comme dans une forêt où je chercherais à éviter les branches, les arbres pour ne garder qu’un caillou.

Hexagone : Et qu’est-ce qui ne te plaît pas ?
Nicolas Jules : C’est très personnel mais j’ai besoin d’éviter la narration. Je n’ai pas envie de raconter des histoires. Pourtant, j’adore certains chanteurs qui racontent des histoires. J’ai envie d’être clair mais en même temps de ne pas aller vers les évidences. J’ai envie qu’il y ait toujours au moins deux lectures possibles. Je cherche à fuir l’anecdotique également, et le plus possible la métaphore même si je suis souvent tombé dans cet écueil. Je trouve que la métaphore tue un peu la poésie aujourd’hui. J’essaie d’aller vers quelque chose de brut qui raconte plutôt des états, des sentiments, des impressions.

Hexagone : Il y a deux Nicolas Jules : celui des chansons, « powète » pas si facile d’accès et celui sur scène très volubile, très joueur, toujours dans le second degré. C’est cette balance qui te semble nécessaire pour faire passer tes chansons ?
Nicolas Jules : Le fait que je parle beaucoup sur scène me vient de loin, de mes débuts. On n’était pas très bons musicalement, j’avais besoin de compenser un peu comme pour m’excuser en racontant des conneries. Après, j’ai pris goût à ça et je l’ai développé. J’ai toujours aimé déconner, et faire rire les gens c’est très agréable. Mais mes chansons ne sont pas drôles, quand j’écris, je n’ai pas une inspiration comique.

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Hexagone : Oui justement, c’est pour ça que je disais qu’on avait comme deux personnages qui cohabitent sur la scène.
Nicolas Jules : C’est toujours cette double lecture, je suis un peu double, quelqu’un de très introverti et très extraverti. Je suis quelqu’un de très timide et en même temps pas du tout. Il se trouve que j’ai besoin de faire rire et d’écrire des chansons comme les miennes. Et comme j’ai besoin des deux, je les rassemble sur scène.

Hexagone : D’ailleurs, si tu enchaînais sur scène tes chansons sans discuter entre, la réception du public serait sans doute très différente.
Nicolas Jules : Oui, j’ai essayé de le faire. Ce serait chiant. Il y a des gens qui écrivent des chansons, des histoires où l’on peut suivre quelque chose. On peut suivre une narration, comme un spectacle de théâtre, on peut se raccrocher à quelque chose. Moi, dans mes chansons, à une première écoute, il n’y a pas grand-chose à quoi se raccrocher. Moi-même quand je suis spectateur, j’ai du mal à entrer dans les textes des gens. Il me faut plusieurs écoutes. Le concert, c’est très immédiat, ça file. Donc, j’ai l’impression que je vais perdre les gens et ce n’est pas mon but. Mon but c’est de faire un spectacle, d’amuser, d’émouvoir. Je pourrais effectivement faire des spectacles uniquement musicaux et des spectacles uniquement d’humour mais j’ai la possibilité de faire les 2 en même temps. Je trouve ça mieux.

Hexagone : Avant tout, tu te considères comme un chanteur de scène ? C’est ça qui te fait gagner ta vie ?
Nicolas Jules : Oui, je gagne ma vie en faisant de la scène et pas du tout en faisant des disques. J’aime faire de la scène et c’est ce que je fais le plus souvent. Après, ce qui m’intéresse c’est d’être dans des formes artistiques, donc le disque m’intéresse tout autant. Il y a des choses annexes qui m’intéressent également que je pratique de temps en temps comme la peinture, le dessin. Mais ça me va aussi d’écrire pour d’autres, de faire des musiques pour d’autres.

Hexagone : Oui, on te voit de plus en plus sur des projets d’autres artistes.
Nicolas Jules : Pas de plus en plus, j’ai toujours fait des choses très parallèles comme ça, de façon épisodique. Quand des amis me demandent, un texte, une musique ou de les accompagner sur scène, je le fais. J’aime ça et quand c’est des gens dont j’apprécie le travail – comme Boule par exemple – c’est encore mieux. Encore une fois, c’est le mouvement qui m’intéresse. Donc, pour en revenir à la scène, oui je suis davantage une personne de scène dans le sens où c’est ce que je fais le plus souvent. Après, fondamentalement, au fond de moi, je ne sais pas si c’est ça qui me définit le mieux.

Hexagone : Sur scène, tu te produis en solo ou en trio. Le choix de la formule est fonction des programmateurs et des budgets j’imagine ?
Nicolas Jules : Oui, c’est le budget surtout.

Hexagone : Qu’est-ce que l’une et l’autre des formules t’apportent et qu’en retiens-tu ?

Photo Flavie Girbal
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Nicolas Jules : J’en retiens qu’avec le temps, le solo et le trio se sont disjoints. Plus le temps passe et moins les deux formules se ressemblent. Je me retrouve donc avec deux spectacles radicalement différents. J’aime les deux. Le solo me permet une totale liberté d’improvisation, d’être dans le burlesque et d’utiliser des blagues que je faisais il y a 5, 10 voire 15 ans. Il y a cet aspect répétitif qui peut paraitre chiant mais c’est un peu le travail des clowns aussi. Je ne me considère pas vraiment comme un clown mais c’est de répéter les choses comme ça, à l’infini, pour toujours les améliorer. C’est une suite de petits numéros que j’ai rodés depuis 15 ans auxquels s’ajoutent de nouveaux numéros que j’essaie. Quant au trio, j’ai l’impression d’être plus raccord avec ce que je suis aujourd’hui. Le trio est davantage dans une musique que je souhaite défendre aujourd’hui et répond plus à un désir textuel et musical alors que le solo répond à mon désir de clown.

Hexagone : Tu participes à des spectacles sur d’autres chanteurs. Bobby Lapointe repiqué et Brassens à Rennes en septembre. Qu’est-ce que ça t’apporte ces expériences ?
Nicolas Jules : Alors, le Brassens, c’est très simple. C’est un copain qui tient un café-concert où j’ai joué 25 fois. Il m’a appelé en me demandant si je ne voulais pas venir faire une soirée Brassens. Juste pour une soirée unique, reprendre des chansons de Brassens. Pour le Bobby Lapointe, ce que ça m’apporte c’est avant tout le fait de jouer avec des gens que je connaissais certes auparavant mais avec qui je n’avais jamais joué. Il y a Roland Bourbon avec qui je joue depuis des années, mais il y a Imbert-Imbert de qui je me suis rapproché et Dimoné aussi qui est également devenu un ami par exemple. Ça m’apporte qu’on se rapproche et qu’on échange au-delà du concert. On est tous des solitaires forcenés dans un doute permanent et dans une construction permanente. Et par nos individualismes, ça nous a rapprochés parce que de nos individualismes nait la solidarité. Pour ma part, je suis donc très content de faire ces spectacles qui sont des commandes, mais si je devais monter un spectacle de reprises, je ne choisirais pas Brassens ou Bobby Lapointe.

Hexagone : Tu choisirais qui ?
Nicolas Jules : Avec un ami chanteur, on avait évoqué un projet – qui ne verra peut-être jamais le jour – qui visait à reprendre « les » Johnny. C’est-à-dire ; Johnny Hallyday, Johnny Cash, Johnny Rivers, Joni Mitchell, etc. J’avais également un projet de faire un spectacle, depuis longtemps, sur Johnny Hallyday : piano et quatuor à cordes. Quelque chose de très classe.

Hexagone : Il y a des choses qui te plaisent chez Johnny Hallyday ?
Nicolas Jules : Oui. Je suis très éclectique. Ce qui me plait chez lui, c’est que je viens du rock, du rock des débuts avec Elvis, Chuck Berry, Johnny Kidd et en France, Johnny est un des premiers rockers. Certes un yéyé, mais quand même. Il reprenait des choses qui étaient du rock. Il y a un côté ridicule dans la mesure où c’était un chanteur français qui imitait les américains mais qui avait une vraie culture de la musique américaine. Il avait 17 ans. Il y a des choses que j’aime beaucoup dans le Johnny des débuts. Quand revient la nuit, Pour une poignée de terre, Kili watch, etc. Ce que j’aime, c’est que parfois il y a de très belles mélodies et les textes sont des adaptations de standards américains qui sont parfois très maladroites. J’aime bien aussi ces maladresses. J’avais donc l’idée d’expliquer toutes ces choses-là, ces maladresses, en chantant le plus sérieusement possible, au premier degré et sans aucune moquerie.

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Hexagone : Sur ton site, on peut lire : « 2013, toujours sur les routes ». Et sur scène tu dis que ça fait 20 ans que tu fais des concerts et que tu en as marre. Où est la part du vrai et la part du faux ? 
Nicolas Jules : Ce qui est vrai, c’est que j’adore toujours faire ça et que j’ai gardé le même enthousiasme de mes débuts. Après, effectivement, je dis parfois des énormités sur scène mais avec toujours un petit fond de vérité. La vérité, c’est que cette scène de la chanson française, je la trouve souvent étouffante. Il y a quelque chose d’un peu mortifère dans cette scène française. Je trouve que vers la fin des années 70, début 80, il y a des gens comme Charlélie Couture, Bashung, Lavilliers, Souchon, Thiéfaine ou Higelin qui sont arrivés et qui ont amené des choses un peu neuves. Et aujourd’hui, il y a une espèce de retour à la chanson des années 50-60, une tradition un peu rive gauche qui moi m’emmerde.

Hexagone : Tu te retrouves dans une catégorie d’artistes de grand talent qui bénéficient d’une médiatisation réduite. Comment l’expliques-tu ?
Nicolas Jules : C’est très simple. Il y a des gens qui font le boulot et qui sont curieux. Par exemple, c’est Hexagone, Hélène Hazéra, Longueur d’Ondes, FrancoFans, et là on a fait un peu le tour. Il y avait Levaillant mais il n’est plus là. Donc, c’est assez limité, il n’y a pas grand monde. Après, le reste des médias, il faut aller les chercher. Ça passe par des attachés de presse et c’est un travail. Moi ce travail, personne ne le fait pour moi et je n’ai pas envie de le faire, donc je n’y vais pas. Mais ce n’est pas un problème. Si c’était une de mes priorités, je m’arrangerais pour que ce soit fait. Très sincèrement, je m’en fous. Pour ma part, ça va, je joue souvent, j’ai la liberté de faire des disques au rythme que je veux, je gagne ma vie. Ça va.

Hexagone : Tu es donc un chanteur satisfait ?
Nicolas Jules : Je suis content de ne pas avoir couru après des moulins à vent, si ce n’est des moulins à vents d’idéaux artistiques. Parce que j’en ai des idéaux artistiques. Mais je sais que c’est des moulins à vent mais ça ne me dérange pas et ça me permet d’avancer quand même. J’avance vers des châteaux imaginaires mais en allant vers ces châteaux imaginaires, je rencontre des petits arbres, des petits cailloux, des petites choses comme ça que je mets dans mes chansons. Après, ma vision, mon but c’est l’artistique et je suis content parce que j’ai la liberté d’y arriver. La reconnaissance médiatique ne m’intéresse pas. La reconnaissance qui me touche, c’est la reconnaissance de certaines personnes du public, musiciens ou pas.

Hexagone : Alors, pour les 20 ans à venir. Des concerts, des concerts, des albums ?
Nicolas Jules : C’est ça. Des concerts et des albums. J’ai envie que le prochain album soit une expérience nouvelle, différente, et qui se rapproche le plus possible de mon envie.


Ci-dessous, Nicolas Jules en vidéo qui interprète Oint, issu de son dernier album, suite à l’interview chez Hexagone. Un grand merci à lui pour cette générosité.

4 Commentaires

  1. Bravo pour cette belle interview. Nicolas Jules est un grand monsieur d’une intégrité et d’une intelligence rare. J’ai eu l’occasion de le croiser à deux reprise et ce qui m’a frappé c’est sa discrétion en même temps que son sens aigu de l’observation. Il sait où il va et plus le temps passe plus il construit une grande oeuvre. Je découvre ce site, il fait beaucoup de bien, continuez et encore bravo.

  2. Bonjour,

    Nicolas est une connaissance que j’ai croisé de ci de là sur Poitiers. Je passé quelques moments privilégiés en sa présence, au comptoir ou à la table d’un café, à Poitiers, à Tours. Chaque fois ce fût un enchantement, sa tronche d’ange d’innocent les mains pleines, son discours lunaire. Ces mots d’ailleurs s’entremêlaient aux miens les yeux dans les yeux, nous étions deux rêveurs se faisant rire chacun notre tour. Il est bien plus créateur que moi mais je ne suis pas envieux, on ne peut être envieux de quelqu’un qui a sa grâce. Je lui avait offert un petit album maison 5 titres et le fait qu’il me dise qu’une de mes chansons, Le nez rouge, l’avait beaucoup touché, m’avait ému profondément. Quand je le vois et l’entends, il m’inspire, j’ai tout à coup envie tout en savourant sa poésie et sa philosophie, de reprendre confiance en moi, en la chanson, de reprendre la quête de  » l’inaccessible étoile  » qui n’est sans doute que la simplicité de sa réussite confidentielle . Nicolas Jules a une intégrité qui rend sans doute mal à l’aise les artistes qui se plient, s’arrondissent, se décolorent à la javel de la loi du marché, son statut est donc bien plus noble et humain, il peut en être très fier… Merci à Hexagone de l’avoir mis en valeur ici.

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