Nicolas Bacchus est un cas d’espèce en voie d’apparition. Il gueule tout haut ce que pas mal n’ont jamais osé chanter tout bas. La fourmilière en est toute remuée…
L’essentiel, c’est de ne pas plaire à tout le monde. Tel est le mot d’ordre de Nicolas Bacchus, électron libre néo-libertin pédé affirmé , auto-proclamé. Voilà qui est dit.
En effet, l’auvergnat (elle est à toi cette chanson ?), naturalisé toulousain mais – par solidarité – sans papiers l’attestant officiellement, a eu une enfance difficile voire irréversible. Dès le berceau, à la merci de l’inconscience de ses parents, Nicolas régurgite le Blédine et ingurgite, à fortes doses, les persiflages de Font et Val, Brel, Renaud – Brassens plus tard – et autres empêcheurs d’asphyxier le peuple en rond.
Bacchus (c’est même pas son vrai nom !), au temps de sa jeunesse, semblait avoir échappé à l’irradiation de ses idoles et fit même un vrai métier pendant cinq ans, en tant qu’éducateur spécialisé. Hélas, l’imprégnation de cette culture subversive s’averra indélébile et il sombra corps, guitares et biens dans ce capharnaüm que représente la chanson engagée, revendicatrice et contestataire.
L’histoire aurait pu s’arrêter là mais comme un malheur n’arrive jamais seul, non satisfait d’être pétri de talent, Nicolas s’avère très tenace et déterminé. Dès 1997, prenant d’assaut les bistrots, les caf’ conc’, les terrasses et les restos de la ville rose, le vil vert au pull rouge (Bacchus est écolo. Quel cumulard !) agresse la paisible population à grands coups de chansons-boutoirs. La légende raconte que l’infâme décadent aurait fréquenté, à plusieurs reprises, les commissariats toulousains et alentours pour avoir notamment entonné une chanson de Font et Val, Liberté, égalité, vos papiers ! Le bougre a beau jouer de sa provocation souriante, il est des comportements qui doivent cesser là où l’ordre et la morale se voient troublées… Mais voilà, la morale trop bien-pensante, Bacchus n’en a cure.
Fort de sa petite carrière, l’insolent insoumis décide de graver son fangeux répertoire naissant. Après souscription, en 1999, il fait paraître Coupe d’immondes… et autres réjouissances populaires. Album auto-tout. Produit, distribué, interprété. Musicalement très sobre ; guitare, piano, voix, essentiellement. Une sorte de recueil amoral, tiré à 2000 exemplaires, qui donne prétexte à 350 concerts à travers la France. Un disque aux atmosphères nuancées. A chaque titre suffit sa dose d’inconvenance. On passe de la provocation rigolarde en forme d’autodérision avec La cerise sur le gâteau à une tendresse polissonne aux sonorités « gainsbouriennes » avec Eva, on croise la satirique Petite nuance avant que Bacchus nous mène là où peu se sont aventurés. Des textes toniques, décapants pour une revendication crue de son homosexualité, des textes qui cinglent les a priori fustigent les idées reçues et les tabous. « Pour m’rouler dans l’herbe / Et courir après les garçons / J’ai pas b’soin qu’ils soient millionnaires / ni qu’entre nous y’ait un ballon » déclare allégrement l’intéressé dans Coupe d’immondes.
Alors que les curés et leur amie Boutin, les militaires, la maréchaussée, les fachos (excusez la redondance) pensaient être débarrassés de ce provocateur subversif, voilà que le gascon tient ses promesses et revient pervertir la jeunesse française, deux ans plus tard, avec un nouvel album enregistré en public, au Bijou de Toulouse. (qu’il considère comme son « Olympia »)
L’emmerdeur Bacchus prend de la bouteille mais poursuit son travail de sape. Ralliant le public à sa cause, en bavard impénitent, il livre un spectacle qui oscille entre sketch et poème théâtral. Pêle-mêle, il parle de politique, d’amours différentes mais d’écorchures semblables, des sans papiers, des beaux garçons qui écoutent trop leur mère, du charity-business, des filles et des chiens, de séquestration et de petits ânes gris. Il cultive ce mélange, ce goût du contraste qui nourrit son envie d’écrire, passant sans scrupule du très poétique et troublant Allez l’ami (qui résonne un peu comme le Allez, viens de Mano Solo) : « Allez, l’ami, reste un peu ce soir / On va s’cracher nos vies dans l’noir / On f’ra un bras d’fer de nos malheurs / A même pas chercher si y a un vainqueur. / Allez, l’ami, c’est l’heure de boire / On f’ra la peau à nos histoires / D’encore un p’tit salaud qui s’barre / D’encore une chieuse qu’arrive trop tard ». à la très burlesque fête bachique – évidemment – de La Saint Sylvestre : « Une chose aussi que je n’supporte pas : / C’est quand on me filme malgré moi / Le cul en garage à vélo / Et qu’on s’repasse la vidéo ! / Bientôt cent lunes que tu m’séquestres / Pour tes petites séances équestres ! / Je ne compte plus les trimestres / Il a plu pour la Saint Sylvestre… ».
Chantre de la provocation et du rentre dedans, Nicolas Bacchus fait rire et surprend par la multitude de ses facettes. Cette façon hors du commun qu’il a d’ouvrir les brèches sur des sujets clos vise avant toute chose à grossir le trait pour mener au débat. Art délicat de la fausse inconséquence qu’il maîtrise habilement. Ne sort pas de la cuisse de Jupiter qui veut… A ta santé Bacchus !!!