Spoiler alert : édito coup de gueule !
Notre précédent numéro (le no 35), dont le dossier s’attachait à dresser un état des lieux non exhaustif de la filière chanson, a été fort apprécié de nos lecteurs et nous a valu bien des retours encourageants. Soyez-en ici chaleureusement remerciés, vous, amoureux de la chanson. Ce coup de gueule ne vous est pas adressé.
Cependant ce numéro qui a plu à nos abonnés a plus largement délié bien des langues et beaucoup fait parler sur les réseaux sociaux — alors même qu’aucun contenu n’y était révélé hormis les titres des articles. Ah, les réseaux sociaux ! Quelle expérience merveilleuse au quotidien que cette basse-cour ! Que ce soit à la suite de nos publications sur la page Facebook d’Hexagone ou sur les murs des personnes qui les relayaient, nous avons pu lire les commentaires d’individus — parfois bien connus du milieu chanson — qui avaient un avis définitif sur bien des aspects de ce dossier… que pourtant ils n’avaient pas lu puisque non abonnés et n’ayant pas acheté ledit numéro !
Néanmoins tel n’est pas l’objet de ce coup de gueule : que des personnes commentent à l’emporte-pièce, de façon plus ou moins agréable et péremptoire, des publications sur Facebook sans avoir pris soin de savoir de quoi ni de qui on parle précisément, je n’y puis rien et n’ai pas la prétention de pouvoir détourner de leur crise d’ego celles et ceux qui s’y fourvoient. Non, je voudrais surtout faire part de mon incompréhension — et de mon agacement certain — vis-à-vis de la quasi-totalité des acteurs — de fait professionnels — de la filière chanson. Je poserai la question sans filet ni détour, au risque certes de passer pour quelqu’un de très prétentieux — ce que j’espère ne pas être : comment est-il possible que pratiquement aucune structure, label, salle, fédération, société civile, festival, production du milieu de la chanson ne figure parmi les abonnés de la revue Hexagone ? Est-ce normal ? Qu’est-ce que cela dit de la solidarité à laquelle nous appelons et en laquelle nous voyons la seule issue possible pour le réseau chanson rendu invisible par l’industrie, afin de sortir de l’ornière ?
Je n’ai pas à juger moi-même de la qualité ou de l’utilité de la revue. Je laisse ce soin à d’autres, mais les retours que nous avons toujours reçus et que nous continuons de recevoir vont dans le même sens : ils saluent notre travail et disent l’importance de cette revue, l’importance de disposer encore dans le domaine de la chanson, en 2025, d’une presse écrite spécialisée sur laquelle compter, ouverte sur l’actualité mais soucieuse de son patrimoine. Elles sont nombreuses les voix à le dire, mais parmi toutes ces voix, combien sont abonnées ou achètent la revue ? Je vous le dis tout net : très peu, trop peu, quasiment aucune ! Oui, vous avez bien lu, et ce n’est pas un mot lâché en l’air. « Quasiment[1] », car oui, parmi les acteurs de la filière — puisque c’est d’eux qu’il est question —, il est quand même une poignée de fidèles et militants véritables, convaincus de l’importance d’une publication indépendante et imperméable aux tendances imposées par les puissants et leurs suiveurs ou autres lobbies. Vous, chers abonnés, le savez bien : nous parlons ici d’à peine 6 euros par mois — pas de « K€ » ! Pour les structures pointées du doigt, ce n’est pas une question d’argent : c’est une question de volonté. Uniquement de volonté.
C’est donc aussi un coup de gueule pour mettre les responsables de ces structures face à leurs responsabilités. J’ai envie de dire à nos beaux parleurs (qui parfois sont sincères, c’est ça le pire !) que leurs compliments nous vont certes droit au cœur, mais qu’un abonnement de leur part satisferait davantage notre banquier. Depuis près de dix ans, nous avons bien dû recevoir entre cinq et dix mille promesses d’abonnement… pour n’en recueillir à ce jour qu’un piètre dixième. Depuis près de dix ans, nous clamons haut et fort à qui veut bien l’entendre que notre survie passe par l’abonnement, puisque nous avons fait le choix judicieux de ne pas être diffusés en kiosque (sinon nous n’existerions plus). Mais non. Peut-être nous battons-nous contre des moulins à vent. Seulement le jour où il n’y aura plus ni magazine ni revue dédiés à la chanson, ces organes attachés à un vrai travail de prescription et de recommandation, un travail critique et d’analyse, un travail de mémoire, il ne restera plus que Facebooket sa basse-cour pour faire le boulot. Et là, faudra pas venir se plaindre comme d’aucuns se sont plaints en 2009 à la disparition de Chorus ! Clamer son attachement envers une famille, c’est beau, mais insuffisant. « Il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour. » Si la formule vous semble bateau et gnangnan, je peux vous le reformuler en un : franchement, vous déconnez ! Vous me pardonnerez de le dire aussi sèchement — mais sans acrimonie aucune —, car ce n’est pas, me semble-t-il, une usurpation. À bon entendeur.
Toujours est-il que nous continuons de faire paraître cette revue tant que cela reste possible. Et pour notre plus grand plaisir. Pour notre plus grand plaisir également, Babx est de retour en chanson avec Amour colosse, un nouvel album fort réussi. Babx en couv’, ça en jette, non ? Le contenu de cette parution estivale est foisonnant, diversifié comme on aime, recelant découvertes et talents confirmés. Aussi apprécierez-vous probablement ces petits coups d’œil dans le rétro : une analyse de l’intégrale de Marie Laforêt, puis une incursion au cœur de la création avec une nouvelle section dédiée à ceux qui font la chanson — auteurs, compositeurs et plus si affinités. Pour cet épisode inaugural, nous vous invitons à lire un très bel entretien avec Claude Lemesle ainsi qu’un portrait de Maurice Vidalin. Coup double. Avouez qu’il y a pire entrée en matière !
Bel été à tous, que vous festivaliez ou pas. L’été, Lecteur fidèle, est aussi la saison des réabonnements — mais je ne t’apprends rien.
À la rentrée prochaine.
David Desreumaux
8 juin 2025
[1] Nous ne citons ici aucun nom afin de ne mettre personne mal à l’aise.
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