Pour celles et ceux d’entre vous qui vont dévorer leur Hexagone version papelard et néanmoins trimestriel dans les jours à venir, on ne va pas remettre le couvert sur les soirées chanson du Théâtre du Seuil. Oui, mais les z’aut – ces sociaux-traitres à la cause chansonnière puisque même pô abonnés – que savent-ils de la situation de ce lieu porté à bout de bras depuis des lustres par un théâtreux local, l’activiste Ludovic Houvet ? La bonne ville de Chartres – qui sait investir dans la culture, pour preuve un Zénith récemment sorti de terre – peut vraiment s’enorgueillir de lui avoir confié la gestion de cette ancienne chapelle, reconvertie en lieu de spectacles. Et nous z’autres, amateurs de chanson française, on ne peut que le remercier et le soutenir. Ici comme ailleurs dans l’Hexagone, la place qui lui est dévolue sur les scènes s’avère portion congrue. Espérons donc que la municipalité Chartraine continuera à soutenir cette démarche exemplaire et novatrice… Mais venons-en au fait et glosons sur cette soirée du 15 décembre dernier, durant laquelle nous avons fait connaissance avec la poétesse et musicienne Chartraine Jenny Dahan.
En mode bonnet-blouson, elle entre par le fond de la salle, telle une paroissienne en mode aboule-le-pèze. Ce n’est pas un p’tit panier d’osier qu’elle tripote, mais un tambourin maousse. Tout en s’installant sur scène, elle psalmodie une litanie chantée qu’elle poursuit une fois derrière son micro. Jenny Dahan a autant de coffre que d’aplomb, d’impertinence que de présence. Sa “Poésite” a les ovaires sévèrement accrochés, ne dédaigne pas l’allitération ou la fantaisie d’un Queneau ou d’un Devos, la hargne salvatrice en prime. Parmi le public, peu nombreux ce soir-là, il y a visiblement quelques-uns de ses compères. Ou alors les Chartrains ne sont vraiment pas bégueules quand ils se font traiter de mouton (certains le prouveront en venant se faire dédicacer ses ouvrages qu’elle vend à l’issue du concert)… Musicienne adepte de “punkésie”, elle rigole ouvertement de nous voir sortir vingt balles pour la voir, plutôt habituée aux bars et aux squats qu’à des prestations tarifées. S’accompagnant – ou pas – à la guitare, elle utilise avec maestria un looper, qui lui permet de créer en direct choeurs et rythmiques. Jenny Dahan improvise également avec une ironie mordante durant ses chansons ou lors de la lecture de ses textes, se disant “à la merci des gens qui lui donnent la chance de jouer” (À la merci) ou brocardant Chopin dans une Lettre de suicide numéro 9. Elle assume avec panache des musiques qu’elle considère comme “pas encore fixes”, en mode “décroissantes donc” ou se moque d’elle-même en qualifiant une de ses chansons de “la plus variet”. Enfoncés grave les punks de salon d’hier et d’aujourd’hui ! Il y a du Piaf en elle ; on perçoit un clin d’oeil dans le titre Dans ma maison. Elle semble ne rien regretter ou presque, et franchement, c’est tant mieux !