Bagarre et Odezenne ont déchainé l’Espace Michel Berger

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Photo Déborah Galopin
Photo Ophélie Grall
Photo Ophélie Grall

Se rendre en concert un vendredi soir pour décompresser de sa semaine fait toujours du bien. Encore plus quand il s’agit de groupes comme Bagarre et Odezenne. On n’a pas besoin d’en écouter beaucoup pour savoir que c’est la musique qu’il nous faut ! Seul petit bémol, ce n’est pas vraiment par hasard qu’on atterrit dans cette salle située dans le Val-d’Oise (Sannois). Fort heureusement, l’Espace Michel Berger (EMB pour les intimes) bénéficie d’une bonne programmation comme c’est le cas ce vendredi 19 février ainsi que d’une salle spacieuse et agréable. Un petit effort donc avant le réconfort.

C’est Bagarre qui a ouvert les festivités à 21h pétantes. Une intro instrumentale qui nous plonge directement dans leur univers grâce à une rythmique soutenue. Difficile de rapprocher ce groupe de ce qu’on connaît déjà. Ils nous décrassent les tympans de tout ce qu’on connaît déjà. À la fois électro, musique de club, combiné à de l’expérimental et à de la chanson française, un style qui fonctionne excellemment bien en concert. Artistes, ils le sont, mais plus encore, des faiseurs de musique. Excepté le batteur qui reste assigné à sa place, les quatre autres membres s’échangent les instruments et le rôle de chanteur. On aura le loisir d’entendre leurs quatre voix, ce qui crée une diversité. Chacun de leurs titres pourraient être des tubes à part entière, rien n’est à jeter. On passe de l’électro énervé de Claque-Le au slow de Macadam, en passant par le rap de Ris pas. Leurs paroles qui se veulent répétitives permettent à tout public – ceux qui les connaissent comme ceux qui les voient pour la première fois – de se les approprier. Un brin provocant, contestataire, violent, aimant…

Photo Ophélie Grall
Photo Ophélie Grall

Les spots se font psychédéliques, bougeant dans tous les sens, s’éteignant et se rallumant successivement. L’énergie que le gang dégage est bestiale, un poil agressive n’ayant qu’un seul but : nous faire transpirer. Si vous avez vu le clip de Le gouffre, cela vous donne un aperçu de ce qui peut se passer sur scène. Thom Loup, chanteur de ce morceau, se laisse porter par la musique, presque en transe. « Le gouffre qui t’appelle / Tu descends en rappel / Sentant l’odeur du souffre / Pour moi t’es la plus belle. » A notre tour, nous nous laissons happer par lui et ce refrain à la limite de l’absurde qui pourtant prend sens dès qu’on écoute les couplets.

La bête voit rouge, morceau final de ce set, évoque lui aussi quelque chose de puissant. Le début du morceau se fait calme pour monter progressivement jusqu’à ce hurlement : « La bête est amoureuse / L’amour est lamentable / Il faut qu’on la tue / Quand je suis amoureux,  je suis nu ». Un moment de répit durant lequel le chanteur halète de façon érotique. « Je t’aime », répète-t-il, en pointant du doigt plusieurs d’entre nous, « je t’aime, je t’aime, je t’aime ».

Bagarre c’est ça : un cri violent d’amour et de vie. Ils n’aiment pas les clubs, mais nous les seuls que nous aimons, c’est eux, avec eux. Sur scène, on ne s’en lasse pas. Où qu’ils passent, ils communiquent leur énergie, chauffe la salle. Ce soir, la salle ne fut pas aussi endiablée que lors de leur passage au Badaboum, mais quand le set s’arrête, on se sent frustrée. On en demande encore « Le gouffre ! » réclame certains, mais aucun rappel ne viendra. Heureusement, Odezenne arrive pour satisfaire notre appétit. Je vous mets au défi de rester insensible à ce qu’ils dégagent.

Photo Ophélie Grall
Photo Ophélie Grall

Odezenne – comprenez O2 Zen et pas Haut-de-Seine comme je le croyais il y a peu – c’est plus « j’roule mes oinjs » plutôt que « ce soir j’irai mourir au club ». Deux univers qu’on pourrait croire totalement à l’opposé, mais ils ont cela en commun de paraître incongru aux yeux des gens qui ne les connaissent et paradoxalement de nous servir du son qui fonctionne. Quand je dis que je vais voir un groupe entre rap et électro, tous les sourcils se froncent, comme si ces deux mots et encore plus combiner était un gros mot. Certes les gros mots Odezenne, mais ce serait tout de même dommage de passer à côté de ce groupe sous prétexte qu’on a quelques mauvais a priori. Laissez le politiquement correct aux vestiaires et gardez l’esprit ouvert, car je vous assure, qu’ils le méritent.

Odezenne c’est trois amis d’enfance : Au chant, Alix et Jaco, à la guitare ainsi qu’aux platines Mattia. Sur scène, ils sont également accompagnés d’un batteur. Des ampoules à filament suspendues encadrent la scène, donnant cette petite touche de raffinement qu’on retrouve dans la partie instrumentale. À peine apparaissent-ils sur scène que le public les acclame. « Vas-y Jaco, envoie la sauce » lance une personne dans la fosse, donnant rapidement l’idée de la température. Sans précipitation, le son monte progressivement pour atteindre des sommets dès le second titre « Chewing-gum ». Jaco et Alix s’échangent les paroles sans interruption, venant superposer leur voix pour donner à certains mots plus de poids. L’un et l’autre arpentent la scène, occupant l’espace comme des chiens en cage avec cette envie, cette hargne de déverser leur verve déchainée. Pourtant, pas d’agressivité chez Alix et Jaco, davantage de respect, partageant une belle complicité avec leur public. Les adolescents extériorisent leurs propres maux comme on les a déjà vu faire avec Fauve, en reprenant en cœur leurs paroles, démontrant cette soif de s’en sortir et d’être ensemble.

Photo Ophélie Grall
Photo Ophélie Grall

Odezenne peint une société pas vraiment belle, voire carrément sale, et aborde divers sujets dont l’amour et l’alcool/drogue reviennent fréquemment. Malgré l’argot, langue dans laquelle parle Alix et Jaco, il y a quelque chose de savant, jouant avec les mots. Saxophone en un bel exemple avec ses allitérations à répétitions : « Saxophone, phonographe, graff de fou, foule de gens / Molécule autonome, déambule bulle de 16 / Mini-jupe uppercut : super cul / Cul-de-sac, sac à puces, Pue ce chemin / Main au cul, cul de jatte, claque de pute plutôt p’tite, titiller » Le sens se fait énigmatique pour ne laisser qu’une impression comme des images superposées les unes aux autres. Le rythme des titres se fait tantôt dansant, tantôt planant, presque mélancolique. La musique d’Odezenne est organique, elle parle au corps, à l’esprit. On ne la comprend pas toujours pourtant quelque chose se passe. Rien ne se ressemble, Odezenne mixe les genres, pioche dans l’ancien pour refaire du neuf, entre pop, rock, électro, trip house, tout y passe. C’est ce qui fait leur richesse. Quand on les écoute, on passe par un panel d’émotions aussi large. « Voler dans les airs, je vais je vais je vais / Pourrir dans la terre, je veux je veux je veux » (Un corps à prendre). Leur musique nous fait l’effet d’un oinj et nous font oublier nos préjugés grâce à leur justesse.

logo-EMB-2015On restera suspendue pendant 1h30 à leurs lèvres, à sauter sur Dedans, Chewing-gum et hurler notre trop plein d’amour sur le chant révolutionnaire Je veux te baiser. Nous n’étions pas à l’Olympia, mais on aurait presque pu s’y croire au vu de la synergie entre le groupe et public. Il termine leur concert sur cette phrase « Restez vivants », ça tombe bien car c’est ce qu’on a fait toute la soirée et nous comptons bien l’être encore demain !

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