Hexagonaute, de partout et d’ailleurs, toi qui me lis de temps en temps, tu dois te dire que ma spécialité c’est « la découverte ». Tu connais mon envie de te faire découvrir des jeunes artistes. Ils viennent en général de la région toulousaine et souvent ont une tendance forte à la chanson théâtralisée ou à la mise en scène travaillée (comme par exemple Les coloriés, Victoria Lud, Joséfa et Lucien la movaiz graine que j’ai déjà tous chroniqués ici).
Aujourd’hui, changement de cap, je veux te faire découvrir Ronan et te parler d’un concert totalement et uniquement « tour de chant. » Ronan Le Guennec qu’il s’appelle. Rien qu’avec son nom qui sent les embruns et avec son visage buriné de loup de mer tu entends le bruit sec des vagues contre les rochers, tu respires l’eau salée, tu lèves ton coude dans les troquets du port ou de Toulouse. Quatre décennies qu’il promène sa carcasse, un peu plus d’une décennie et demie qu’il chante ses textes et compositions. Cette année il inaugure une nouvelle formation. Un duo piano voix. Une formule brute et épurée. Il l’a testée deux soirs fin mai sur la scène de Chez ta mère (et je t’ai mis deux photos de ce concert) et après un passage à Osons c’est au Bijou qu’il nous propose son nouveau spectacle. Si tu veux que je te parle de mise en scène spécifique ou de chanson théâtralisée alors change de chronique. Si tu veux entendre des blagues entre les chansons, des artistes qui parlent presque plus que ce qu’ils chantent alors va te régaler avec Nicolas Jules ou Valérian Renault. Mais si tu veux de l’émotion brute, des textes et une voix en liaison directe avec ton cœur et tes tripes, alors, tu es à la bonne adresse. Une voix forte et chaude, des textes d’une certaine poésie réaliste et tu ne quittes plus Ronan des yeux et des oreilles. De plus, il a trouvé avec Gaspar Chefdeville, un jeune pianiste virtuose, son complément musical idéal. Et on sent un respect mutuel entre les deux.
Un répertoire intimiste et personnel. Il nous émeut avec Les yeux d’Marie le portrait d’une jeune mère employée d’une «putain d’usine de jouets» et aussi Le portrait (« Pas de mot nécessaire pour décrire le tableau ta silhouette légère ma gueule de Picasso ça ne vaut pas une toile de maître ton portrait au pinceau et le mien au couteau. ») Il chante les amours, pas toujours faciles, avec ses mots à lui. Dans le vocabulaire utilisé dans ses chansons on reviennent plusieurs fois les mots (de son univers ?) : brume, écume, bateau, voile, port, rêve. Ronan reprend des titres qu’il jouait avec son groupe précédent comme Un temps d’chien (où il place le mot épectase) et La rosée des anges ici avec un arrangement et même une interprétation différente. Derrière son micro il se révèle très expressif par son visage, sa gestuelle et … il nous embarque. Ce tour de chant n’est ni monotone ni austère mais humain, poétique et prenant. Le piano, parfois classique souvent sautillant et bondissant, valorise les chansons. Si Ronan n’interpelle pas le public et ne raconte pas de blagues, il introduit parfois ses chansons par des petits textes (par exemple : « C’est la danse des petites filles et des petits garçons qui dansent et tournent en rond autour de l’usine de béton. Ils grandissent. Puis un jour c’est sous les ordres du patron qu’ils tournent en rond dans l’entreprise de béton. Mais au dehors on entend les cris de joie et les chansons. Ce sont leurs enfants qui dansent et tournent en rond autour de la fabrique de béton »)
Il entrecoupe son tour de chant de titres plus légers comme Mademoiselle Feuille et Ton cul. Il nous fait une superbe reprise de Gainsbourg, La noyée, que je ne connaissais pas (ah bien sûr ce n’est pas la plus gaie du répertoire Gainsbourien). Il nous livre une nouvelle chanson que j’apprécie beaucoup, et dont je n’ai pas le titre, (« J’ai musardé dans les bas fonds des villes encrassées J’ai déserté les acronymes aux portes des cités, J’ai délaissé mon sac de rimes aux enfants du quartier La pantomime de nos vies se joue à la criée »). Sa manière parfois de juxtaposer des mots qu’on ne penserait pas mettre ensemble, de les entrechoquer, fait parfois penser à Léo Ferré. D’ailleurs j’ai entendu deux fois, dans des « afters » de concert, Ronan chanter Ni dieu, ni maître et, vu la qualité de l’interprétation, il pourrait l’ajouter à son répertoire de scène. Il termine les rappels par Ne me jette pas la pierre, avec un accompagnement piano un peu boogie et sautillant, un titre qui parle un peu d’alcool (« Dans tous les ports à chaque escale Y’en a toujours un qui est plus saoul que moi Pourtant je dois dire je bois pas mal Y en a même qui disent que je suis le roi » ). Puis, après un merci à l’accueil du public, ses derniers mots seront « On se retrouve au bar ? »
Après mon compte-rendu du concert, je te dis quelques mots sur le parcours. Ronan a partagé un groupe Toultoutim avec Jules Nectar, groupe avec lequel il a sorti un album, Pèle Mèle, en 2001. (Hexagonaute, depuis que je connais son existence je cherche à me procurer ou à écouter ce disque de ces deux artistes aux univers différents. Alors, si tu peux m’aider, fais-moi signe). Puis, Ronan a été accordéoniste au sein du groupe Les NotaiRes qui a publié deux albums, En attendant qu’il pleuve, en 2005, et, Dans ma démocratie, en 2009. Pour ma part, je l’ai connu comme chanteur du groupe Les Vents Malins où il s’était entouré, pour donner rythme à ses textes et compositions, de quatre très bons musiciens toulousains (comme Yohann Perret ou Simon Barbe que l’on a vus plus tard autour de Chouf). Les Vents Malins ont sorti un E.P en 2011, disque qui se trouve dans ma discothèque.
Et puis, parlons un peu du futur. Ronan va enregistrer un album, dès début 2016, avec Gaspar Chefdeville bien sûr, mais aussi avec un quatuor à cordes (deux violons, un violoncelle, une contrebasse). Je suis impatient de découvrir l’écrin musical dans lequel les textes et l’interprète pourraient encore un peu plus s’épanouir. Et pourquoi pas aussi voir le résultat sur scène ? Comme dit souvent pour les découvertes proposées, tu sais que tu peux compter sur moi pour te donner des nouvelles des prochaines aventures de Ronan.
Ronan le 6 Octobre au Bijou à Toulouse (31). Nota : pour cinq titres, chantés ce soir là, je t’ai mis le lien avec la version en duo (maquette). Tu cliques sur le titre et hop tu te écoutes la chanson !
Ronan a joué récemment le 13 novembre à Orgibet (09) au Noste Courtiu. Il sera toute une semaine aux apéros concerts du Grand Rond à Toulouse en mars 2016.
[…] Grand Rond, en apéro spectacle à 19h du 19 au 23 avril, Ronan en duo voix piano. De son concert au Bijou en Octobre j’ai écrit : « Une voix forte et chaude, des textes d’une certaine […]
[…] déjà écrit un article), Ronan (que j’aime bien et sur qui j’ai déjà écrit un article – qu’est ce que c’est sympa le copier-coller !) et Marin (dont je t’ai […]
[…] ce n’est pas tout, j’irai découvrir Hildebrandt. Le vendredi 10, Ronan en trio, avec piano et violoncelle, vient nous présenter son album Volutes. Le Québécois Moran, […]