Rétrospective Barjac m’en chante 2019 – 3/6

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Romain Lemire ©David Desreumaux - Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l'auteur

BARJAC M’EN CHANTE

Lundi 29 juillet 2019

Romain Lemire ©David Desreumaux – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

Pour un moment fort, c’était un moment fort. Dans le cadre des Effeuillages poétiques, salle Trintignant et en présence de Jean-Louis Trintignant, Romain Lemire venait jouer son spectacle Gaston moins le quart que nous n’avions pas encore vu. Comment est-il possible d’avoir tant attendu avant de voir pareil bijou ? À nos yeux, ce Gaston restera le coup de cœur de l’édition 2019. Tout, il y a tout dans ce spectacle. Tout ce qui fait un grand spectacle : de l’émotion, de l’humour, de l’esprit, du sérieux, du moins sérieux, du philosophique, de l’accessoire. De la poésie. La vraie. Pas celle qui se farde de mots savants et ampoulés, pas celle préfabriquée qui ressert des images réchauffées, mais celle qui va piocher dans les détails du quotidien, qui fait son sel des existences simples, de petits plaisirs de tous les jours, car nous savons bien depuis Milan Kundera et son Insoutenable légèreté de l’être que le bonheur n’est rien d’autre que le désir de répétition. C’est cela qu’expose Romain Lemire, en fin observateur. Il fait œuvre universelle de situations de rien du tout et d’une apparente banalité (l’évocation de la grand-mère, quel moment !). Avec son air de faux naïf, ce garçon est un touche-à-tout et son spectacle séduit par son aspect hybride entre chanson, théâtre, cirque et stand up, déambulant dans un espace intemporel fait de tasses à café, de radio diffusant des informations obsolètes, de vieil électrophone ou de limonaire. Gaston parle, raconte. Il parle de la vie. De l’amour, de la mort, de l’aspect provisoire de tout cela. De métaphysique. Ce spectacle, joué dans le cadre intimiste des Effeuillages poétiques, aurait tout aussi bien pu se tenir dans la cour du château. L’intime, ça se partage. Programmateurs abonnés à cette revue, nous ne pouvons que vous inciter à accueillir ce spectacle dans vos murs. Vous ferez à n’en pas douter des spectateurs heureux.

 

Sanseverino ©David Desreumaux – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

Après Alexandra Gatica et Simon Chouf sous le chapiteau, place à l’espace Jean-Ferrat en soirée. En ouverture, découverte totale pour une bonne partie du public, Juliette Kapla et Claire Bellamy. Un spectacle en grande partie fondé sur l’improvisation, qui n’aura pas convaincu. Puis vient Sanseverino, seul en scène – juste une chaise et deux guitares qu’il manipule avec une dextérité hors du commun – pour donner du François Béranger.  Pour chanter Béranger, il faut garder l’esprit anar. Et rock de Béranger. Sans doute Béranger soi-même aurait détesté des reprises  conservées dans du formol pour respecter « le maître ». Avec Sansev’, peu de risques de se croire à l’église. L’homme est bien trop insaisissable, trop peu sage, inclassable. Mais respectueux, libertaire comme il faut l’être. Les chansons de Béranger, dans sa gratte et dans sa bouche, sont autant les siennes que celles du bon vieux père François, trépassé en 2003. Rappelons au passage que la dernière apparition scénique de l’auteur de Natacha fut à La Cigale en 2002 à l’invitation de Sanseverino, qui reprenait à l’époque Le tango de l’ennui. La compatibilité entre les deux bonshommes n’était dès lors plus à prouver. A Barjac, Sansev’ a produit près d’une heure trente de protest song, d’engagement, de lutte, de tendresse sur fond de blues avec une énergie incroyable. Tout cela augmenté de fraternité, invitant Eric Frasiak – autre grand amateur de Béranger – à le rejoindre sur scène le temps de deux chansons. Tout là-haut, au royaume des anars envolés, on a bien dû se régaler. Dans la salle, c’était aussi le cas.

A suivre…

David Desreumaux


 

 

Reportage paru dans le numéro 13 de la revue Hexagone.


Photos ©David Desreumaux – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

 

 

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