Bertrand Belin au 104

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Photo Frédéric Petit
Photo Frédéric Petit
Photo Frédéric Petit

L’autre mercredi, avec Fred, on est partis rendre une petite visite à Bertrand Belin sur la scène 104. La première partie a été assurée par sa batteuse, Tatiana Mladenovitch alias Fiodor, occupant cette fois le devant de la scène. Elle était accompagnée de Katel à la basse. Une scène bien frenchie donc et pourtant qui nous a pondu de l’anglais. Et t’sais quoi ? C’était pas dégueu du tout. L’inspiration Belin ne doit pas être très loin dans la précision des instruments, mais en revanche, beaucoup plus rock que le maître de cette soirée. Dix ans qu’elle l’accompagne et on sent un attachement quand elle en parle.

Le temps de changer de décor et Bertrand Belin se présente devant une salle comble d’un simple “bonsoir”. Rien d’extravagant, si ce n’est peut-être dans son attitude. Une main au-dessus des yeux, l’air sérieux, il scrute les visages tendus vers lui, comme un marin à la recherche de l’horizon. C’est son point fort sur scène, sa capacité à incarner des personnages multiples. La folie s’empare de son corps, perceptible jusque dans les traits de son visage, jouant la colère ou la gueule de bois. Pourtant, il n’a qu’à remettre ses cheveux gominés bien en place, pour retrouver son éternelle classe.

Cette classe, elle se ressent également dans ses textes, dans sa musique. Il y a un côté très carré et marqué à la fois. Cette façon qu’il a de raconter des histoires de façon minimaliste et volontairement opaque. Il ne s’embarrasse pas de grandes phrases, ni de grands vers, mais vient puiser les mots à leur essence. On ne comprend pas toujours ses textes, car il les manie d’une telle façon que le sens ne se fait pas immédiatement à l’oreille de son auditeur. Alors il les raconte d’une autre façon, récit un peu délirant de son auteur. Il n’explique ni comment, ni pourquoi il les a écrit. Il use d’autres mots pour reformuler sa pensée avec des répétitions, des reformulations, des répétitions, encore. On a parfois l’impression qu’il peine à mettre les mots bout à bout, mais en même temps de voir l’histoire s’écrire sous nos yeux, se dérouler dans notre tête, comme un film qu’on rembobine puis qu’on arrête pour en saisir les infimes détails qu’on ne peut voir autrement. Il révèle l’absurdité de ses paroles, comme avec cet homme qui boit du lait à même le pis d’une vache dans Hypernuit, recréant le bruit de succion, s’agenouillant et l’imitant. Le public rit de ses situations, surtout quand elles nous paraissent familières : “Quand j’ai fermé les yeux, j’étais chez moi. Quand j’ai ouvert les yeux, j’étais plus chez moi. J’ai déconné mon pote !” Les musiciens ne s’interrompent pas pour autant, tenant la cadence, peu importe le temps que durent ces digressions. Ces épisodes qui viennent rythmer le concert, nous permettent de plonger davantage dans son univers.

Photo Frédéric Petit
Photo Frédéric Petit

Si je craignais l’ennui, à cause d’un aspect assez monochrome dans les chansons de Bertrand Belin, j’ai été agréablement surprise : les deux heures de concert, je ne les ai pas vues passer. C’est un artiste tout en nuance, dans la subtilité et la délicatesse. Pas de grande démonstration, mais si on prête une oreille attentive, on se rend compte de la précision de l’instrumentation. La rythmique se fait lente, répétitive mais relevée de légères variations mélodiques. La guitare aux accents country apporte cette patte, avec un jeu propre au guitariste et songwriter.

Ce set était principalement composé de titres de Cap Weller, dont quelques inédits qui ont fait l’objet d’un nouvel EP comme  Nation ainsi que Le mot juste en duo avec Camélia Jordana. En rappel, il renouvelle cette composition avec sa batteuse cette fois, (qui est également chanteuse, on le rappelle). Ils se contentent de leurs deux voix et de leurs instruments respectifs pour jouer La chaleur et le résultat est émouvant.

Bertrand Belin, c’est le genre de mec, il pourrait jouer de la guitare tout en faisant des claquettes qu’il aurait toujours la classe. Il nous a offert un concert généreux de deux heures. On s’apprêtait presque à croiser un “buisson d’imbéciles” ou une pluie Folle folle folle sur le chemin du retour, mais on est juste rentrés avec des images et des paroles plein la tête.

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