Escale au Québec avec Marcie et Philippe Brach

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Photo Frédéric Petit

Avec Fred, on est parti en expédition aux Trois Baudets. Direction le Québec, vol direct sans escale Paris-Montréal. Lui chargé comme une mule avec son matos photo sur les deux épaules et moi légère comme une plume avec seulement mon carnet de notes et mon stylo. Les artistes ont pensé à nous, ils nous ont évité de braver le froid et sont directement venus à nous. Dans la salle, le climat était chaleureux entre la douce voix de Marcie et la bonne humeur de Philippe Brach. Avec eux deux comme guides touristiques, c’est un sacré voyage qu’on a fait.

Photo Frédéric Petit
Photo Frédéric Petit

Marcie incarne une sorte de douce mélancolique, elle parle d’amour avec noirceur. Quand d’autres supplient l’être aimé pour qu’il les récupère, elle lui demande de la faire pleurer « Une fois pour toutes qu’on en finisse, que je laisse tomber, sans remords, sans le moindre doute, abandonner. » Elle envisage les ruptures plutôt que les rencontres. Ses cheveux coupés à la garçonne renvoient la force de caractère qu’elle met dans ses chansons. Elle valse entre force et fragilité. Elle tente de nous mettre en garde contre les sirènes, mais l’unique sirène qu’il y a aux Trois Baudets ce soir ; c’est elle. Ses histoires sont « belles à pleurer », il est difficile de résister à sentir son cœur chavirer surtout quand elle nous charme sur un air de tango.

Les influences françaises sont indéniables chez Marcie. Il y a dans sa voix, quelque chose qui nous rappelle un autre temps entre Barbara et Françoise Hardy. Elle va même jusqu’à nous chanter la comptine Malbrough s’en va en guerre reprise en chœur par la salle, lui donnant une dimension sensible. Son chant y est presque religieux lorsqu’elle se lance a capella. Mais ce qu’on aime surtout ; c’est quand elle nous amène sur la côte nord du Québec, et nous raconte ce Montréal en cendres à cause d’elle, sur un charmant air de guitare tout en intimité.

Photo Frédéric Petit
Photo Frédéric Petit

Philippe Brach, je l’avais découvert avec son titre Dans ma tête, issu de son premier album La foire et l’ordre. Il racontait : « On est ben, dans ma tête, On est une gang à se partager la fête, On est ben, dans ma tête, Tout le monde se parle, personne s’écoute » assis sur un tracteur, au milieu d’une nature sauvage et de pneus. Vous voyez le topo ? Complètement barjot le mec, alors j’ai voulu vérifier ça par moi-même.

Dès qu’il est entré sur scène, il n’y a plus eu un seul doute : il est taré ! Mais « osti », ce qu’on aime ça ! Son costume de scène ? Un kimono rouge – qui entre nous, ressemble davantage à une robe de chambre. En guise d’intro, il s’échauffe la voix sur une reprise, faisant quelque chose comme « only you » tout en s’énervant sur le pad. Puis tout d’un coup, sans prévenir, il envoie les baguettes valdinguer. Dès qu’il ouvre la bouche pour nous dire allo, il plie la salle en deux et pas seulement à cause de son accent. Voilà bien la première fois qu’un artiste nous dira « ne jugez pas à ce que vous voyez ni à ce que vous entendez ». Il nous raconte ses titres avec un humour noir et pince-sans-rire, nous donnant parfois une autre vision de ses paroles. Un titre romantique comme Nos bleus désirs ? Il casse immédiatement cette image en parlant sodomie. Il a un franc-parler, n’hésite pas à parler crûment et toujours dans le speed. Il pousse même le vice jusqu’à lancer « Wah, c’est poli à Paris. On m’a dit que c’était chiant ». Il se moque gentiment, nous taquine et joue avec nous. On se croirait à un one man show, avec le talent de chanteur en plus, et quel talent !

Photo Frédéric Petit
Photo Frédéric Petit

Si, entre ses titres, on rit, le reste du temps, il nous met quand même une bonne claque dans la tronche. Quand il pousse la chansonnette, sa voix est haute et puissante. Tantôt rauque, tantôt elle s’amuse à chatouiller les aigus. Rajoutez à cela des textes bruts et sincères, une instrumentation entre folk et rock parfois country, vous avez le topo de ce à quoi ça peut ressembler. Philippe Brach c’est avant tout un raconteur d’histoire. Il parle d’amour, mais pas sous ses beaux jours comme celle qu’on vit dans la maladie, L’amour au temps du cancer. On a tous/toutes connu une Crystel, celle qui a l’art de se pointer quand on s’y attendait plus, se fichant pas mal de foutre notre cœur en vrac.

Alice est probablement la chanson la plus émouvante quand il nous en explique le sens. Pour une fois pas de blague, juste ces mots : « Alice, c’est la petite fille que je n’ai plus. J’ai écrit cette chanson pour me déculpabiliser. » Alors forcément quand il se projette dans une réalité qui n’aura jamais vu le jour, il est difficile de rester insensible à ce dernier couplet : « J’suis pas en train de me justifier / Mais si l’envie te reprend / Reviens cogner pis on prendra notre temps / Désolé si j’ai fucké tes plans ».

Il a terminé sur D’amour, de booze, de pot pis de topes. L’heure d’aller dormir ? Ce serait beaucoup trop sage pour Philippe Brach que de nous quitter sur un titre tout en douceur. Il fait péter le gros son, bien rock. Les lumières rouge et blanches clignotent et nous plongent immédiatement dans l’ambiance, tandis qu’il se déhanche au milieu de la scène et hurle sa frustration de passer une semaine sans boire ni fumer. Le set fut court : huit morceaux – en comprenant l’intro – c’est pas déconnant non plus, mais il faut dire que le temps passe vite en sa compagnie.

Un grand merci à ces deux artistes qui sont venus à nous dans le cadre du festival Les déferlantes nous amenant un petit bout de chez eux et beaucoup d’eux-mêmes.


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