François Gaillard a enfin trouvé un nom de scène, un nom de groupe à l’occasion de la sortie de son dernier et très bel album. Il nous raconte la conception de ce disque et fait le point après un an d’existence du projet. Pas facile de changer de nom à l’évidence mais la qualité du travail est incontestable. Travail qui sera présenté cette semaine à Lyon sur la scène d’A Thou Bout d’Chant, sans oublier quelques unes de ces anciennes chansons, celles qu’attend bien sûr le public qui le suit avec fidélité depuis ses débuts.
Hexagone : Sous le nom de Gryf, ton dernier album marque-t-il un changement de cap ?
François Gaillard : En dehors du changement de nom de scène, cet album est dans la continuité de mes précédents albums ; je me suis entouré des mêmes musiciens que sur l’album précédent: Frédéric Bobin aux guitares, Vanesa Garcia aux percussions, Mikaël Cointepas aux basse/contrebasse et moi-même au chant et à l’accordéon. Nous avons été également rejoints par le super clarinettiste Laurent Fléchier, qui a écrit quelques arrangements pour clarinette. Pour préparer l’album, on a travaillé pendant un an et demi à Agend’Arts. J’apportais mes chansons brutes, et on faisait alors le travail d’arrangements : Frédéric aux guitares, Vanesa, avec son jeu si fascinant de batterie et de percussions, Mikaël, complice de mon spectacle précédant, et Laurent, pour toutes les parties de clarinettes. Frédéric a aussi écrit la musique de la chanson Assis Dehors, sur un de mes textes. Tout ce travail de répétitions, d’écriture d’arrangements, a été suivi de 15 jours d’enregistrement dans le chalet de Marc Arrigoni, ingénieur du son. Chacun sa chambre, la batterie était dans le salon pendant que j’enregistrais les voix dans la cuisine ! Finalement, de l’écriture des chansons à l’enregistrement, il s’est bien passé deux ans de travail.
Hexagone : Pour tes textes on parle souvent des références à Kerouac, l’écrivain américain ?
François : Mes textes sont souvent liés à l’actualité, ou à mon milieu familial pour les chansons les plus intimistes. Mais quand j’ai enregistré cet album, je venais de dévorer – et adorer – Sur la route de Jack Kerouac. Il y avait plein d’écho de mes chansons dans ce bouquin. Par exemple, on apprend dans Sur la route que Neal Cassady, vieux compagnon de route de Kerouac, aura passé sa vie à chercher son père disparu ; au moment où je venais moi-même de perdre mon père, cette lecture m’a fait comprendre que j’allais sans doute le chercher encore toute ma vie car je n’avais pas tout compris de lui. Et puis j’ai aimé la folie de Kerouac et Cassady, leur démesure, leur énergie, leur constante recherche d’aventure, « avec le feu, Mec ! »… Alors, progressivement, j’essaie de créer des ponts, des liens entre des passages du bouquin de Kerouac et mes propres chansons. J’aimerais vraiment un jour faire un spectacle entier autour du voyage, des écrivains-voyageurs à la Kerouac, de ce climat de bivouac, d’aventure « cheveux aux vents » !
Hexagone : Tu as un autre métier à côté de la chanson ?
François : Oui, je suis prof de vidéo, spécialisé dans le son pour l’image ; j’ai travaillé 15 ans à la fac à Lyon (Lyon 2, Arts du Spectacle) d’abord, puis dans un IUT à Grenoble aujourd’hui. Certains de mes étudiants ont même réalisé quelques vidéos ou dessins animés de mon spectacle « Traversée de la Scène à la Rage » ! J’ai longtemps hésité à devenir chanteur à plein temps, et ne pas faire ce choix m’a parfois bloqué. On me disait « oui mais toi tu as un boulot, tu n’as pas besoin d’aide dans la chanson »… Un peu comme si on me reprochait de ne pas faire le pas. Mais pour plein de raisons, je ne me sentais pas de tout lâcher pour la chanson. C’est peut-être pas très héroïque aux yeux de certains, mais j’aime finalement cet équilibre entre la vie de spectacle et mon métier. J’aime bien aussi garder un pied dans le monde réel, et me lever à 6 ou 7 heures du matin pour aller travailler, prendre le métro avec tous les mal réveillés (dont moi) ! Je continue à chanter bien sûr, et j’ai toujours tout fait pour continuer, parce que la chanson m’était vitale, une sorte d’urgence, de besoin ; et, par chance, j’ai toujours pu déplacer mes cours à la fac si un concert s’annonçait. Je crois que mes étudiants ont souvent apprécié que je ne sois pas universitaire à 100%, que j’aie une vie à côté… Je me suis lancé aussi depuis 2 ans dans la réalisation documentaire, avec notamment une série sur des street-artistes que j’aime (Levalet, puis Kesa que je finalise en ce moment). J’aime pouvoir exploiter toutes ces entrées qui finalement n’en sont qu’une : celle de l’expression artistique à tout va !
Hexagone : Quel est le bilan de Gryf au bout d’un an ?
François : Le nom de scène « GryF » existe depuis un an, mais je chantais sous mon nom auparavant ; ça faisait longtemps que je cherchais un nom de scène, par envie de devenir un groupe, de mettre de côté mon nom d’état civil. En passant devant la librairie La Gryphe, à Lyon, j’ai trouvé ce nom très chouette. Par contre, c’est compliqué de changer de projet après deux ans du spectacle vidéo « Traversée de la scène à la rage », qui avait très bien marché. Aujourd’hui, avec ce nouveau projet GryF’’’, on me redemande de chanter les anciennes chansons, on me reparle de la vidéo sur scène… alors que pour l’instant, j’ai très envie de continuer le chemin, de montrer de nouvelles chansons, de mettre en pause la vidéo le temps de réécrire quelque chose de nouveau… Il y a ici une transition un peu compliquée, mais ça avance ! Toute activité artistique est faite de temps de création, de tentatives, de recherche des nouvelles idées pour le prochain spectacle ! Pour l’heure, je souhaite rôder les nouvelles chansons, en trio ou en solo, en tous lieux par tous les temps… avant de repartir sur un projet chanson-vidéo 2 !
Hexagone : Tu es aidé dans ton métier de chanteur ?
François : « Samedi 14 » s’occupe de me trouver des dates. Grâce à Samedi 14 aussi, j’ai rencontré le label Inouïe Distribution, qui distribue l’album de GryF’’’, et qui a un mode de distribution original, en « circuit court », via son « panier culturel » distribué aux abonnés. Ca me plait bien, ça correspond exactement à tout ce que j’essaie de défendre en chanson depuis des années, et même au-delà de la chanson !
Hexagone : Quel spectacle prévois-tu à A Thou Bout d’Chant ?
François : Ce n’est pas encore l’heure d’un spectacle Kerouac, ni d’un spectacle vidéo ! Non, pour le moment, nous faisons grandir les chansons en trio avec Mikaël Cointepas (Frédéric Bobin, Jeanne Garraud, Vesper Land) à la batterie et Denis Hénault-Parizel (Khaban’) à la contrebasse. On va donc faire un mélange d’anciennes et de nouvelles chansons, juste histoire de défendre ce trio, de montrer le bonheur de rajouter une contrebasse et une batterie à l’accordéon ! Tu sais, je joue de l’accordéon parce que j’ai trouvé avec lui une façon de servir mes chansons, très énergique, à grands jeux de soufflets… mais l’arrivée d’une batterie et d’une ligne de basse me fait un bien fou, moi qui ai grandi, biberonné, ado, dans un monde de rock, de guitares. J’ai aimé Lou Reed et Bowie autant que Renaud et Higelin, et ça, c’est des trucs que t’oublies pas !
GRyF »’ à A Thou Bout d’Chant le jeudi 28 janvier à 20h30
Réservations sur le site internet www.athouboutdchant.com ou par téléphone au 07 56 92 92 89 (nom et nombre de place à indiquer sur le répondeur)
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